Témoignage d’un étudiant arrêté par hasard mardi soir
Mardi 14 décembre [2004], aux environs de 19H15, quelques personnes étaient réunies au milieu de l’avenue Héger autour d’un petit feu symbolique allumé en signe de deuil pour la fermeture du foyer. Idée discutable, mais néanmoins non-violente et sans danger (des gens sautaient au-dessus, c’est dire s’il était grand).
Je me trouvais pour ma part dans un cercle folklorique (en face du terrain de foot) où je buvais une bière en discutant avec des amis.
19H22 des gens arrivent en courant vers les cercles ; la police arrête les gens près du feu (je nen sais pas plus à ce moment).
19H24 Nous fermions le cercle folklorique lorsque nous apercevons plus ou moins vingt policiers arrivant presque au pas de course
Des amis à moi sen vont vite nayant pourtant rien à se reprocher
Etant dans la même situation, je reste (je men mordrai les doigts). Je mapproche de lun des agents et linterroge poliment sur ce quil se passe
Sans la moindre réponse et prétextant que mon cur bat vite, lagent dit à ses collègues de commencer par moi : on mattrape, me retourne afin de me coller contre le mur et lon tire sur mes bras afin de me menotter. Tout senchaîne, sans autre explication que « tous contre le mur » et plus tard « obéissez aux ordres » ; avec un manque de tact époustouflant les agents attrapent tous ceux qui se trouvent dans la zone, sous la surveillance du commissaire qui semble satisfait de la tournure de son « opération ». Nous sommes une douzaine ; jessaie de comprendre malgré ma tête sur la vitre du cercle. Quelquun à ma gauche se débat car il est écrasé sur la vitre par trois agents car il navait pas obtempéré assez vite et refusait de se faire attacher. Il prendra pour sa peine deux coups de maglight (lampe de poche) sur le crâne, une traînée de sang sur la vitre en question latteste. A sa gauche, une amie pleure à chaudes larmes son dégoût pour ce quil se passe en se faisant attacher. A ma droite, une amie pleure et crie son indignation aux agents, un ami déjà menotté la maintient contre le mur en la poussant, de peur que les policiers ne la frappent pour la calmer (il sen est fallut de peu). Des gens posent des questions qui restent sans réponse, les cris, les ordres et les pleurs fusent en tout sens
La menace dune matraque me fit abandonner lidée de me retourner pour poser des questions
Mais que fait la police quand on a besoin delle !!!! Je navais jamais ressenti linsécurité à ce point dans ma vie (et ce nest pas faute de ne jamais avoir été agressé, au contraire). La violence qui planait dans le regard de certains agents des « forces de lordre » faisait peur à voir.
Une fois tous attachés et toujours sans la moindre explication, nous sommes emmenés (un agent chacun) vers les fourgons (avenue Héger) en rang serré. « Fonce fonce » dit un agent dans son talkie-walkie à lattention des fourgons qui arrivent en trombe. Nous sommes entassés dans les fourgons, des gens se plaignent de douleurs aux poignets dues aux menottes, les portes se ferment accompagnées dun « Vasy, fonce ! » à lattention du chauffeur. Je passe le trajet vers le commissariat à rassurer et aider une copine dont le sac (quelle ne peut ni remettre ni enlever) se déverse dans le fourgon.
Larrivée au commissariat marque un net changement dattitude des agents. La haine et la violence font place à lironie et à la moquerie comme si le fait que nous soyons attachés nous transformait de bêtes féroces en animaux de cirque à leurs yeux : « nous on aime bien les artistes en prison », des rires face à notre angoisse avouée, non-réaction face à quelquun qui a toujours mal aux poignets Je fus, avec deux amis, relâché peu de temps après devant lévidence que nous navions rien fait à part être, comme ils lont dit, « au mauvais endroit, au mauvais moment ».
Il ny a pas que la situation vécue ce jour-là qui me fait peur mais surtout le contexte qui lenglobe ; cest à la demande de lULB qua eu lieu cette rafle sur le campus dans le plus total irrespect des étudiants et de leur droit à être informé et consulté pour des opérations de ce genre (suffisamment dampleur pour que des policiers deux fois plus nombreux arrêtent sans distinction toutes les personnes présentes dans une zone et nhésitent pas une seconde à taper au premier pas de travers). Je ne pense pas cependant que les agents soient tout blancs : si des mesures évidentes dinformation avaient été données par le commissaire avant ce que je qualifierais de mêlée tellement cétait désordonné, chacun prêt à donner de la matraque aux possibles opposants (c’est-à-dire ne pas faire exactement ce quils veulent sans poser de questions ni pleurer trop fort), il y a fort à parier quil en aurait été tout autrement (mais je pense que tout sest déroulé comme il le voulait). Une réflexion ma marqué lorsque jétais dans le bureau du commissaire et que quelqu’un disait avoir eu peur : dun rire moqueur « moi cest quand je vois ma fiche de paye que jai peur ». Faut-il comprendre par là que le manque dargent est la clé du peu de valeurs humaines transmises par la police à ce jour ? Quils ne se donneront en âme et conscience dans leur travail que mieux payés ? Jespère que non.
Mes petites conclusion : il faut interdire laccès au campus à la police (venue 4 fois depuis 1968 ; pour expulser les Iraniens lan passé et trois fois ce dernier mois. A cette vitesse-là, si nous laissons faire, il ne faudra pas longtemps jusquà ce quil y ait des patrouilles quotidiennes), il faut faire virer le responsable de ces évènements, il faut dire non au projet dengager une entreprise privée de sécurité, enfin il faut fuir quand on voit la police et pleurer quand on se fait agresser.
Tanguy, étudiant en psychologie.
PS : Tout le monde est concerné car il suffit dêtre au mauvais endroit, au mauvais moment, et cela, personne ne peut léviter.
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Autre chose : Il n’en reste pas moins que l’intervention massive et brutale de la police sans ultimatum et sans discernement est intolérable. Rdv au rassemblement de la réunion du Conseil d’administration de l’ULB lundi prochain à partir de 14h (CA a lieu à 16h30), au batiment S (inscriptions), au 1er étage, mais en rentrant par l’avenue Jeanne. Pour plus d’info (articles sur foyer, témoignages, appel à projet, participer à un projet), vous pouvez me contacter : philippe [point] santini [at] belgacom [point] net
Sinon l’adresse mail du foyer : foyer_en_exil [at] hotmail [point] com
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Voilà, Math, écoeuré