La traverse des 400 Couverts à Grenoble est squattée depuis trois ans. Trois bâtiments d’habitation et un espace d’activités; trois années d’autogestion, d’expérimentations, de créations; des centaines de concerts, de débats, de performances; un infokiosque, un four à pain, et une zone de gratuité… menacés par la mairie, socialiste et propriétaire, qui voudrait se débarrasser de cette excroissance, devenue gênante en plein centre. Depuis quelques mois, des résistances, locales et hexagonales, avec une journée d’actions décentralisées de soutien aux 400 Couverts et de défense des squats dans une vingtaine de villes, le 25 février dernier. Le 30 avril 2005 était convoquée [1] une « manifesta », manifestation de soutien à tous les squats en lutte, et aux 400 Couverts en particulier. En voici un compte-rendu; des photos sont disponibles ici.
Il est 13h30, et quelques centaines de personnes commencent à affluer dans la traverse, lieu de rendez-vous annoncé. Le soleil aidant, la marche s’annonce festive et bariolée. Certain-e-s manifestant-e-s baladent d’énormes fourchettes en papier mâché, d’autres portent des masques colorés; deux individus recouverts de terre tirent un chariot rempli de glaise et moulent de grosses fourchettes à distribuer, d’autres encore portent des panneaux reprenant divers slogans de soutien; un landau transformé en infokiosque ambulant, avec ses brochures sur les squats et divers mouvements libertaires suit la manifestation, et distribue de la lecture subversive aux gens.
Le départ est lancé par une première intervention au mégaphone, depuis le toit du bâtiment faisant face aux 400. Diverses manières ludiques d’occuper la rue sont proposées aux participant-e-s, après un résumé de la situation: convoqués au tribunal le 4 mai par la Mairie qui demande ainsi leur expulsion, les habitant-e-s entendent rester, et rappellent que les 400 sont encore loin d’être évacués! Plusieurs arrêts lors du parcours permettront aux occupant-e-s d’expliciter leur démarche au micro et de dénoncer les manipulations de la mairie. Pas question pour les squatteureuses d’accepter des relogements, qui auraient pour effet d’éclater le collectif, de nier son projet politique, et de cautionner une mairie soucieuse de se débarrasser d’un lieu alternatif ayant pris de l’ampleur au fil des ans.
Rythmée par une batukada accompagnée par divers instruments, la manifestation traverse la ville, et y promène drapeaux squats, ballons, slogans, maison en carton. Arrivés sur une place, certain-e-s se lancent dans une action de guérilla jardinière, dispersant des graines de légumes dans les parterres de fleurs, pour inciter à la conquête de morceaux d’autonomie alimentaire. Des paroles détournées de chansons sont distribuées, et la foule entonne en coeur et mélodies de vibrantes défenses des squats sur des airs populaires. La manifestation sera aussi l’occasion de tapisser la ville de larges affiches de soutien aux 400 Couverts (« contre le bétonnage de nos vies », « développons des espaces d’autonomie poétique », entre autres slogans), et d’annoncer sur les murs la semaine d’activités « faites des squats« , qui se tiendra du 4 au 12 mai à Grenoble. Peu avant la fin de la manifestation, deux énormes banderoles sont déployées le long de bâtiments, sous les acclamations des participant-e-s: « À Grenoble comme ailleurs, le PS expulse! Soutenons l’espace autogéré des 400 Couverts! » et « Squats de Gre ».
La manifestation se termine sur les pelouses du Musée de Grenoble. Des ballons portant des messages pro-squat sont lâchés dans les airs par certain-e-s, pendant que des petits groupes discutent, et que d’autres se lancent dans des jeux sur l’herbe. La statue du musée se voit vite redécorée, recouverte de slogans dessinés à la craie ou à l’argile. Atmosphère paisible et bon enfant, troublée par l’irruption soudaine de deux policiers, qui se lancent à toutes jambes en direction d’une personne. Très vite, tout le monde se lève et part à la poursuite des flics, qui se trouvent encerclés par ce qui reste de la manif. L’interpellé sera arraché à plusieurs reprises aux griffes de la flicaille dans l’empoignade, mais celle-ci parviendra malheureusement à le reprendre en jouant de la matraque. L’accès au van étant bloqué par une chaîne humaine, les flics ne peuvent embarquer l’interpellé. Bousculés physiquement et secoués par une pluie de cris, certains commencent à perdre les pédales. Les renforts arrivent vite, armés de flashballs; un chien est lâché sur les manifestant-e-s, pendant que des coups de matraques complètent la dispersion. Une seconde personne est alors interpellée, sans qu’il soit possible de la récupérer.
Les manifestant-e-s se regroupent pour une assemblée improvisée. L’arrivée de plusieurs vans de CRS va vite écourter l’échange, et la manifestation se sépare, une partie retournant au centre, l’autre se rendant devant le commissariat. Après quelques slogans exigeant la libération des arrêtés, on y apprendra que ceux-ci – l’un mineur, l’autre étranger -, sont placés en garde à vue pour « dégradation de monument » (à l’argile!) et « inscription injurieuse » (les slogans politiques se devant d’être gracieux à l’égard de ceux qu’ils critiquent, évidemment!) d’un côté, « outrage » et « rébellion » (systématiquement employé par les flics pour justifier leurs exactions) de l’autre. Les inculpés sortiront le lendemain matin, avec une convocation devant le procureur.
En somme, une après-midi d’action enthousiaste et déterminée, qui aura compté jusqu’à 500 personnes au plus fort de la manifestation. Un message radicalement pro-squat, pour une initiative axée sur la communication et la participation, plus que sur l’action directe, mais qui allait être complétée le lendemain par la spectaculaire ouverture du squat « Bora Bora » surplombant la ville, offrant une énorme banderole « squats de gre » au regard d’une bonne moitié des grenoblois-es.
À suivre, donc, sur squat.net [2], grenoble.indymedia.org, et, avant tout, dans les squats et les rues de Grenoble et d’ailleurs!
[1] Voir l’appel ainsi que « préparer ensemble la manifesta du 30 avril« .
[2] Squat.net. Voir aussi grenoble.squat.net.
darkveggy