Décembre 2006
Voici une traduction d’un article du journal anarchiste flamand « De nar ».
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Choisir entre squatter et camper
Péripéties urbaines autour d’occupations à Gand
Après une longue pause presque étouffante, ce mois-ci il y a des nouvelles des squats de Gand. Nous commençons notre récit avec le projet de démolition de, entre autres, deux vieilles maisons ouvrières dans le quartier gantois du Brugse Poort.
Dans le cadre de la revalorisation de ce quartier, les habitants de ces cités avaient été expropriés, ensuite leurs maisons devaient être démolies pour céder la place à des logements sociaux et un parc. Après avoir été vides pendant quelques jours les maisons sont squattées par des familles de Roms et des gens qui ne voient pas d’un bon oeil les projets d’urbanisme de la ville. De la coopération entre ces deux groupes résultèrent entre autre une cuisine de quartier, une friperie et des efforts communs afin de maintenir les rues dans un état viable. Mais, en fin de compte, les efforts et les protestations impétueuses n’aboutiront pas. La démolition eut lieu et de nombreuses personnes ont dû partir à la recherche d’un nouveau toit. Bon nombre des familles Roms trouvèrent un coin à elles dans le quartier Rabot, où la ville mettait en place des projets semblables et avait déjà exproprié un grand nombre de maisons. L’entreprise de développement urbain (l’ignoble SOB, une entreprise privée corrompue, présidée à peu près par l’entièreté du conseil communal de Gand) réagit en verrouillant l’ensemble des habitations. Les habitations en meilleur état sont surveillées par des gardes anti-squat (de l’entreprise Lancelot des Pays-Bas) où temporairement louées pour 250 euros par mois. Cependant cela ne dura pas longtemps et même les habitations verrouillées étaient occupées par des familles de Roms.
La ville de Gand a fait savoir aux familles qu’elles devront avoir quitté les immeubles vers le 12 octobre. Ensuite, la décision fut prise (après une occupation intermédiaire, qui ne tarda pas d’être expulsée) d’entreprendre l’occupation commune de deux blocs de logements sociaux à Ledeberg. Après un jour, les familles sont expulsées brutalement : un cordon de police était en rang pendant que des bulldozers commençaient à démolir les toits des maisons. Des enfants étaient encore en train de courir autour et des meubles se faisaient ensevelir sous les décombres. Un conducteur avec un humour exceptionnel déversa proprement son chargement sur des meubles qu’un père était encore parvenu à sortir. Après coup les gens osaient parler d’une déclaration de guerre, franchement traumatisante. Les familles étaient littéralement retournées au point de départ quand elles reprirent les maisons où elles avaient habité trois expulsions auparavant. Ils mirent d’autres squatteurs au courant de leur situation pénible et le soir même ils décidèrent de lancer l’occupation de l’ancien bâtiment des impôts au centre de la ville.
La ville avait déjà mis en place un « accueil d’urgence » à la caserne militaire de Ledeberg. Les gens devaient y recevoir à boire et à manger tout en étant « un petit peu limités dans leur liberté de circuler ». Concrètement les familles auraient dû camper dans des tentes, entourées de barbelées et surveillées par des patrouilles avec des chiens. Les gens devaient aussi recevoir un bracelet avec un numéro. La ville était prête avec des transports, des assistants sociaux et la police pour faire pression sur les familles. Heureusement personne ne céda.
Le bâtiment fiscal était déjà vide depuis quelque temps, était en bon état et représentait une bonne solution temporaire pour les familles – le bâtiment était bientôt rebaptisé « Le paradis fiscal ». Mais là aussi on ne leur laissa pas de répit et déjà après deux jours, on leur signale un recours unilatéral de 12 heures (1). La motivation disait que l’occupation était un obstacle pour le propriétaire (Maes Immobilier) d’exercer son droit de propriété. En deux heures une manifestation spontanée était mise sur pieds, quelques 200 personnes y participèrent avec des flambeaux et des banderoles. Les manifestants apprirent par la police que l’expulsion ne devrait pas avoir lieu avant le lundi suivant.
Les deux nuits suivantes, les bureaux de Maes étaient attaqués avec des pierres et une bombe de peinture. L’action est revendiquée par la « Antiracistische Actie » (Action Antiraciste) et accompagnée d’une lettre de revendication dénonçant les procédés racistes à l’encontre des Roms. La première nuit qui suit, l’ancien bâtiment de l’asbl De Tinten, connu par les réfugiés, est occupé. Le bâtiment abandonné dans le quartier de la périphérie gantoise, Nieuw Gent, doit être transformé en nouveau commissariat de police à partir de janvier 2007. Pas surprenant que les flics d’en face crevaient d’envie de rentrer dedans, ce qui a pu être évité finalement. Le bâtiment squatté doit servir d’accueil d’urgence pour les familles en attente de solutions plus définitives.
Entre temps l’occupation a éveillé l’intérêt de la presse nationale et a été un des points à l’ordre du jour du collège des échevins. Les Roms décidèrent de rendre visible leur situation par une petite manifestation qui fit une démonstration de « la main tendue par la ville » : ils campèrent devant la maison communale, dans des tentes entourées de barbelés. Le collège des échevins ne trouvait ne trouva pas ça drôle, mais décida qu’il ne devrait pas y avoir expulsion immédiate. Bien sûr cela était accompagné d’une série de conditions, ce qui était d’abord nié, mais qui ensuite parut dans les journaux : le nombre d’habitants ne peut plus croître, il doit y avoir un accompagnement social et les bâtiments doivent être ouverts pour des contrôles.
Pour l’instant c’est plus ou moins calme à la place Rerum Novarum, reste à voir si ce n’est pas le calme avant la tempête. Les familles ont en tout cas besoin d’une solution structurelle, de laquelle elles veulent s’occuper par elles-mêmes. Les occupations continuent.
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(1) Et cela, pas en premier lieu, parce que les occupants sont inconnus ou à cause d’urgence pressante… justifications habituelles pour les procédures unilatérales.
(2) Au moment de la rédaction, il n’y a pas encore eu de contact direct avec la commune, et ceci n’est donc pas clair pour l’instant.
- Les occupants de la place ont un besoin urgent de soutien matériel (matelas, matériel de cuisine, matériel de ménage,…), et surtout de solidarité active!
Passez pour voir comment vous pouvez apporter votre soutien à la lutte…
Au moment de la publication en français (mi-décembre), les gens occupent encore le bâtiment, mais devront partir fin décembre. De toute façon, les occupations continuent!