Fontaine (38): La Masure Ka jusqu’au bout de ses rêves divers

12 février 2007

Après 14 mois d’occupation, ça commence à sentir le potimmaron cramé pour le squat La Masure Ka. Le très sérieux personnel du Domaine de l’Etat (propriétaire des lieux), ayant finalement réussi à retrouver tous ses papiers, a obtenu l’aval de la Justice pour chasser les « méchant-es occupant-es ». Désireux de vendre au plus offrant, il fera donc envoyer quelques fourgons de police un beau matin à partir du 18 mars (juste après la fin de la trêve d’hiver), afin de rendre ce lieu à sa mornitude d’antan.

La notion de trêve d’hiver impliquerait qu’il puisse y avoir des expulsions acceptables, pourvu qu’elles n’aient pas lieu par moins 10 degrés. Comme si l’aseptisation des villes, la suppression du « différent », l’éternelle domination de la propriété privée, pouvaient avoir un visage humain, selon qu’elles se déroulent au mois de Janvier ou de Juillet.

Il y a quelque chose de pervers dans ces manières de procéder « soft ». Une logique épurée de toutes les précautions réglementaires voudrait ainsi que les autorités expulsent les lieux d’expérimentation sous la menace de chars d’assaut un dimanche matin à 4h, en plein mois de Février. Qu’au moins, leurs actes soient à la hauteur du monde qu’ils construisent petit à petit; un monde lisse et froid, sans aucune place pour les initiatives hors cadres. Comme quoi aujourd’hui tout fout le camp, même le fascisme n’est plus aussi franc…

Contre toute attente, nous vous invitons, par le bias de ce programme (une belle liste but not the last), à venir gouter à des moments conviviaux et non-marchands. Car nos rêves divers ne connaîtront jamais de trêve.

Programme du hangar de la Masure Ka « Hiver 2007 » disponible dans tous les bons points de passage…

La Masure Ka, 7 rue de la Gaité, 38 600 Fontaine,
la_masure_ka at no-log.org


Voici les textes de deux affiches collées sur les murs de la côte ouest (Fontaine et Saint Bruno) en ce mois de janvier 2007 :

Depuis 1 an, Titine la souris vit dans la cuisine du squat de la Masure Ka, boulottant allègrement toute victuaille atteignable. Ça n’a pas toujours été facile d’habiter là-bas. L’existence de Titine et de ses pairs a même été source de vives tensions entre habitant-es, leur extermination devenant ainsi le second sujet de conflit de la cohabitation (juste après : « Faut-il interdire le thé fumé ?»). Contrairement aux autres, Titine a échappé à la tapette et vit maintenant des jours heureux, dans une harmonie presque parfaite avec ses hôtes. Elle commence toutefois à être rongée par l’approche de l’expulsabilité de ce lieu « occupé illégalement », après 2 ans d’abandon. Un beau matin, cet hiver ou ce printemps, les poulets arriveront et délogeront la petite dizaine d’occupant-es afin que le Domaine de l’Etat, nouveau propriétaire des lieux, puisse vendre au plus offrant .Ce sera alors sûrement la fin de l’aventure pour Titine : des gens bien propres sur eux réhabiliteront le lieu, l’aseptiseront et le rendront surement aussi triste qu’un dimanche soir sur Radio Nostalgie.

Titine n’a pas peur, elle est en colère. Les personnes cherchant des logements sur l’agglomération grenobloise sont coincées comme des rats : soit elles engraissent de riches agences immobilières ou propriétaires privés, soit elles quémandent pendant des années un « placard à balais » social auprès des collectivités. Dans les deux cas, ça pue la résignation, les crédits sur 20 ans, la digicodisation à outrance, les immeubles lisses et les lotissements carrés. Bien que des dizaines de bâtiments restent abandonés, il n’est jamais question de laisser des personnes les faire revivre parce que « vous comprenez, les squats ça ne rentre pas dans les cadres… »

Titine a encore envie d’habiter dans des lieux où les gens ont des rêves qui ne « rentrent pas dans les cadres », et qui essayent de les faire exister. Mais toute seule, elle ne pourra pas faire grand chose…

Vous aussi, aidez Titine !

Depuis 4 mois, la souris Simone habite dans le Hangar Funkel, lieu d’activités du squat de la Masure Ka. Elle y est plutôt bien, là-bas, Simone. C’est un lieu, un peu grand, mais pas trop ; un peu joli, mais pas trop. De quoi accueillir jusqu’à une centaine de personnes pour des réunions, des ateliers, ou des évènements publics (bal folk, tournoi de coinche, concert, après-midi jeux, projection, débat…). C’est pas la folle activité, mais ça brasse pas mal, juste ce qu’il faut. C’est qu’elle n’aime pas trop être seule, Simone. Le son du silence, ça l’angoisse un peu.

Dans le hangar, en plus de Simone, il y a une zone de gratuité, un bar, une forge, un peu de poussière, un infokiosk, une grande échelle, un vestige de réseau électrique des années 20 et un raton laveur. Le sol est cabossé, la moquette rose et violette, les bières bios et artisanales et l’isolation phonique et thermique pas vraiment au point. Ici, rien qui n’ait à voir avec les ambiances froides et convenues des salles aseptisées dont les programmations s’affichent dans les sucettes publicitaires de JC Decaux. Ces ambiances-là, elle kiffe vraiment pas, Simone. Vous savez où elle se les met les gros vigiles à l’entrée, les « nouvelles normes de sécurité », les soirées à 14€ et la « reconnaissance artistique » ?

Si la MC2 est un Cargo, le Hangar est une toute petite barque. C’est à dire qu’il peut s’éloigner des grandes routes maritimes pour aller découvrir de nouveaux itinéraires et des criques sauvages. C’est à dire qu’il fait des vagues plus petites et moins nombreuses qui n’atteindront peut-être jamais la dune mais qui laissent de la place à d’autres. C’est à dire qu’il est fragile et que les capitaines de cargos peuvent le faire chavirer. Suite à une « décison de justice », le hangar risque ainsi de connaître sa dernière saison : sur ordre du Domaine de l’Etat (le propriétaire), les policiers devraient venir déloger les occupant-es un beau matin hivernal ou printanier, afin de rendre le lieu à sa mornitude d’antan.

Si les plus petites embarcations sont menacées aujourd’hui, ce n’est pas par la météo. C’est une des conséquences des politiques de développement de l’agglomération grenobloise, considérant la « culture » uniquement comme une vitrine attractive, et faisant tout pour exterminer les initiatives hors cadres. Alors Simone, ça l’énerve grave, elle voudrait continuer à vivre dans de frêles esquifs. Mais toute seule, elle ne pourra pas faire grand chose…

Vous aussi, aidez Simone !

Titine