Bonjour,
depuis ce matin (jeudi 6 novembre), le Caddie-Yack est à nouveau occupé (a-t-il seulement cessé de l’être depuis mi-octobre ?). Nous vous invitons à vous y rendre dès que vous le pouvez/voulez.
Nous vous convions également à appeler la mairie de Grenoble (propriétaire des lieux) ainsi que la préfecture (qui est le maître d’oeuvre des nombreuses expulsions qui ont eu lieu récemment) pour leur faire part de votre désir que le lieu reste en place (ainsi que pour dire votre incompréhension et votre colère suite aux procédures d’expulsions abusives de ces derniers temps) :
– Mairie de Grenoble:
Standard (demander le cabinet du maire) 04 76 76 36 36
Grenoble logement 04 76 86 66 90
michel [point] destot [at] ville-grenoble [point] fr
– Préfecture de l’Isère:
Standard (demander le préfet et le service des expulsions locatives) 04 76 60 34 00
Voici le texte que nous diffusons depuis ce matin dans le quartier Malherbe et ailleurs:
Caddie-Yack : nous resterons ! Le 38 rue Pascal (quartier Malherbe) est toujours occupé
S’organiser collectivement pour se loger
Si on t’organise une vie bien dirigée
Où tu t’oublieras vite
Si on te fait danser sur une musique sans âme
Comme un amour qu’on quitte
Si tu réalises que la vie n’est pas là
Que le matin tu te lèves
Sans savoir où tu vas
Résiste
Prouve que tu existes
Cherche ton bonheur partout, va,
Refuse ce monde égoïste
Résiste
France Gall, « Résiste », 1981
Question logement à Grenoble (et ailleurs), tout le monde le sait, c’est la « crise ». Loyers exorbitants, listes d’attente infinies pour les logements sociaux, appartements insalubres, des centaines de personnes à la rue, hébergements d’urgence saturés… Le système de la propriété privée autorise les propriétaires à accumuler encore plus de richesses en rackettant les plus pauvres, contraints de les payer pour se loger. Et il faudrait que les « chanceux » qui payent un peu moins cher pour vivre dans des logements sociaux – qui ne sont souvent que des cages à lapins – remercient, de l’Etat jusqu’aux municipalités, ces pouvoirs publics qui gèrent et canalisent la misère. Les personnes qui ont la « chance » de claquer plus de la moitié de leur salaire dans un loyer ou dans un crédit sur 20 ans pour accéder à la propriété sont censées considérer leur situation, pourtant fort peu confortable, comme « normale » plutôt qu’injuste.
Nous estimons qu’une société intelligente est une société qui cherche à réduire les inégalités sociales. Notre capitalisme « social » et « démocratique », nous berce dans le discours sarkozyste du « mérite ». Mais de quel mérite parle-t-on ? Celui d’écraser chaque concurrent dans la course au pognon, donc au salariat, donc bien souvent aux rôles que l’on ne choisit pas.
Pourquoi les personnes locataires devraient-elles continuer à donner de l’argent à de plus riches qu’elles ? Pourquoi devrait-on rester à la rue quand des centaines de bâtiments restent vides à des fins spéculatives, de « réaménagements urbains » qui prennent des années, ou sont simplement laissés à l’abandon ? Devons-nous subir expulsion après expulsion sans jamais faire de remous ? Les promesses et les menaces des gouvernants nous divisent et nous dissuadent d’agir. Nous voulons nous organiser pour empêcher les expulsions de logements (de locataires aussi bien que de squatteur-euses), pour qu’il n’y ait plus de personnes en galère, pour trouver collectivement, entre voisin-es, entre quartiers, et par nous-mêmes les moyens de vivre comme nous l’entendons.
Plutôt que de participer à la guerre de tous contre tous, nous voulons nous unir pour contrer les logiques de soumission dans lesquelles patrons, propriétaires et gouvernants nous enferment, pour préserver leurs privilèges. Ce discours peut paraître « vieillot », mais cette réalité est plus que jamais d’actualité.
Il y a en France plus de 2 millions de logements vides…
Ne restons pas dehors à crever de froid, occupons-les !
Que fait l’Etat quand y’a des problèmes chez toi ?
Ils nous exploitent avec leurs promesses en bois
Mafia K’1 Fry, « L’Etat », 2003
Parmi les moyens de résister, nous avons choisi, entre autres, d’occuper un bâtiment vide dont la mairie de Grenoble est propriétaire.
Les pouvoirs publics n’ont aucun scrupule à laisser croupir des tas de gens dans des situations de détresse. Nous avons décidé de nous emparer d’une richesse abandonnée. Dans ce monde de surproduction et de surconsommation, les richesses inutilisées ne manquent pas (les poubelles des supermarchés ont beau être de plus en plus inaccessibles, on sait qu’elles sont pleines de bouffe détruite plutôt que redistribuée, pour des raisons purement capitalistes – et en comparaison avec ce qu’ils jettent, les quelques dons laissés aux organismes caritatifs type « Restos du coeur » ne sont que des miettes pour se donner bonne conscience). Le 38 rue Pascal, comme de nombreux bâtiments publics ou privés, est vide depuis longtemps. Comme par hasard, au moment où il reprend vie, il est soudainement destiné à se transformer en logement social. Hé bien ça tombe bien, car en l’occupant, nous le transformons justement en « logement social » : plus d’une dizaine de personnes y habitent de manière permanente et n’ont pas d’autre domicile. De plus, cela ne coûte rien, ni aux habitant-es, ni aux pouvoirs publics.
La mairie sait comment apporter des problèmes à nos solutions : elle nous envoie les flics !
Et fais du zèle tu auras de l’avancement
Tu gagneras de l’argent à faire chier les gens
Tu portes l’uniforme, relève le défi
Société de consommation à base de képis
Police, milice organisée
Police, milice prête à tirer
Police, milice, tout est factice
Trust, « Police milice », 1979
Nous avons investi ce bâtiment mi-octobre, mais au bout de quelques jours, la police a déboulé en force pour virer tout le monde. Chose assez étonnante, bien qu’assez courante à Grenoble depuis quelques semaines, la mairie ignore superbement le droit au logement qui protège les habitant-es dans leur domicile, squatté ou non : les flics sont en effet intervenus, non pas pour expulser mais pour empêcher un délit imaginaire, celui de « dégradations de biens » sur le bâtiment ! Le bâtiment en question était pourtant vide et ses occupant-es ont commencé à l’aménager (l’inverse de dégrader, en quelque sorte). L’usage délibérément abusif de la procédure d’intervention pour « dégradation » est tellement clair qu’aucune poursuite n’a été engagée envers les occupant-es. Et dernièrement, le 28 octobre, d’autres squatteur-euses devaient passer en procès pour « violation de domicile » et « dégradation de biens privés »… mais même la procureure s’est rendue à l’évidence : il s’agissait d’une occupation de bâtiment vide, il n’était en aucun cas question de « violation de domicile » (ou alors du domicile de fantômes introuvables), ni de « dégradations de biens ». Les poursuites dans cette affaire ont tout bonnement été abandonnées… mais l’expulsion avait déjà bel et bien eu lieu, tout comme pour le Caddie-Yack.
D’ordinaire, on ne peut expulser des personnes de leur domicile sans avoir au préalable lancé une procédure au tribunal d’instance – en civil – et donc sans la décision d’un juge qui précise les conditions de l’expulsion ou du maintien dans les lieux. En ignorant ce principe, les propriétaires (privés ou publics) et les forces de l’ordre agissent ensemble de manière décomplexée, à la Sarko style, en expulsant sans aucune justification légale, mais en traitant la question de l’habitat en pénal. Ils en profitent pour envoyer les occupant-es en garde-à-vue (les mettre à la rue n’est pas suffisant), avec fichage policier à la clé, et éventuellement procès en correctionnelle. Ils tordent ainsi les lois dans le sens qui les arrange, avec pour résultat une criminalisation accrue des pauvres et des personnes en galère de logement.
Ces nouvelles méthodes confirment la volonté politique de la mairie de Grenoble, depuis plusieurs années, d’éradiquer les lieux de vie et de culture autonomes : plutôt raser les bâtiments que de laisser des maisons disponibles, surtout ne jamais s’interposer dans le cas des expulsions privées – alors que ce serait de son ressort -, expulser sans ménagement celles et ceux qui occupent ses propres bâtiments laissés à l’abandon, faire collaborer au plus près les services de la ville et de la préfecture, baratiner sur de faux projets d’intérêt public pour retourner l’opinion des riverains et justifier leurs manoeuvres grossières, etc. Constatant ces incohérences flagrantes, et nous trouvant toujours sans logement, nous avons réinvesti le bâtiment du 38 rue Pascal. Et nous comptons bien y rester. La plupart des squats ouverts récemment ont été expulsés quelques jours après leur ouverture, avec cette technique farfelue qui laisse les mains libres aux forces de police. Et comme on n’a aucune envie de se laisser faire, une chose est sûre : il n’y aura pas d’expulsion sans réaction.
Un lieu de vie et de convivialité, loin des logiques institutionnelles
Expulsés de nos villes, comme expulsés de nos vies
On ira occuper la rue, comme tous les immeubles vides
On ira affronter l’abus qui sévit et va trop loin
On ne se laissera pas voler la rue, car la rue nous appartient
Ils veulent dessiner l’apartheid, on dessinera le maquis
On ira se réapproprier tout ce qu’ils ont pris pour acquis
Keny Arkana, « La rue nous appartient », 2008
Les pouvoirs publics ne se contentent pas de traquer les pauvres. Ils détruisent aussi les lieux de culture populaire et de convivialité, les espaces d’expérimentation et de lutte qui échappent à leur contrôle. Les politiques culturelles misent tout sur les grosses structures institutionnalisées, normalisées, machines à pognon et à vigiles, qui font du chiffre et de l’image de marque, comme par exemple la MC2. Vivrons-nous dans ces villes de plus en plus aseptisées, fliquées, zonées, le béton sous nos pieds et dans nos têtes, avec trois miettes de baratin écolo-durable pour la bonne conscience des bourgeois de gauche ?
L’ouverture du Caddie-Yack, c’est un espace d’habitation et c’est aussi un espace d’activités avec un collectif ouvert pour en faire un lieu actif. Plusieurs projets ont déjà été lancés et d’autres le seront prochainement : événements ponctuels (repas, vidéo-projections, concerts, réunions, …) et ateliers permanents (vélo, bibliothèque, zone de gratuité, hacklab, …). Des associations et collectifs sont d’ores et déjà impliqués dans la vie du Caddie-Yack (Défends-Toit, Sottai Malté, …). D’autres projets pourraient encore naître dans ce lieu, venez proposer vos idées et vos désirs.
Nous voulons faire de ce lieu un espace collectif, géré sans intermédiaire ni hiérarchie par tou-tes celles et ceux qui veulent y prendre part. Soyez les bienvenu-es.
Jeudi 6 novembre 2008
Les occupant-es du Caddie-Yack (habitant-es et collectif d’activités)
38 rue Pascal, Grenoble (caddie-yack at squat point net)
Le tract, à imprimer et diffuser:
http://grenoble.squat.net/2008-11-06_Caddie-Yack-2.pdf
Premier programme d’activités
– Vendredi 7 novembre, 8h, tableau d’expression libre sur la question du logement
– Samedi 8 novembre, 20h30, vidéo-projection du film-documentaire « Coup pour coup », 1972, sur la réappropriation (temporaire) de l’usine LIP + discussion sur l’autogestion dans les luttes
– Dimanche 9 novembre, 14h, réunion du collectif d’activités
– Dimanche 9 novembre, 18h, concert avec les groupes Anes et Bateaux (noise, Le Mans), Trouble vs Glue (electro-punk, Rome) et Magic BBQ (one-man-band, Tours)
– Mercredi 12 novembre, 20h, vidéo-projection du documentaire « Un racisme à peine voilé », 2004, sur la « question du foulard islamique » + discussion.
http://lmsi.net/article.php3?id_article=243