[Début février 2011]
L’économie du pays étant surendettée, l’Espagne est sous la pression de l’Union Européenne, du FMI, des marchés, banques et autres charognards de service pour réduire ses dépenses et ainsi éviter la faillite et un « sauvetage » similaire à celui de la Grèce et de l’Irlande… Après la réforme du Code du travail l’an dernier, une nouvelle mesure concernant le système des retraites passant l’âge requis à 67 ans est en discussion au Parlement en ce moment. De leur côté, et contrairement à ce qui a eu lieu en France l’automne dernier, les syndicats majoritaires CCOO et UGT, très proches du Parti socialiste, font tout pour ne pas déranger leurs amis au pouvoir et n’arrêtent pas de ne rien faire…
Au Pays Basque et en Galice, les syndicats indépendantistes (très largement majoritaires au Pays Basque) appellent à une grève générale pour s’opposer au nouveau plan du gouvernement espagnol. En Catalogne, ce sont la CGT (syndicat libertaire, le 3e le plus important de l’Etat espagnol), la CNT (syndicat anarchiste), la COS (syndicat de la gauche indépendantiste catalane), COBAS (syndicat de base), des organisations politiques et l’Assemblée de Barcelone (regroupant depuis l’année dernière des personnes qui veulent s’organiser en marge des syndicats), tous assez peu puissants, qui, après un long débat, décident d’appeler à la grève pour le 27 janvier, sans attendre les syndicats jaunes… Comme ce fut le cas au cours des mobilisations de l’automne dernier à Barcelone – voir le récit explicatif sur http://paris.indymedia.org/spip.php?article3581 – mais aussi à Rennes et Grenoble pendant le mouvement contre la réforme des retraites, au Portugal pour la grève générale, en Italie – http://euskalherria.indymedia.org/eu/2011/01/71922.shtml – des alliances se tissent entre des secteurs de travailleureuses en lutte et une nouvelle génération de précaires proches du mouvement squat.
Ainsi, le samedi 22 janvier était prévue à Barcelone une manifestation unitaire dans le cadre des mobilisations contre le plan de réforme des retraites du gouvernement espagnol. Le cortège se déplace relativement tranquillement avec plus de 3000 personnes et des groupes graffant sur les banques et autres symboles du système capitaliste. La manif arrive enfin sur la Via Laietana (plus grande avenue du centre-ville) et à la surprise de la police, s’arrête devant un énorme cinéma multiplex abandonné depuis 10 ans, depuis lequel un groupe entré quelques jours auparavant suspend une banderole « La bourse ou la vie / Si nous ne luttons pas maintenant nous sommes morts / Qu’ils ne nous isolent pas / Ensemble nous pouvons tout! / Assemblée de Barcelone » – voir photos sur http://www.lahaine.org/index.php?p=18890 -. Depuis le camion, quelqu’un explique: « Nous inaugurons un nouveau centre de convergence pour unir nos forces, la maison de la grève ! ». Les persiennes s’ouvrent et plusieurs centaines de personnes entrent dans le bâtiment. Après quelques minutes, les fourgons de mossos (la police catalane) se rapprochent, les robocops sortent la matraque à la main et dispersent le reste de la manif rassemblé dehors pour prendre position devant la maison. Le dispositif policier est très important (300 policiers anti-émeutes) et attaque toutes tentatives de se regrouper dans les rues proches. On comprend alors qu’ils ont décidé d’expulser immédiatement le nouveau squat sans attendre d’ordre judiciaire. Quand ils réussissent enfin à entrer dans le bâtiment, plus de 400 personnes de toutes les couleurs de la lutte anticapitaliste (syndicalistes, anarchistes, indépendantistes, autonomes, militants de base, féministes radicales, sceptiques, etc.) sont assis dans la salle de cinéma et se préparent à résister pacifiquement. Ainsi, pendant plus de 6 heures, les flics sortent sans ménagement un à un les manifestants qui se refusent à présenter leurs papiers…
Le lendemain, les journaux applaudissent l’action de la police et du nouveau ministre de l’Intérieur (la Catalogne est « passée a droite » depuis l’automne dernier) en titrant « Fin de l’impunité pour les anti-systèmes à Barcelone ». Malgré le chaos généré par le déploiement des forces de l’ordre (l’artère principale du centre-ville a été coupée pendant 8 heures), le consensus des médias pro-système est là, la politique de la « tolérance zéro » doit être appliquée contre les squatters…
La grève générale du 27 a été finalement assez décevante. Pensée comme un des premiers bras de fer entre les mouvements sociaux catalans et ce nouveau gouvernement conservateur, il a surtout été l’occasion pour lui de démontrer ses intentions de faire de la sécurité « à la Sarkozy ». La grève a ainsi été peu suivie malgré de nombreuses actions de sabotage – http://29-s.net/ – et la manifestation finale unitaire rassemblant près de 10000 personnes s’est dissoute dans le calme sous le contrôle de centaines de policiers deployés pour l’occasion. Dans le reste de l’Espagne, c’est surtout les communistes independantistes et les anarchistes qui se sont rassemblés.
A Madrid par exemple, une manif de la CNT, CGT, etc. a rassemblé près de 15000 personnes et s’est terminée en émeutes…
A Pampelune (Heuskal Herria), la manifestation s’est également terminée par une ocupation, mais celle-ci aussi a été expulsée le jour-même.
Samedi 29, la manif de soutien à Can Vies (squat historique occupé depuis 14 ans dans le quartier de Sants, à Barcelone) a regroupé plus de 1000 personnes dans une ambiance familiale et festive. Un des slogans les plus repris, « Puig tens la boca molt grosa » (littéralement « Puig, t’as une grande gueule ») nous rappelait que la tradition pour les ministres de l’Intérieur était lors de leur intronisation de faire des annonces comme quoi ils allaient en finir avec les squatters, les anticapitalistes et la racaille en général. Bref, on se prépare et notamment pour les expulsions prévues de plusieurs centres sociaux, Can Vies donc, mais aussi la Carboneria ou la Revoltosa…
On se voit dans la rue!
L’info publiée en français sur squat!net le 24 janvier dernier (avec vidéo et liens):
http://squat.net/fr/news/barcelone240111.html
Vidéo de l’expulsion de la « Maison de la Grève » barcelonaise les 22-23 janvier 2011:
http://www.lahaine.org/index.php?p=50785
Résumé chronologique (en castillan) et photos de la manif et de l’occupation:
http://www.lahaine.org/index.php?p=18890
anonyme