Manille (Philippines): Des émeutes pour empêcher des expulsions de bidonvilles

Selon une brève publiée le 19 mars dernier par l’AFP, de nouvelles émeutes ont secoué Manille, cette fois dans le quartier-bidonville de Pinaglabanan, où les squatters se sont affontés aux forces de l’ordre et aux employés d’entreprises de démolition:

> A Manille, la lutte des plus pauvres pour avoir un toit
AFP – 19 mars 2012

Après des mois de lutte, les habitants du bidonville de Pinaglabanan en plein coeur de Manille ont été expulsés pour laisser la place à des bâtiments administratifs, un épisode fréquent dans la capitale philippine où les pauvres se logent là où ils peuvent.

“Ils nous ont traités comme des criminels”, crache Vicky Balabor, 47 ans et mère de trois enfants, en décrivant les heures d’affrontement avec la police qui ont secoué le bidonville en janvier.

Les 600 habitants, dont beaucoup vivaient là depuis des décennies, ont lutté pied à pied.

Pendant que femmes et enfants se réfugiaient dans des abris, les hommes balançaient des cocktails Molotov, des pierres et des bouteilles aux 500 policiers anti-émeutes équipés de canons à eau et de gaz lacrymogènes.

Une vingtaine de personnes ont été blessées au total, des deux côtés.

Plus de deux millions de personnes vivent dans des bidonvilles à Manille, soit un cinquième de la population de la capitale. La plupart viennent de la campagne ou de villes moyennes, à la recherche d’un travail.

En arrivant, ils s’installent sur des terrains vides et construisent leurs cahutes. Tout fait l’affaire, des zones inondables aux terrains des cimetières.

Ils occupent des terrains que les propriétaires, entités privées ou gouvernement, ont beaucoup de mal à récupérer.

Une loi promulguée en 1992 interdit les démolitions et les évictions sauf si les habitations se trouvent dans des zones dangereuses, si le site est réclamé pour la construction d’infrastructures ou s’il y a une décision de justice.

Evictions

Dans le cas de Pinaglabanan, un bidonville de huit hectares, l’éviction s’est déroulée au terme d’un long processus judiciaire. Les autorités locales ont obtenu l’autorisation de démolir les habitations de fortune un an avant l’éviction de janvier.

En 2010, 6.000 familles ont poussé le président Benigno Aquino à suspendre un projet de 22 milliards de pesos (392 millions d’euros) pour la construction d’un centre d’affaires et commercial. Mais l’éviction a finalement eu lieu et l’endroit, baptisé “The Fort”, est devenu un des quartiers les plus prisés de la capitale.

Les Philippines ont besoin de 3,5 millions de logements à bas coûts pour subvenir aux besoins de la population la plus pauvre, estime Antonio Bernardo, directeur du Bureau de la règlementation sur le logement et le foncier.

Les autorités, au niveau local ou central, ont mis en place des programmes pour inciter les habitants des bidonvilles à déménager dans des logements décents, via par exemple des prêts à très bas taux.

La loi oblige également les promoteurs à construire un cinquième de leur parc immobilier à très bas prix, avec des maisons coûtant moins de 400.000 pesos (7.100 euros), rappelle Antonio Bernardo.

Mais même ces logements à bas coûts sont inabordables pour beaucoup des habitants des bidonvilles, note Arturo Corpuz, responsable chez Ayala Land, numéro un de l’immobilier aux Philippines.

Et lorsqu’ils sont construits, ils le sont souvent en lointaine banlieue, loin des lieux de travail de leurs habitants.

Vicky Balabor et ses voisins de Pinaglabanan ont été relogés à une vingtaine de kilomètres, à Rodriguez, près des montagnes, dans des petites maisons de béton louées par le gouvernement. Ils peuvent y vivre un an sans payer de loyer, puis ils devront verser 175 dollars US (133 euros) par mois.

Mais Mme Balabor ne gagne que 220 USD par mois comme femme de ménage dans un centre d’appel de Manille et son mari, charpentier, est au chômage. Les allers-retours pour se rendre au travail lui coûtent le tiers de son salaire, dit-elle.

Dans un an, lorsqu’il faudra payer le loyer, “nous ne savons vraiment pas comment nous allons nous en sortir”.