A la Rochelle, on commence à se demander ce qui se passe du côté du comité DAL 17. Des articles de presse, des mails de la préfecture et des poignées de main avec les Renseignements Généraux ont fini par nous alerter. Le comité DAL 17 s’est créé à l’automne 2010. Dès le début, un visage, un nom sort du lot, Mehdi El Bouali. Président, porte-parole et responsable à la fois, Mehdi est partout. Dans la presse, au local si gentiment accordé par la Mairie, dans la rue, dans les squats … Mehdi aime être aimé et respecté. Autant du côté de la préfecture et des flics que du côté de ceux qu’il appelle les « squatteurs anarchistes ».
Au départ, il se dit que quand on arrive dans une ville comme la Rochelle, bobo-fliquée à mort, il faut trouver ses marques, serrer des mains et se faire respecter. Le respect. Voilà le mot préféré de Medhi. Respect de tous, même des pires ordures. Respect des flics, des directeurs de cabinet, des présidents des offices d’HLM, des proprios véreux qui exploitent des sans-papiers et les logent dans des caves. Mais qu’en est-il du respect des idéaux, du respect de la dignité humaine, du respect de sa propre dignité ?
Alors Medhi parle. Il parle aux RG, il nous parle. Il nous parle des RG. Probablement qu’il leur parle de nous aussi puisque, jusqu’ici, il a été autorisé à rentrer chez nous, contrairement à eux. Et puis il parle aux journalistes. Il les aime bien les journalistes. Et eux aussi l’aiment bien le Medhi, ils le brossent dans le sens du poil, lui fond dire ce qu’ils veulent, pourvu que sa photo passe dans Sud Ouest.
Alors Medhi parle. Il dit notamment : « C’est travailler au noir ou voler. Qu’est-ce qui est préférable ? » à propos du brave sans-papier qui travaille 10 heures par jour pour 20 euros (Sud Ouest, 10/09/12). Et après, il s’étonne devant nous qu’une dirigeante d’un office d’HLM lui demande de traiter des dossiers, de gérer des familles, en lui disant « Avec vous, au moins, ils filent droit. » Et en effet ils filent droit, comme l’explique le représentant du DAL17 à la presse : « On leur fait comprendre qu’un loyer, ça se paie. On les défend mais on exige d’eux une certaine rigueur. Grâce à trois entreprises avec lesquelles nous travaillons, notamment ISO couverture, on resocialise des gens qui n’avaient plus travaillé depuis des années, voire jamais travaillé. Et on les oblige à téléphoner tous les matins à 7 h 30 pour s’assurer qu’ils tiennent parole » (Sud Ouest, 11/09/12).
Jean Baptiste Ayrault, président du DAL National, n’est pas connu pour être un violent anarchiste ni un grossier personnage. Pourtant, au DAL 17, on le considère comme « un furieux ». Et ça se ressent jusque dans la presse locale qui estime que « les propos définitifs et péremptoires du président national du DAL, Jean-Baptiste Ayrault, ne font pas forcément avancer les choses : « Il n’est pas possible d’expulser d’un logement social. » » Mais heureusement, « Mehdi El Bouali, le représentant local du DAL, est beaucoup plus nuancé. Certes, il est hostile aux expulsions […] mais il tient à dire que jamais, dans le département, le DAL ne laisse entendre aux gens que le paiement du loyer « est accessoire » » (Sud Ouest, 10/09/12). Le paiement des loyers n’est pas accessoire, donc. Ils n’ont qu’à payer, ils ne se feront pas expulser. Ainsi grâce au DAL17 un arrangement a pu être trouvé entre une jeune mère de famille et son bailleur : sa dette de loyers impayés sera échelonnée en échange d’une augmentation du loyer de 40 euros par mois (France 3 Atlantique, 10/09/12). Cette famille pourra donc rester un peu plus longtemps dans son HLM si elle paye un peu plus cher. Medhi fait toujours la différence entre les gentils qui voudraient payer mais ne peuvent pas et les méchants, ceux qui pourraient mais ne veulent pas. « Pour moi, le principe qui consiste à payer des gens à rien f…, ça ne va pas », assène M. El Bouali. « L’idée, c’est que s’il y a un droit, il y a aussi un devoir. » (Sud Ouest, 11/09/12).
Dans le même article, on lit aussi que « les relations sont désormais au beau fixe avec la préfecture qui, assure le DAL, « ne prend la décision d’expulser que quand elle a tout essayé. » » C’est assez ahurissant, pour nous, de lire pareilles inepties alors que la veille au soir, Medhi, qui était passé boire un verre chez nous, s’indignait (oui, Medhi aime beaucoup s’indigner) que la préfecture lui ait envoyé un mail contenant des informations personnelles sur une famille qui ne payait plus son loyer en lui demandant de prendre contact avec cette famille pour savoir s’il n’y aurait pas quelque chose à faire. La préfecture (l’adresse mail nous certifie qu’il ne s’agit pas d’un canular) pousse le vice jusqu’à lui demander de la prévenir si aucune issue de sortie de crise n’est envisageable. En gros, Medhi, vas-y, va voir les cas sociaux qu’on arrive plus à gérer, va leur causer, va les « responsabiliser » comme tu aimes tant le dire dans la presse. Et surtout, dis-leur bien de payer, de pas voler, de travailler, même au black, on s’en fout, c’est bon pour les patrons et donc pour l’économie. Et s’ils sont vraiment irrécupérables, passe-nous un coup de bigo pour nous donner le feu vert et on envoie les huissiers. Pense à zieuter au passage s’il y a des objets de valeur, tant qu’à faire !
Alors Medhi tiendrait-il un double langage ? Quand il nous dit qu’il va se radicaliser, quand il nous dit qu’il s’est trompé, qu’il s’est fourvoyé, qu’il s’est trop compromis, est-il sincère ? Pour qui travaille réellement Medhi El Bouali ? On ne sait plus trop. En tout cas, on sait que sur Facebook (car oui le DAL17 utilise Facebook pour parler de ses actions, c’est plus pratique pour les copains de la Police à qui on sert la main tous les jours, de savoir qui était là), Medhi, pardon, le DAL 17 (on les confond à force), est membre du Comité de soutien à Olivier Falorni… On ne savait pas que c’était dans les habitudes du DAL de soutenir des socio-démocrates aux élections locales.
Enfin bref, soyons sérieux, il y a quelque chose de pas très net au DAL 17. Quelque chose qui pue le copinage, qui pue la paix sociale, qui pue le social tout court. Alors on se demande jusqu’à quel point est-il capable de se compromettre pour des « résultats », c’est-à-dire le relogement de familles qu’on va pouvoir continuer à presser comme des citrons. Et à quel niveau la compromission devient-elle juste de la cogestion.
Le DAL est-il toujours un mouvement de contestation ou est-il devenu un service public de gestion de la misère ?
Des squatteurs de la Rochelle, le 11 septembre 2012.
[Publié sur Indymedia Nantes le 11 septembre 2012]
[Rappel de C’est déja tout de suite :
[Pour mémoire] sur le DAL :
“(…) L’idée de légaliser les squats n’est pas nouvelle et s’exprime par exemple depuis plusieurs années par la voix du DAL (Droit au Logement). Créé en octobre 1990 à partir des luttes de la place de la Réunion, en scissionnant une partie des familles pour s’allier avec les caritatifs comme Emmaüs et négocier avec l’Etat, le DAL s’est érigé en spécialiste de la cogestion de la misère. A partir de l’occupation de la rue du Dragon (Paris-6e), profitant de la campagne pour les élections présidentielles, s’appuyant sur des «personnalités» médiatiques, le DAL a fait du lobbying pour ressusciter une ordonnance de 1945 sur la réquisition de logements vides. Dès lors, il ne s’agira pas de réappropriations ou d’occupations mais simplement de réquisitions, appelant l’Etat à se saisir lui-même de ces immeubles, pour en confier ensuite la gestion -la surveillance- à des associations comme Emmaüs, le DAL, l’Armée du Salut, etc… Ainsi, il n’est jamais question pour lui de squatter des immeubles mais plutôt de faire des coups médiatiques afin de caser ses listes dans celles de l’Etat. De même, le Comité des Sans-Logis, issu d’une scission de la Coordination des Sans Abris fin 1993 avec l’aide du DAL (dont il fit officiellement partie jusqu’en 1996), précise bien qu’il n’est pas question de squatter, mais bien d’appliquer cette ordonnance, puis de travailler main dans la main avec l’Etat. Le DAL et le CDSL (qui s’occupe des célibataires), depuis plusieurs années, occupent donc le terrain de la légalité et de la cogestion, y compris pour les HLM (à Paris, le DAL trie parmi ses familles celles qui se verront attribuer un HLM par l’OPAC). (…)”
[Extrait du texte « Squats : lutter ou légaliser ? » paru dans Cette Semaine n°80, mai/juin 2000]