[Mardi 18 septembre 2012]
Il n’y a pas eu à proprement parler une bataille. Mais la construction d’un immense champ de bataille, ça oui : courses poursuites, groupes mobiles, blocages de rues, barricades de poubelles, manifs, tambours et slogans durant toute la journée dans tout le quartier de Barriera di Milano, et un peu dans les quartiers d’Aurora et Porta Palazzo.
D’un côté des familles du quartier menacées d’expulsion et décidées à résister encore et encore qui depuis le printemps dernier ont réussi à rendre quasi impossible le taff des huissiers de justice de la zone ; de l’autre le comico et la mairie qui ont décidé d’affaiblir la résistance en concentrant le même jour les expulsions – une par mois – et de faire usage de la matraque et du bouclier.
A l’aube toutes les portes d’entrée des familles qui avaient décidé de résister sont barricadées, et accompagnées d’un piquet sur la rue pour les défendre. À vue d’œil, 150 personnes sont mobilisées, entre personnes menacées d’expulsion et individus solidaires.
Les troupes de flics lancent la première attaque autour de 6H30, sous l’appartement de Via Montanaro où déjà au mois de juin ils étaient venus et avaient dû faire marche arrière. Mais cette fois ils sont très nombreux et déterminés, et le piquet n’est pas si fort. L’appartement est tout de suite conquis mais… surprise ! Il est vide. Tant d’efforts pour rien : la famille en question s’en est tranquillement allée vivre depuis quelques semaines dans une maison occupée de la zone.
En bref, un leurre pour les flics mais payé cher : trois personnes du piquet sont arrêtées et amenées au commissariat, dont une blessée alors qu’elle tentait de s’échapper.
Un quart d’heure plus tard, une autre offensive, via Cuneo. Les fourgons, une dizaine, se mettent en place furtivement du côté des ruines de la Grandi Motori en démolition. Ils occupent toute la rue qui à cette heure est déserte et ne rencontrent aucune résistance. Les anti-émeutes tirent du lit un couple avec un enfant : ils dormaient tranquillement pensant que la situation n’était pas « si grave » et ils avaient décidé de ne pas résister.
Mais pour tous les autres, pour tous ceux du quartier qui avaient décidé de se battre ensemble, de s’organiser et de lutter, la musique fut toute autre : via Feletto, au croisement avec le cours Giulio, les fourgons ont été accueillis avec les poubelles renversées, les fumigènes et ont dû faire marche arrière ; ils n’ont pas non plus pu s’approcher de via Soana, fermée avec les poubelles ; et quand les troupes, casquées et matraque en main, ont essayé de s’approcher du piquet de la place Crispi, elles ont été repoussées de nouveau avec des blocages du trafic et des poubelles sur la route ; la via Bra est restée fermée au trafic toute la matinée par des barricades de poubelles qui s’ouvraient pour faire passer les gens et se fermaient pour bloquer les flics ; deux piquets tranquilles et festifs ont coloré les marchés des places Foroni et Repubblica, et un autre piquet a fermé une rue adjacente au cour Palermo.
À la fin de la matinée, police, carabiniers et gardes financiers se retirent en ordre ; désormais place aux huissiers pour faire le tour des piquets et négocier les renvois de chaque procédure d’expulsion. Une opération qui durera toute la journée, entre ralentissements, accélérations, et huissiers mis contre le mur pour obtenir des renvois adéquats. À l’heure où nous écrivons (et c’est quasi le soir, nous sommes accueillis dans l’arrière boutique d’une personne solidaire), on attend l’huissier sur le dernier piquet et on ne sait pas bien si et quand il aura le courage de passer : la rue est encore bloquée par les poubelles et l’espace libéré grâce aux barricades est devenu le terrain approprié pour une partie de foot et pour une fête.
Mais dans le quartier, entre un piquet et un autre, un groupe de solidaires a aussi donné vie à une longue manif entre une barricade et une autre, pour ensuite lancer l’assaut à la caserne des carabiniers du cour Palermo ; battiture, tags, caméras mises hors service, pour exiger la libération des trois arrêtés du matin. Tout cela pendant une heure, avant l’arrivée des anti-émeutes, et puis une autre petite manif.
À l’heure où on écrit, des trois arrêtés deux sont sortis libres, sans conséquence, alors que le troisième est en voyage, contraint et forcé, vers l’Espagne. Depuis déjà quelques années il avait sur la tête un ordre d’expulsion du territoire italien, et les flics ont profité de l’arrestation pour exécuter cet ordre d’expulsion. On vous donnera des nouvelles plus détaillées dans les prochaines heures.
Mise à jour au 19 septembre : Le compagnon arrêté hier (le 18 septembre) a été expulsé sous l’escorte de deux flics par le vol Turin-Madrid de 18h35 (pour les amants des détails la compagnie aérienne est Air Nostrum, filiale d’Iberia). Quelques minutes avant le départ, une vingtaine de compagnon.ne.s se sont rendus à l’aeroport de Turin Caselle pour une courte manifestation contre les expulsions : une fois forcée la barrière du Check-in, illes ont gueulé des slogans et fait quelques interventions au mégaphone face aux passagers, jusqu’à l’arrivée des anti-émeutes de l’aéroport qui les ont repoussés de l’aéroport.
[Publié le 25 septembre 2012 sur le Jura libertaire.]