On habite dans la forêt de Rohanne. Pendant les deux dernières années, les nombreuses personnes qui ont vécu et passé par ici ont construit sept cabanes dans les arbres et une belle maison collective de trois étages. Le jeudi 19 Octobre, les policiers sont venus avec des bulldozers et ont détruit la maison.
Dès le lendemain, avec beaucoup de gens motivés, on a commencé à construire une nouvelle cuisine à six mètres de hauteur dans les arbres, et une nouvelle cabane collective un peu plus haut. Le mardi 30 et le mercredi 31 octobre ils sont revenus avec des bulldozers et des manitous pour détruire les deux cabines fraîchement finies, ainsi que les sept cabanes dans les arbres.
Pendant le week-end, on a construit un abri temporaire sur le sol avec des palettes et des bâches afin de pouvoir y dormir pendant que nous reconstruirions des cabanes dans les arbres. En gros c’était quelques matelas sur des palettes, avec des poutres ficelées à des troncs d’arbres et couverts de bâche.
Tôt le matin, le lundi 5 Novembre une vingtaine de fourgons de police a bloqué les routes autour de la forêt de Rohanne. Ils sont entrés dans la forêt à pied, et à huit heures et demie six personnes endormies ont été encerclées par une trentaine de policiers armés de boucliers, tenue anti-émeute complète et talkies-walkies bruyants. Les flics nous ont crié de prendre toutes les affaires qu’on pouvait emporter et de sortir de la forêt. Les flics ont commencé à casser le refuge et à découper les bâches en petits morceaux alors que nous étions encore à l’intérieur. Après nous avoir poussé dehors et mis à terre ils ont tailladé les matelas et tout détruit, ils ont même coupé tout le polyprop en morceaux minuscules de façon à ce qu’il soit totalement inutilisable. J’ai un peu l’impression qu’on commence vraiment à les faire chier.
Ils ont vidé une trousse medic sur le sol humide et boueux l’ont piétinée, et ont fait de même avec une boîte de muesli et tout le contenu des sacoches de vélo. Ils ont détruit les deux vélos en dépit de la promesse faite la main sur le cœur par le chef de l’opération, comme quoi on pouvait garder nos vélos et qu’ils ne seraient pas touchés. Ils nous ont poussés, nous ont menacés et nous ont forcés à sortir de la forêt. Ils ont essayé de nous faire passer à travers une énorme flaque près de l’entrée que nous savons être profonde jusqu’aux genoux, mais nous avons suggéré à la place qu’ils nous suivent par un autre chemin et ils l’ont fait.
Toutes les personnes valides de sexe masculin ont été fouillées par les flics, et une d’entre elles avait une carte d’identité avec elle. Les deux autres ont été emmenées en garde à vue. Les trois personnes de sexe féminin valides ont été invitées à attendre une femme flic pour les fouiller. Et d’attendre. Et d’attendre. Et d’attendre. Il semble qu’il n’y ait pas autant de flics femmes dans le coin et au bout d’une heure ils ont juste demandé nos noms et lieux de naissance. N’ayant pas réussi à obtenir d’informations personnelles ils se sont concertés, après quoi ils sont venus pour nous dire que nous pourrions simplement partir. Pourquoi ? Ils nous ont dit qu’ils en avaient marre de nous, et qu’ils ne voulaient pas perdre de temps au poste de police, encore une fois, si encore une fois nous n’allions pas donner nos noms.
C’était une façon assez désagréable de se réveiller, finalement, et ça commence à être un peu ennuyeux d’avoir nos maisons détruites chaque semaine. Toutefois, aprés avoir eu le temps de réfléchir, je ne peux m’empêcher de voir un côté drôle à tout cela. Quand nous avons demandé pourquoi nous étions arrêtés la police nous a dit qu’il était illégal de faire du camping sauvage dans la forêt. Ainsi, près de deux cents policiers anti-émeute ont encerclé la forêt et passé presque une journée entière à en passer chaque centimetre carré au peigne fin juste pour trouver six campeurs. Vingt camions pleins de policiers hautement équipés juste pour faire tomber quelques poutres et des bâches mises en place dans le week-end. Peut-être que nous on en a marre d’eux, mais c’est clair qu’on les saoûle complètement. À la prochaine cabane dans la forêt !
[ZAD]