Mercredi 27 novembre 2012 a commencé la campagne d’expulsions directement programmée par le pouvoir PS local et la préfecture. C’est le campement Rom de Saint-Martin le Vinoux qui en a fait les frais le premier. Suivi le 17 Décembre du hangar proche de la MC2 (Maison de la Culture).
Ci-dessous, deux articles relatant ces expulsions publiés sur Indymedia Grenoble.
– Résumé de l’article publié le 6 décembre :
L’objectif des élus locaux était de se démarquer de l’époque Sarkozyste, pendant laquelle les expulsions étaient accompagnées, pendant plusieurs jours, d’un harcèlement policier visant à détruire moralement leurs victimes pour qu’elles quittent la France. On nous l’a annoncé, claironné : tout ça, c’est fini ! Avec la récente circulaire dite « Valls », les expulsions se feront désormais avec « humanité ». Car le changement, n’est-ce pas… il faut bien que ça se voit !
L’expulsion
Pourtant, dans les faits, les personnes expulsées n’ont pas été tellement mieux traitées que lors des précédentes expulsions de squats et de campements. Pendant les semaines qui ont précédé l’opération, les habitant-e-s du camp ont été volontairement maintenu-e-s dans l’ignorance des projets les concernant et bien évidemment, ils/elles n’ont jamais été consulté-e-s. Le préfet avait interdit la divulgation de la date, pourtant décidée bien avant l’expulsion. Les mairies concernées, les représentants du CCAS de la ville de Grenoble et de la Métro (la communauté de communes de l’agglomération grenobloise) et les associations associées aux prises de décision ne l’avaient pas divulguée aux habitant-e-s du campement non plus, les laissant mijoter dans l’attente et l’angoisse. C’est donc seulement la veille de leur expulsion que la police est venue placarder un arrêté les avertissant de l’opération.
Et la mauvaise surprise a été de taille ! Plutôt qu’un simple relogement, c’est une véritable opération policière qui s’est abattue sur le camp : bouclage de celui-ci par la police, les habitants ne pouvant en sortir qu’après décision des policiers et un passage obligé devant les bureaux que la Préfecture avait installés pour effectuer les contrôles. Bilan : 7 assignations à résidence avec obligation de signature quotidienne à l’hôtel de police (le tribunal administratif vient de les juger illégales…), plusieurs placements en centre de rétention administrative, des obligations de quitter le territoire français (OQTF) sous 48h pour certaines, et 14 enfants en passe de voir leur année scolaire ruinée, car l’organisation du transport scolaire pour un maintien de leur scolarité dans leurs établissements d’origine est incertaine (entre autres parce que la mairie de Saint-Martin le Vinoux refuse de le financer), et que leur inscription sur la commune de Fontaine n’est pas envisagée.
On a détruit sans vergogne, certes cette fois pas sous leurs yeux, les baraques qu’ils s’étaient construites et qui contenaient encore les biens qu’ils n’avaient pas pu transporter à la main. 80 personnes ont été réparties en différents endroits de l’agglomération : 50 places sur un terrain à Fontaine et une dizaine en hôtel ou en foyer pour les familles, des places au gymnase Vieux Temple pour les personnes seules mais pour 5 jours seulement, et le centre de rétention administrative pour certaines.
Le camp de Fontaine
Pour justifier l’expulsion du camp, la préfecture a notamment invoqué son insalubrité. Au vu du terrain de Fontaine où la majorité des personnes ont été amenées, il est clair que ce n’est pas dans le souci de la sécurité et salubrité des personnes vivant sur le camp qu’il a été évacué : elles vivent maintenant dans 7 algécos non cloisonnés, à 8 en moyenne par algéco, et l’eau n’y arrive pas. Et la cerise sur le gâteau : le terrain est gardé nuit et jour par un vigile, employé d’une société privée de sécurité, qui interdit toute visite autre que celles des associations « agréées ». Le camp est placé sous le contrôle de l’AREPI (Association régionale pour l’insertion), dont le directeur, Pascal Caluori, traite les hébergé-e-s comme du bétail et insulte les militant-e-s qui viennent les voir.
Pour notre part, nous ne sommes pas dupes du vernis d’aide sociale dont est parée la répression d’un pouvoir qui se dit de gauche. Nous répétons et répéterons tant qu’il le faudra que la seule solution est que tou.te.s les migrant-e-s aient accès, comme tout le monde, sans discrimination, au droit commun, au travail, au logement, à l’éducation, aux aides sociales et à une existence digne. Ne pas leur accorder ces droits et les rendre ensuite responsables de leur situation est une hypocrisie qui doit cesser !
Avec les Roms et tous les laissés pour compte, nous continuerons à lutter pour que cesse enfin la discrimination dont ils sont victimes.
– Résumé de l’article publié le 22 décembre :
Ce lundi 17 décembre 2012, à 6h10, la police a encerclé le hangar situé face à l’Externat Notre-Dame, non loin de la MC2, occupé en majorité par des roms roumains venus se réfugier là après l’expulsion du camp de La Tronche en juillet 2012. Des cars de police un peu partout, derrière, devant, sur les deux côtés du hangar et un rideau d’hommes qui arborent des protections multiples, aux jambes, aux bras, sur la tête. La police a pénétré à l’intérieur vers 7h et, sous une pluie fine et dans le froid, a fait sortir les habitants. Avec la centaine de policiers et de gendarmes, est également présente une dizaine de policiers municipaux. Diantre ! Aurions-nous affaire à de dangereux malfaiteurs, à des envahisseurs de énième génération ? Et derrière tout ce petit monde estampillé « shérif » circulent le directeur des services de la préfecture, des personnes du CCAS, de Roms Action et même la SDCS (société de surveillance). Face à eux : des militant-e-s (Patate Chaude, École ici-maintenant, …), des sympathisant-e-s et quelques passant-e-s pour la plupart scandalisé-e-s.
On ne peut traverser la rangée bien alignée des policiers. Trois journalistes sont passé-e-s, et l’une d’entre eux a pris des photos, des enfants surtout. L’un des membres de la Patate Chaude aussi, mais lui s’est tout de suite reçu une volée de commentaires par l’un des flics qui voulait l’en empêcher : « C’est interdit ! » « Pas du tout, on est encore en démocratie, j’ai le droit ! » « Je vais voir mon chef et on verra bien… » Il n’est jamais revenu. Il tentait juste un coup de pression pour empêcher les images de leur sinistre activité matinale de circuler…
Les familles sont embarquées dans des mini-cars, avec un minimum d’affaires, et conduites au C.A.I. (Centre d’Accueil Intercommunal), ou, après une analyse de leur situation sociale (composition de la famille…) elles seront conduites vers un des 2 sites prévus et équipés d’Algeco : chemin Fortuné Ferrini (sur La Tronche), et l’aire de stationnement aménagée et prévue pour les Gens du Voyage, derrière les anciennes usines Allibert (Grenoble). Un couple s’est vu notifier une OQTF (Obligation de Quitter le Territoire Français) de 30 jours, et une personne a été conduite au CRA (Centre de Rétention Administrative) de Lyon Saint-Exupéry. Commentaire d’un des policiers quand la personne reçoit une OQTF : « Allez, bonnes vacances » ! Une fois le hangar vidé de ses occupant-e-s, ce sont les employés de la voirie et les engins de travaux publics qui entrent en action. Drôle de ballet. Présence aussi de camions-plateaux qui emmènent les caravanes. Tristesse.
37 Roumain-e-s (des enfants pour les 2/3) et une dizaine de Hongrois-es auront été expulsé-e-s ce matin, sous un ciel blafard.
Malgré elles, les personnes de Saint-Martin le Vinoux, installées dans des Algeco sur Fontaine, ont servi de laboratoire car, cette fois, un bloc sanitaire est installé ainsi que 2 WC sur la parcelle chemin Fortuné Ferrini. 27 personnes y sont hébergées dans 4 Algeco. Espérons, sans trop y croire, que cet hébergement ne sera pas géré par l’hystérique directeur d’association qu’il est inutile de citer ici, mais dont beaucoup ont déjà eu à se plaindre, à commencer par les Roms eux-mêmes. Des journalistes étaient présents (FR3, Télé Grenoble, Dauphiné, RCF). Il s’avérerait que les différents services, y compris la police, aient été un peu pris de cours pour cette opération, mais le préfet semble avoir voulu précipiter les choses… Au total, les expulsés de Saint-Martin le Vinoux et de Grenoble ont été dispersés et entassés dans des Algeco à Fontaine (près de But), à la Tronche (rue Fortuné Ferrini), à Grenoble (derrière Allibert) et dans les anciens bureaux de Jeunesse et Sports, rue Verlaine.
Afin de se démarquer de l’époque sarkozyste, les pouvoirs publics ont répété dans les nombreux articles parus avant et après ces expulsions qu’ils ont préparé celles-ci depuis longtemps, dans un souci des personnes concernées. La réalité est que cette préparation s’est effectivement faite depuis des mois du côté des pouvoirs publics, mais sans que les premiers-ères concerné-e-s ne soient jamais entendu-e-s ou pris-es en compte avec leurs besoins et projets réels. Tout ce que les familles Roms ont pu toucher du doigt de cette préparation, ce sont les contrôles (appelés en novlangue « recensements ») effectués par la police nationale, sans explication aucune, quelques semaines avant les expulsions, et qui ont permis d’établir, à l’intention des pouvoirs publics, des listes indiquant qui serait « hébergé », qui recevrait une OQTF et qui serait emmené au CRA afin d’être expulsé en Roumanie. Jusqu’au jour même des expulsions, les personnes n’avaient aucune certitude sur ce qui les attendait, alors qu’une foule d’élus, de techniciens publics, de travailleurs sociaux, étaient, eux, au courant.
Bruno Charlot, secrétaire général adjoint du préfet de l’Isère, a affirmé dans un article du Dauphiné Libéré du 18 décembre 2012 : « L’idée, c’est qu’aucune famille ne soit laissée à la rue ce soir », et dans la suite de l’article : « Selon les derniers recensements, ce camp abritait une centaine de personnes. Plus de la moitié de ces occupants l’ont quitté avant l’intervention hier des forces de police et de gendarmerie. » Pourtant, maintenir ainsi les gens dans l’angoisse de ce qui les attend, n’est-ce pas la meilleure manière de s’assurer de leur docilité le jour-même, et pourquoi pas d’en pousser certain-e-s à quitter le camp avant l’expulsion ?
Preuve s’il en est que derrière le vernis de l’action sociale, il s’agit avant tout de contrôle social et de répression.
Nous continuerons de répéter inlassablement que la seule solution est que tou-te-s les migrant-e-s aient accès, comme tout le monde, sans discrimination, au droit commun, au travail, au logement, à l’éducation, aux aides sociales et à une existence digne.
collectifs École Ici et Maintenant – La Patate Chaude