Montreuil-Bagnolet (93): Récit collectif de la déambulation du 27 avril contre les expulsions et la restructuration urbaine

Depuis quelques semaines, rendez-vous était donné à Croix de Chavaux (Montreuil, 93) pour un rassemblement-déambulation contre les expulsions locatives, de squats, de terrains, et les restructurations urbaines en cours sur le territoire Montreuil/Bagnolet.

Dans un contexte d’aseptisation de ces quartiers, avec une chasse aux pauvres toujours plus intense et visible, cette initiative prise lors des assemblées hebdomadaires du Transfo permettait d’adresser un message clair : nous ne nous laisserons pas faire.

En préparation de la manifestation, une affiche et un tract ont été réalisé-e-s.
Le tract, tiré à quelques milliers d’exemplaires puis distribué notamment sur les marchés de Croix de Chavaux et de Bagnolet, au métro Gallieni ou lors de concerts au Transfo, abordait la question des restructurations urbaines en cours à Montreuil et à Bagnolet, et appelait à se rassembler ce samedi pour tou-te-s celles et ceux qui se sentaient concerné-e-s par ces questions.
L’affiche, qui reprenait quelques éléments du tract, a été collée sur Montreuil, Bagnolet et une partie de l’est parisien pour appeler publiquement au rassemblement.
Des tags appelant à la manif ont été faits sur Montreuil et Bagnolet les quelques jours avant le 27 avril, et une grande banderole a été accrochée, deux jours avant la manifestation à l’entrée de la rue piétonne de Croix de Chavaux, à l’endroit exact où la manif devait démarrer ce samedi.

Rue du Capitaine Dreyfus, Montreuil (25 avril 2013)

Ce samedi 27 avril donc, à 14h, l’absence de soleil ne nous a pas empêché-e-s de nous retrouver pour crier notre rage. A l’entrée de la rue du Capitaine Dreyfus, au métro de la Croix de Chavaux, c’est environ 250-300 personnes qui se retrouvent, prêtes à déambuler gaiement, au son de quelques chansons détournées contre les huissiers, les flics et les expulsions. Des prises de parole ont lieu sur la place, avec notamment la lecture du tract appelant à la manifestation.
Pas de keufs à l’horizon, exceptés un flic en civil et une voiture de la police nationale qui vient se garer à proximité du rassemblement pour observer ce qui se passe. Après quelques chants et prises de parole, le cortège s’élance donc sur la route – accompagné d’une caravane-sono et d’une batucada – en prenant la rue de Paris pour faire le tour de la place, derrière une grande banderole “Face aux expulsions, luttons contre la restructuration urbaine“, suivi-e-s de près par le véhicule de police.
On s’engage ensuite dans la rue Girard, au son de slogans tels que “Grève, grève, grève des loyers, et crève, crève, les flics et les huissiers !” ou “Les maisons sont vides, occupation ! Et les loyers sont trops chers, occupation !“. Une prise de parole a lieu rue Girard, à propos de la future expulsion du squat de “Michto”, pendant que nous repeignons la rue de divers pochoirs et tags (“La maison est à ceux qui l’habitent“, “À bas la propriété privée !“) dans la joie et la bonne humeur.

Après la rue Girard, nous bifurquons sur la droite pour remonter sur la rue Edouard Vaillant, le long du marché. Le cortège remonté à droite de la place du marché s’arrête à l’angle du boulevard Chanzy, sous les yeux des nombreuses personnes présentes sous la Halle pour une brocante. Là, des ex-habitants de l’ancien squat de “La Clinique” (janvier-juillet 2009) prennent la parole pour rappeler ce qu’a été ce lieu pendant ses sept mois d’existence. Depuis, le bâtiment a été rasé, et le terrain vague qui l’a remplacé est toujours désert en attendant la soi-disant construction d’un centre commercial et de logements dits “sociaux”. La devanture du chantier et d’un bâtiment à côté sont égayées des couleurs chatoyantes de notre colère: “Grève des loyers, occupation !“, “Guerre à la propriété“, “Nous voulons tout, nous brûlerons le reste” ou encore “Les urbanistes au feu, les huissiers au milieu“. Sur un mur du terrain vague, on peut lire une énorme tag depuis début janvier, en solidarité avec la lutte à Notre-Dame-des-Landes: “2012: l’Ayraultport s’écrase – 2013: la révolte s’embrase“.

Le cortège se remet ensuite tranquillement en route sur la rue de Paris, désormais devancé de loin par une voiture de police qui gère la circulation à une centaine de mètres devant nous, et toujours suivi de près par une seconde voiture. Les slogans sont toujours aussi joyeux: “A Robespierre, les loyers sont trop chers ; à Croix de Chavaux les loyers sont trop hauts“, “Un loyer pas cher, c’est toujours trop cher !“, “Squatteurs, locataires, solidarité face aux propriétaires“. Les murs de cette triste rue continuent d’être maculés par des pochoirs, graffitis et collages d’affiches. “Grève des loyers, crève les huissiers“, “Face aux galères, j’occupe ta résidence secondaire“, “Rangez vos miettes, on veut le tiroir-caisse“, “À bas la propriété“, “Si t’as pas de niche, prends ton pied de biche“, “Expulsion = baston“, “À bas l’État, les flics et les huissiers“, “Occupons tout” ou encore “Tant que vous aménagerez, nous vous saccagerons“.
Le tract appelant à la manif est toujours distribué aux passant-e-s, qui pour la plupart se sentent directement touché-e-s par l’augmentation des loyers, les expulsions locatives ou la gentrification du quartier.

Une nouvelle intervention a lieu au niveau de la Halle Marcel Dufriche, où des Rroms sont régulièrement harcelés par les flics depuis plusieurs mois et où a eu lieu il y a quelques jours un incendie qui a ravagé une partie de leurs habitations.
On tourne ensuite ensuite sur la gauche pour prendre la rue Barbès, où trois flics en civils se promènent nonchalamment sur la gauche de notre cortège. Tout en filmant discrètement la manifestation (un flic a son portable accroché à la poche-poitrine de sa veste), ils s’arrêtent sur le côté et regardent la manif passer. Les cris de “Police, dégage !” et “Flics, porcs, assassins !” ne semblent pas les inquiéter plus que ça, bien qu’ils se glissent des bouchons de liège dans les oreilles pour ne plus subir nos outrages verbaux.
Non loin de la place de la République, une nouvelle prise de parole rappelle que pendant l’été 2011, la place a été occupée quelques temps par les squatteur-euse-s expulsé-e-s de la rue des Sorins.

Le cortège bifurque ensuite sur la droite, au niveau de la rue Bara, où se trouve le foyer de travailleurs migrants Bara, là où les gestionnaires de misère tentent de faire de la place, n’accueillant plus personne depuis plusieurs mois, et laissant environ 80 Maliens à la rue. Un des habitants prend la parole pour expliquer la situation actuelle du lieu.
Certain-e-s d’entre eux-elles se joignent à la manifestation, alors que les flics en civil continuent à nous coller. La foule s’énerve, commence à encercler les flics qui se prennent quelques petits projectiles sur la tronche (au passage, on rappellera que lorsqu’on jette des projectiles sur les flics, il est primordial de s’assurer qu’il ne tombera pas sur des manifestant-e-s ou des passant-e-s !). Ils sortent alors leurs matraques téléscopiques, lancent une première grenade de désencerclement en plein milieu de la foule et dégainent un flashball qu’ils braquent à hauteur de visage sur les compagnons proches d’eux. Plusieurs personnes sont légèrement blessées aux jambes par cette grenade de désencerclement, qui sera suivie par au moins une autre, tandis que des tirs de flashball sont assénés à bout portant, dont au moins un à hauteur de poitrine/visage ! Les flics ont également sorti une gazeuse familiale et ont aspergé trois ou quatre personnes en pleine face. En quelques secondes, ils auront fait usage de tout leur attirail répressif. Certain-e-s manifestant-e-s chargent alors les flics avec des chaises provenant d’un bar de la rue et divers autres projectiles, les poussant à dégager définitivement. On peut se demander pourquoi ces trois flics en civil ne sont pas partis avant, car ils n’ont pas seulement mis en danger passant-e-s et manifestant-e-s, mais aussi eux-mêmes, en nous agressant et provoquant ainsi la colère de la rue.
Quelques minutes plus tard, les flics arriveront en force (commissaire, gendarmes mobiles et compagnie) sur la place de la République, non loin du foyer Bara, histoire de mettre la pression dans le quartier, mais ils ne s’approcheront plus de la manifestation. Aucune arrestation à signaler ce jour-là.

La manif s’arrête alors au croisement rue de Paris / rue Robespierre, le temps de s’assurer que tout le monde va bien. Du sérum physiologique est apporté aux personnes touchées par les gaz lacrymogènes, et la parole est prise à nouveau depuis la sono pour expliquer aux passant-e-s ce qui vient de se passer.
Ensuite, la manif continue le long de la rue Arsène Chéreau, jusqu’à la Place de la fraternité, limite entre Montreuil et Bagnolet. C’est l’occasion de prendre une petite pause, et d’une intervention au micro par des membres du collectif “Prenons la ville” sur les transformations du quartier et la récente expulsion d’un squat de Rroms sur la place. Nous discutons aussi avec le propriétaire du bar “Le bouliste”, sous le coup d’une fermeture prochaine de son établissement, nécessaire étape dans la restructuration du quartier en ghetto pour bourgeois-es.
Quelques pochoirs et tags viennent toujours égayer la zone.

Place de la Fraternité, Montreuil, 27 avril 2013

Montreuil, 27 avril 2013

Nous nous dirigeons ensuite sur la rue Etienne Marcel, libres de toute présence policière. Le cortège se fait plus calme et les slogans plus rares. Il faut dire aussi que le coin est peu fréquenté, plus résidentiel.
On tourne ensuite au niveau de la rue Edouard Vaillant pour reprendre sur la rue Victor Hugo, histoire de passer un “big up” au Rémouleur.

Puis la manifestation prend la rue Robespierre, lance des slogans contre Vinci (multinationale connue entre autres pour ses chantiers de construction-destruction à Notre-Dame-des-Landes et à Khimki en banlieue de Moscou) puisque sa filiale “Jean Lefebvre” se trouve dans cette rue.

Bagnolet, 27 avril 2013

Le cortège fait ensuite une halte devant la rue de l’Avenir où un terrain squatté par des Rroms, sans eau courante, est la cible régulière de pressions policières (les flics ont notamment distribué des OQTF – obligations de quitter le territoire français – qui ont par la suite été annulées par le tribunal).

Affiche du Transfo (Bagnolet, 27 avril 2013)

Arrivée au Transfo de la tête de la manif (Avenue de la République, Bagnolet, 27 avril 2013)

Enfin, la manif emprunte l’avenue de la République en direction du Transfo, où une dernière intervention a lieu, affirmant la volonté de résister face à une éventuelle expulsion. Nous rentrons ensuite à l’intérieur, où une assemblée ouverte se tiendra, réunissant près d’une centaine de personnes. C’est l’occasion de discuter plus en détail des moyens de résister aux expulsions de squats et de tout autre type de logement, de faire le tour de nos idées pour s’organiser avec les personnes concernées par des expulsions dans les quartiers alentours et de partager quelques propositions sur les aspects pratiques que pourrait prendre la résistance à l’expulsion du Transfo. À suivre, que tout cela nous serve de moment de consolidation de résistances au monde du fric, des flics et de la propriété privée !