Rio de Janeiro: L’expulsion du quartier occupé Bairro 13 laisse plus de 500 familles à la rue

Le 26 février 2014, première vague d’expulsions de l’occupation Bairro 13, localisée 49 avenue Francisco Bicalho à à Santo Christo, Rio de Janeiro, 250 familles étaient expulsées de leurs maisons, processus de gentrification de la ville de Rio. Aujourd’hui il s’agit de plus de 500 familles jetées à la rue.

Selon le témoignage des habitant-e-s, peu de temps avant l’opération d’expulsion, la mairie a envoyé des agents qui ont promis leur aide aux personnes expulsées avec un loyer social ou encore la promesse pour 110 d’entre elles d’un relogement dans une maison, programme de logement d’une banque publique brésilienne, la Caixa Econômica Federal, « Minha Casa, Minha Vida (MCMV)« . Les habitant-e-s expulsé-e-s n’ont reçu jusqu’ici aucune aide de la mairie de Rio ni aucun document officiel.

Harcèlement policier et désillusions

Les habitant-e-s affirment que la nuit avant l’expulsion, le 25 février, des voitures de la Police Civile ont tiré en direction de la zone occupée. Le lendemain, la police encerclait tout le quartier afin d’empêcher les personnes sorties dans la journée de retourner chez elles à l’aide de spray poivré.

Seul-e-s les habitant-e-s sur place lors de l’évacuation policière ont eu accès au cadastre pour avoir d’éventuelles indemnisations. Des 500 familles expulsées, seules 295 ont été cadastrées avec une promesse d’indemnisation. 110 familles, c’est-à-dire 20% des habitant-e-s, ont reçu un chèque de 1200 R$ (300€) comme acompte de 3 mois sur un futur loyer social. Même celleux qui ont reçu les 3 mois de loyer social n’ont obtenu aucune garantie qu’illes continueront à recevoir le loyer jusqu’à l’arrivée d’une nouvelle maison où qu’ils en recevraient une un jour.

Enfermés dehors

Le 26 février, premier jour de l’expulsion, de nombreux habitant-e-s racontent qu’en rentrant du travail, illes se sont retrouvé-e-s enfermé-e-s dehors, n’ayant plus accès à leurs logements et à leurs affaires personnelles. Depuis ce jour, plus de 500 familles sont livrées à elles-mêmes sans aucun endroit où se poser.

Désinformation et faux documents

Chaque groupe d’habitant-e-s qui a tenté de dialoguer avec les organismes responsables, comme la Secretaria Municipal de Habitaçao (SMH, secrétariat municipal de l’habitat) a reçu une information différente. Les familles recevaient en plus des papiers sans valeurs qui étaient en fait des vulgaires photocopies de documents.

Le lundi 9 mars, un groupe d’habitant-e-s a été invité à se rendre au 1º Bataillon de la Garde Municipale afin de s’entretenir avec la SMH. Une fois sur place, illes ont reçu en tout et pour tout que des photocopies de documents non-signés et non-officiels qui prétendaient être de la  Secretária Municipal de Habitação (SMH).

Graziele Marcia da Silva, 23 ans, raconte : «Ils [les agents de la mairie] nous ont avisé de nous rendre à la mairie hier, [le lundi 9 mars] afin d’obtenir le papier [pour le programme MCMV] et le loyer social. Le SMH nous a donné un papier qui ne sert à rien et ce n’est pas non plus le loyer social».

Protestations et tentatives de négociation

Après avoir reçu un document sans valeur, les habitant-e-s sont sorti en défilé jusqu’à la mairie de Rio. Là, illes ont été informé qu’illes pourraient obtenir une possible négociation dans un autre endroit. Un bus de la mairie les a emmené-e-s à nouveau au 1º Bataillon de la Garde Municipale où illes ont obtenu un autre reçu qui disait que les habitant-e-s seraient inscrit-e-s pour pouvoir avoir accès à une unité du fameux programme MCMV.

N’ayant aucun endroit où aller, les habitant-e-s sont revenu-e-s devant la mairie et ils ont dormi sur place. Le lendemain, accompagné-e-s d’une journaliste activiste du CMI-Rio, illes ont fait une nouvelle tentative de négociation avec la mairie, sans obtenir la moindre réponse. C’est pour toutes ces raisons qu’illes ont bloqué l’Avenue Presidente Vargas, ce qui a fermé l’accès au viaduc.

La Police Militaire et la Garde Municipale ont tenté de négocier la sortie des manifestant-e-s, réussissant à libérer la moitié de la voie. Quelques policiers ont exercé des menaces d’agression et proféré des offenses envers les habitant-e-s. La manifestation s’est terminée quand un représentant de la SMH est venu discuter avec les manifestant-e-s, convoquant trois représentant-e-s à une réunion à la Mairie. À leur sortie, illes ont affirmé qu’il leur avait été proposé qu’à peine quelques un-e-s des délogé-e-s reçoivent quelque bénéfice. Les familles sans-abri ont rejeté toute tentative d’accord. Avec une telle posture, la SMH s’est refusée à parvenir à quelque accord que ce soit, prétextant que les expulsé-e-s étaient des opportunistes.

Les habitant-e-s tentèrent une fois de plus de fermer l’Avenue Presidente Vargas, se faisant réprimer par la Garde Municipale. Après 10 heures de tentatives de négociation et protestations, les habitant-e-s ont continué à être ignoré-e-s. Le 12 mars, un groupe d’habitantes s’est rendu au Secritório da Defensoria Pública de Rio de Janeiro, afin de recevoir une aide juridique. «Les gens ne vont plus travailler depuis plusieurs jours. Ils sont en train de perdre leurs emplois parce qu’ils essayent de résoudre cette situation», affirme Luciana Nunes. «Il y a des jours où les gens ne sont pas en condition de résoudre quoi que ce soit».

«Ils nous ont simplement ignoré-e-s. Tant que les choses resteront comme ça, nous continueront à occuper les rues, nous allons protester et continuer jusqu’à ce qu’il y ait une solution» dit Graziele. «La police et la Garde Municipale agissent comme si nous étions des vandales. Quand les médias sont parmi nous, ils restent tranquille. Mais quand ils s’en vont, ils recommencent à nous manquer de respect».

Une ville pour qui ?

La situation des habitant-e-s du Bairro 13 est la même que diverses autres communautés qui ont été expropriées pour faire place nette aux grands événements. L’Occupation du Bairro 13 était située dans le quartier portuaire, une des zones impactées par un processus de gentrification, qui est responsable de l’expulsion de nombreu-x-ses habitant-e-s de la région en fonction de grands projets pharaoniques. Cela démontre, une fois de plus, que les gouvernements ne respectent pas leurs populations.

[Sources : Indymedia-Brésil | Brasil 247 | Rio on Watch. Publié en français le 16 mars 2014 sur le blog de Bob 92 Zinn.]