Calais: Campements rue Lamy et Bassin de la Batellerie

2014_Calais_campement_rue_Lamy

Campement rue Lamy – Le carrefour de la rue Lamy et du boulevard des Alliés. D’un côté du boulevard, le bâtiment abandonné de l’ancienne douane, entouré d’une pelouse elle-même entourée de grilles. Celle-ci ont été installées suite à l’évacuation en septembre 2012 d’un campement qui s’abritait sous les arcades du bâtiment, pour empêcher l’accès au terrain. De l’autre côté, des buissons bordent les deux rues. Derrière, une ancienne voie ferrée traverse une pointe herbeuse. Derrière, un parking, où des camions stationnent pour la nuit, puis une écluse, puis le port derrière ses grilles. De l’autre côté de la rue Lamy, l’entrée du lieu aménagé pour les distributions de repas aux exilés

Septembre 2013, une série d’expulsions de squats jettent les exilés par les rues, cherchant un refuge chaque soir, délogés au petit matin par la police. Quelques tentes s’installent là à l’abri des haies, tôt délogées, tôt revenues. Une dizaine de personnes dorment aussi sous la dernière arcade accessible de l’ancienne douane – ils en seront chassés et l’arcade fermé par des plaques de contreplaqué.

2014_Calais_campement_rue_Lamy_Le 2 octobre les exilés syriens occupent l’accès piéton du port, révoltés par la chasse à l’homme dont ils font l’objet à Calais. Ils demandent à rencontrer les autorités françaises et britanniques, et à être autorisés à déposer une demande d’asile au Royaume-uni. L’attention médiatique va croissant. Le 4 octobre, après une tentative manquée d’évacuation par la police (deux exilés sont montés sur le toit d’un bâtiment et menacent de sauter), le sous-préfet puis le préfet du Pas-de-Calais viennent rencontrer les manifestants, puis des représentants de l’administration britannique des frontières. Ceux-ci rappellent aux exilés le cadre légal existant et répondent négativement à leur demandent de pouvoir aller librement a Royaume-uni demander l’asile. Les Syriens lèvent leur sit-in.

2014-01_campement_rue_Lamy_Calais_Ils vont alors s’installer sur l’étendue herbeuse à l’angle de la rue Lamy et du boulevard des Alliés. De quelques tentes et une douzaine de personnes on passe à un campement de soixante-dix à quatre-vingt personnes. Au fil du temps, des Kurdes, des Irakiens, des Égyptiens, des Cachemiris, des Afghans, des Égyptiens, des Pakistanais, des Algériens, des Ghanéens et d’autres viennent s’installer là de manière plus ou moins prolongée.

Pendant longtemps, ce campement a conservé la tonalité militante de ses origines. De là partent des messages adressés au Parlement européen et aux États européens en octobre 2013 (voir ici et ), et deux manifestations contre le harcèlement policier en février 2014 (voir ici). Mais c’est aussi un campement tout en tension entre communautés et groupes qui n’ont pas choisi de cohabiter sur un espace aussi petit.

6 février 2014. Le campement au petit matin. À gauche derrière la voiture grise et dans le fond derrière les tentes, ont distingue les véhicules de police qui l’encerclent. Ceci est une rafle.

6 février 2014. Le campement au petit matin. À gauche derrière la voiture grise et dans le fond derrière les tentes, ont distingue les véhicules de police qui l’encerclent. Ceci est une rafle.

Au fil du temps, le campement s’est en effet agrandit, jusqu’à occuper toute la langue herbeuse disponible, et densifié, des cabanes plus grandes succédant aux tentes. L’évaluation est difficile, mais il accueillerait dans les trois cents personnes actuellement.

Il fait l’objet d’une pression policière particulière. Mais il interroge aussi, situé à deux pas du port, et à l’orée du centre-ville. Pour l’instant, le Conseil régional, propriétaire du terrain, ne demande pas l’évacuation. Une occasion ? Tout pousse en effet à ne pas laisser la situation en l’état, le nombre de personnes, la situation sanitaire (la gale a fait son apparition), la quasi absence de toilettes (il y en a trois à l’entrée du lieu de distribution des repas, dans un état déplorable), la mauvaise gestion des déchets (malgré la présence d’une benne), les tensions à l’intérieur du camp, sa visibilité. Mais il suffirait aussi d’un feu vert du conseil régional pour commencer à améliorer les conditions de vie et d’hygiène et pour amorcer une transformation du lieu avec ses habitants.

2014-01_autour_du_campement_rue_Lamy_CalaisUne occasion de sortir de douze ans d’expulsions et de campements insalubres ? Peut-être.

[Publié le 3 mai 2014 sur le blog Passeurs d’hospitalités]

Campement Bassin de la Batellerie

Le 21 octobre 2013, un squat Rue neuve est évacué, soixante-dix à quatre-vingts personnes, d’origine érythréenne et éthiopienne, se retrouvent à la rue. Pendant les jours suivants, elles sont chassées de lieu en lieu. Puis quelques-unes s’installent sur ce quai, et n’en sont pas délogées. Un campement se constitue.

2014-01_Calais_campement_Bassin_de_la_BatellerieMême si cet hiver n’a pas été particulièrement rigoureux, le froid et l’humidité affectent particulièrement ces personnes rapidement remontées vers l’Angleterre après leur passage en Europe, ou qui sont restées quelques temps en Italie avant de chercher ailleurs en Europe un accueil qu’elles n’ont pas trouvé dans ce pays. Les conditions de vie accroissent la prise de risque lors des tentatives de passage, les conditions sanitaires, la marginalisation, le désespoir. La plupart des exilés morts à cette frontière ces derniers mois habitaient ce campement : Robiel le 4 novembre, s’est noyé en tentant d’entrer dans le port à la nage; Yemane, le 10 décembre, mort dans la rue d’une maladie cardiaque chronique dont le traitement a été interrompu par un mauvais diagnostic; Mesfin, le 12 mars, fauché sur l’autoroute par un véhicule qui ne s’est pas arrêté; Senay, trouvé mort le 14 mars dans le bassin de la Batellerie, à proximité du campement, alors qu’il avait disparu depuis plusieurs jours; Abdullah, le 15 mars, mort à l’intérieur d’un camion qui roulait dans la mauvaise direction (*).

2014-01_Calais_campement_Bassin_de_la_Batellerie_Si le camp n’a pas été évacué jusqu’ici, il est néanmoins sous pression. Les exilés qui avaient installé leurs tentes sur les berges du canal de l’autre côté du pont Moliens, ou sous le pont de l’autre côté du canal, en ont été chassés (sans procédure d’expulsion identifiée).

Avec de nouvelles arrivées, le nombre d’habitants du campement grandit dans un espace qui lui reste confiné. Des Soudanais et des Somaliens se sont joints aux Érythréens et aux Éthiopiens. Le campement abrite maintenant près de cent personnes, il n’y a plus assez de tentes, les derniers arrivés dorment sous des bâches de plastique. La gale a fait son apparition. Depuis quelques semaines les mineurs sont de plus en plus nombreux.

Campement du Bassin de la Batellerie, 26 février, un boulanger itinérant s’est posé là pour quelques jours et fait le pain bénévolement. Trois mois plus tard, les tentes sont beaucoup plus serrées et occupent tout l’espace. Les tentes qu’on voit dans le fond de l’autre côté du canal ont été expulsées.

Campement du Bassin de la Batellerie, 26 février, un boulanger itinérant s’est posé là pour quelques jours et fait le pain bénévolement. Trois mois plus tard, les tentes sont beaucoup plus serrées et occupent tout l’espace. Les tentes qu’on voit dans le fond de l’autre côté du canal ont été expulsées.

Comme le conseil général refuse de les prendre en charge au prétexte, ils viennent grossir le nombre des enfants vivant à la rue à Calais.

(*) À Calais, des camions partant vers le Royaume-uni et venant du Royaume-uni stationnent sur les mêmes parkings. Il est donc fréquent de monter dans un camion qui va dans la mauvaise direction.

[Publié le 5 mai 2014 sur le blog Passeurs d’hospitalités]