Le 2 février 2011, le gouvernement mexicain a exproprié par la force une surface de terre appartenant au terrain communal de San Sebastián Bachajón, sur lequel passe un chemin conduisant au Centre écolo-touristique “Cascades d’Agua Azul” qui se trouve dans le village voisin du même nom, dans la commune de Tumbalá, Chiapas, Mexique. Cette destination touristique reconnue au niveau mondial, fait partie d’un méga-projet que le gouvernement mexicain essaie de mettre en route : le “Centre Intégralement Planifié Palenque (CIPP)”. Sur la dite surface, les paysans communaux adhérents à la Sixième déclaration zapatiste avaient construit un péage (autogéré), une salle de réunion et des toilettes publiques. Le gouvernement mexicain les en a ensuite expulsé avec violence, sans consultation ni mandat préalable. La surface de terre a été alors expropriée et surveillée par plusieurs corporations policières, jusqu’à l’aube du 21 décembre 2014, quand la terre fut récupérée par l’organisation du terrain communal de Bachajón.
Le commissaire « ejidal » officiel Francisco Guzmán Jiménez a collaboré avec le gouvernement pour la remise des terres, et actuellement son successeur Alejandro Moreno Gómez et le conseiller officiel de vigilance Samuel Díaz Guzmán collaborent dans le même sens, avec le gouvernement mexicain, sans prendre en compte la volonté du village, prétendant ainsi remettre encore une fois nos terres aux mains du gouvernement fédéral et de l’État.
Les faits :
Le 21 décembre 2014 à environ six heures du matin, plus de 300 hommes, des femmes et des enfants des trois régions qui forment le terrain communal de Bachajón, ont récupéré d’une manière pacifique les terres placées sur le domaine du terrain communal, dans la municipalité officielle de Chilón, Chiapas, qui est contigu à la municipalité de Tumbalá et à la commune d’Agua Azul. Sur ces terres passe un accès vers le centre touristique “Cascadas de Agua Azul”, reconnu au niveau mondial.
La récupération de ces terres expropriées est le résultat d’un accord célébré entre ejidatarios et ejidatarias [paysans communaux] faisant partie des trois zones qui composent le terrain communal de Bachajón qui sont : Bachajón, Alan Sacjun et Ch’ich. Depuis à peu près trois ans le gouvernement mexicain, au travers de la CONANP [Commission Nationale des Zones Naturelles Protégées], de l’IPC [Institut de Protection Civile] et du SSyPC [Secrétariat de Sécurité et de Protection Citoyenne] s’est approprié cette surface sans la permission et l’autorisation du terrain communal, sans consultation, ni consentement libre préalable et informé.
(…)
Antécédents :
Le 3 février 2011, 117 compagnons de San Sebastián Bachajón, adhérents à la Sixième déclaration zapatiste, furent arrêtés arbitrairement. Ces arrestations ont eu lieu afin de dissoudre l’organisation en résistance et comme mesure de pression pour que le gouvernement récupère les terres. Cependant, cinq mois plus tard, tous les compagnons ont été libérés, et ce grâce à la solidarité nationale et internationale. En août et en septembre 2011, Antonio Estrada Estrada et Miguel Vázquez Deara ont été arrêtés, en tant que membres actifs de l’organisation adhérente à la Sixième déclaration, torturés et obligés de s’auto-inculper de délits délictueux. Tous les deux ont été libérés grâce à la solidarité et l’organisation.
En mars 2011, notre organisation a présenté un recours contre le pillage (Amparo 274/2011) auprès du juge du septième district, siège Tuxtla Gutierrez, Chiapas.
Le 24 avril 2013, Juan Vázquez Guzmán a été assassiné par arme à feu. Ce compagnon était également adhérent à la Sixième déclaration, porte-parole de l’organisation, leader communautaire et défenseur des droits humains. A cause de son activisme pour la défense des terres appartenant à son village, il a été illégalement arrêté le 24 décembre 2011, et le 22 mars 2012, il a été menacé de mort par le commissariat ejidal officiel de l’époque, Francisco Guzmán Jiménez.
Le 21 mars 2014 au matin, le compagnon Juan Carlos Gómez Silvano a été assassiné par plus de vingt tirs d’arme à feu de haut calibre. Il était le coordinateur de notre organisation pour la défense de la terre.
Le 16 septembre 2014, Juan Antonio Gómez Silvano, Mario Aguilar Silvano et Roberto Gómez Hernández ont été illégalement arrêtés et torturés. Ils sont toujours incarcérés dans la prison de Yajalón pour des délits fabriqués sans preuves par des policiers municipaux de Chilón, Chiapas, la partie accusatrice.
Communiqué suite à l’expulsion des compagnonnes et compagnons du terrain communal de San Sebastián Bachajón, adhérents à la Sixième déclaration zapatiste :
Le 9 janvier 2015, vers 6h30, plus de 900 agents de la police fédérale et étatique ont expulsé nos compagnons et compagnonnes qui défendaient les terres récupérées depuis le 21 décembre dernier.
Le mauvais gouvernement, en la personne du secrétaire de gouvernement Eduardo Ramirez Aguilar, se vante du fait qu’ils ont déjà récupéré la cassette de péage comme si c’était leur propriété ou leur territoire. Leur véritable intérêt est de nous expulser de nos terres, ils n’ont pas honte, ces corrompus traîtres à la patrie, mais malgré leur mauvaise politique notre lutte ne s’achève pas, parce que nous n’allons pas permettre qu’ils continuent de nous dépouiller de nos terres comme ils le souhaitent. Nous allons continuer nos actions en défense de notre terre mère.
(…)
Des salutations combatives.
Terrain communal de San Sebastian Bachajon
[Publié le 10 janvier 2015 sur le site Libérons-Les !]
Appel du Congrès National Indigène à la solidarité avec le terrain communal de San Sebastián Bachajón
À la Sexta Nationale et Internationale
Aux peuples du Mexique et du Monde
Le 21 décembre dernier, nos frères et sœurs, des femmes, des hommes et des enfants de la communauté indigène tseltal de San Sebastián Bachajón ont récupéré leurs terres. Ce sont des terres d’une grande richesse naturelle qui se trouvent à l’entrée des Cascades d’Agua Azul ; des terres dont le mauvais gouvernement a essayé de les expulser afin d’imposer ses projets de mort. Mais nos frères, qui connaissent bien le gouvernement, savent qu’il veut les faire disparaître en tant que peuples et communautés indigènes . Ils n’ont jamais permis ni ne permettront que le mauvais gouvernement construise ses hôtels et ses autoroutes, qu’il appelle prétentieusement le Cancún du Chiapas.
Par des menaces de groupes armés et par le biais d’ordres d’appréhension, il a essayé d’arrêter la défense digne et nécessaire que mènent nos frères [de Bachajón]. Comme si la douleur qu’il a déjà causée ne lui suffisait pas, aujourd’hui, 9 janvier 2015, vers 6h30, environ 800 policiers de l’État ont envahi le campement de nos frères. Ont suivi une expulsion violente et la disparition pendant quelques heures de huit membres de la communauté.
Nous rendons responsables de toute agression contre nos frères et sœurs les trois niveaux du gouvernement [municipal, fédéral et de l’État] parce que ce sont eux qui dirigent les attaques à l’encontre de nos frères et à l’encontre du peuple mexicain. Nous connaissons bien ces leaders paramilitaires qui ont un nom et un prénom, ce sont Enrique Peña Nieto, Manuel Velasco Coello et ses assistants tels que Leonardo Guirao.
Nous, le Congrès National Indigène, lançons un appel à tous les compagnons et toutes les compagnonnes qui cheminent et ont cheminé avec nous à rester attentifs face à la difficile situation que les frères du terrain communal de Bachajón sont en train de vivre aujourd’hui. Nous lançons un appel à nous solidariser selon nos temps et nos géographies avec nos frères de Bachajón et avec d’autres peuples et communautés qui forment le Congrès National Indigène. Nous avons pu constater ces jours-ci l’escalade des agressions de la part du mauvais gouvernement contre ceux qui participent au CNI [Congrès National Indigène]. Nous ne pouvons pas laisser dans l’oubli l’agression qu’ont subie les frères qui revenaient du premier Festival Mondial des Résistances et des Rébellions contre le Capitalisme.
Ils prétendent nous faire peur, nous incarcérer comme ils l’ont fait avec nos frères yaquis, nous faire disparaître comme ils l’ont fait avec nos frères d’Ayotzinapa, nous assassiner comme ils l’ont fait avec nos frères nahuas de Santa María Ostula, et nous réprimer comme aujourd’hui ils le font avec nos frères tseltales.
Nous leurs disons une fois pour toutes que nous n’allons pas cesser notre lutte pour la vie et contre le capitalisme.
“Plus jamais un Mexique sans nous.”
Congrès National Indigène
Mexique, 9 janvier 2015.
D’autres communiqués circulent en appelant à la solidarité nationale et internationale, surtout suite aux derniers événements qui ont eu lieu ce dimanche 11 janvier :
Dernier communiqué urgent du terrain communal de San Sebastián Bachajón
Par le biais d’une série d’actions planifiées pour récupérer les terres et la cassette de péage que le mauvais gouvernement nous a exproprié le 9 janvier dernier en utilisant la force publique, nous avons procédé ce dimanche 11 janvier 2015 au blocage du carrefour des cascades d’Agua Azul.
Face à cette action le gouvernement [de l’État du Chiapas] de Manuel Velasco Coello a donné l’ordre aux forces de police de nous réprimer et de dissoudre le blocage, en usant de balles de gomme et de balles réelles qui ont laissé deux compagnons blessés.
Nous émettons ce communiqué afin de vous faire connaître les faits, d’exiger le repli de la force publique et l’arrêt de la répression contre les peuples indigènes qui luttent contre le pillage des mauvais gouvernements, ainsi que d’appeler à votre solidarité avec nos frères.
Nous sommes conscients que les prochaines heures sont cruciales, la situation de tension s’accroît du fait que les forces de l’ordre continuent d’être présentes dans la zone en nous intimidant et en nous harcelant.
Terrain communal de San Sebastián Bachajón
Note du site Libérons-les ! : Selon certains médias libres, en réponse aux faits qui ont eu lieu à San Sebastián Bachajón, une caravane solidaire d’accompagnement composée d’adhérents nationaux et internationaux à la Sixième déclaration de la Forêt Lacandone partira en direction de San Sebastián Bachajón dans les prochaines heures.
Ce que nous vous proposons de manière rapide et solidaire est, comme la dernière fois, d’envoyer ce petit texte aux mauvaises autorités dont voici les mails :
secretario [at] segob [point] gob [point] mx
ofproc [at] pgr [point] gob [point] mx
secparticular [at] chiapas [point] gob [point] mx
secretario [at] secgobierno [point] chiapas [point] gob [point] mx
raciel [point] lopez [at] pgje [point] chiapas [point] gob [point] mx
Texte à envoyer en espagnol :
Desde (mettre le lieu d’envoi, par exemple, Francia)
Exigimos al Gobierno del Estado de Chiapas a Cargo de Manuel Velasco Coello ponga fin a las agresiones de las que están siendo objeto en este momento los hombres, mujeres y niños del ejido de San Sebastián Bachajón. Nos hemos enterado de la ultima agresión que sufrieron el día 11 de enero 2015 en donde la fuerza publica emprendió una balacera dejando a dos personas heridas, ante estos hechos exigimos se garantice la vida e integridad física y psicológica de las mujeres, hombres y niños del ejido de San Sebastián Bachajón, que la fuerza publica se retire de la zona a fin de evitar que haya mas heridos. Exigimos el respeto a la autonomía y libre determinación del pueblo indígena de San Sebastián Bachajón de acuerdo al artículo 2 de la Constitución Política de los Estados Unidos Mexicanos, el Convenio 169 de la Organización Internacional del Trabajo y los Acuerdos de San Andrés Sakam Chem de los Pobres.
(signature, organisation, collectif, individu)
Voici la traduction du texte proposé :
Nous exigeons du gouvernement du Chiapas et de son gouverneur, Manuel Velasco Coello, qu’ils mettent fin aux agressions qui visent en ce moment les hommes, femmes et enfants du terrain communal de San Sebastián Bachajón. Nous avons été informés de la dernière agression qu’ils ont subie le 11 janvier dernier, lors de laquelle les forces de l’ordre ont usé de balles réelles, laissant deux blessés. Face à ces faits, nous exigeons que soient garanties la vie et l’intégrité physique des femmes, des hommes et des enfants du terrain communal de San Sebastián Bachajón, nous exigeons aussi que les forces de l’ordre se retirent de la zone afin d’éviter qu’il y ait de nouveaux blessés. Nous exigeons le respect de l’autonomie et du droit à la libre détermination du peuple indigène de San Sebastián Bachajón, en accord avec l’article 2 de la constitution des États-Unis du Mexique, avec la Convention 169 de l’Organisation internationale du Travail relative aux peuples indigènes et avec les Accords de San Andrés Sakam Chem de los Pobres.
(Traduit par Les Trois Passants / correction Myriam et Valérie.)
Sources (médias libres) :
– Llamado del CNI a la solidaridad con San Sebastián Bachajón
– Video-comunicado urgente de los ejidatarios de Bachajón adherentes a la Sexta + photos
– Plus de 50 organisations et individus dénoncent les attaques contre les comp@s de Bachajón
[Publié le 13 janvier 2015 sur le site Libérons-les !]