Menacés d’une expulsion violente de la quasi-totalité des squats et campements par la police, quelques exilés sont venus s’installer sur le terrain où les autorités disent qu’elles vont les « tolérer », sur le site d’une ancienne décharge. Certaines personnes des associations les aident à emménager.
Les premières réactions des « riverains » sont violentes, d’abord des menaces, puis avant-hier le gendre d’une voisine qui amène une pelleteuse pour détruire les premières cabanes.
Face aux menaces, les bénévoles appellent la police pour s’interposer. Difficile dans le même temps de dénoncer les violences policières, qui pourtant s’aggravent. Et aux yeux des « riverains », ce sont les associations qui sont responsables de l’installation des exilés. Et les associations appellent la police, justifiant la présence policière.
Si le terrain a peu de voisins, il a par contre des usagers : chasseurs, motocrossistes, personnes qui l’utilisent comme décharge sauvage, ou qui récupèrent le cuivre et viennent là pour brûler les gaines en caoutchouc des câbles électriques. C’est à quelques centaines de mètres de là, sur la rocade d’accès au port, que le syndicat Unité SGP Police Force Ouvrière avait organisé le 13 octobre 2014 une manifestation anti-migrants, en convergence avec des chasseurs, agriculteurs, commerçants, tenanciers de bars et autres « riverains » en colère. Il était déjà question d’hostilité au centre de jour Jules Ferry, et il n’était alors pas question de l’installation d’un bidonville de plus de mille habitants à proximité.
Le piège se referme donc. D’un côté, les anti-migrants qui se sont organisés, d’abord Sauvons Calais, puis la convergence plus large initiée par Unité SGP Police Force Ouvrière, avec au mieux la complaisance des autorités; de l’autre des associations divisées; les autorités, ville et État, qui se retrouvent en position d’arbitres, tout en étant les principales auteures des violences à l’encontre des exilés. Les autorités ont acquis la maîtrise du jeu.
Les 28 mai et 2 juillet 2014, face aux expulsions de squats et de campements, les associations étaient unies. Le 12 juillet, à l’issue d’une des plus belles manifestations que Calais ait connu sur le sujet, elles ouvraient ensemble le squat Galou, en plein centre-ville. Ce souvenir permet de mesurer le chemin parcouru.
La violence contre les exilés a de beaux jours devant elle.
Et les expulsions peuvent commencer.
Ce genre de buissons couvre une grande partie du terrain près du camp Jules Ferry. Les bénévoles qui font des soins aux exilés qui s’installent sur les terrains où il est présent le connaissent bien. Quand la police fait des descentes au petit matin, les exilés s’y blessent en tentant de s’enfuir.
[Publié le 27 mars 2015 sur le site Passeurs d’hospitalités.]