A Marseille, comme ailleurs les structures liées à l’accueil et à l’orientation des migrants ne lésinent pas sur les contradictions… Voici un petit tract qui fait l’état des lieux de la situation, distribué lors d’un débat avec des représentants de certaines de ces associations…
Mardi 20 Septembre, Francis de l’ADDAP appelle Pedro du squat Cancoon pour lui demander s’il a de la place pour héberger Adil, un mineur étranger censé être pris en charge par l’ASE. Mercredi 21 septembre, Francis de l’ADDAP envoie Lotfi au squat de la rue Plainte, en lui disant que c’est le seul squat où il reste de la place. Jeudi, Saïf se rend à l’OFII pour demander où en est le traitement de sa demande d’hébergement en foyer, auquel il est censé avoir accès depuis plusieurs mois, en tant que demandeur d’asile. On lui répond qu’il n’a pas besoin d’hébergement vu qu’il est logé au squat de la rue Dartagnan. On lui montre une photo où il apparaît rentrant dans le squat et on lui dit : « tu n’a qu’à rentrer chez toi ! »
Bien que les noms des personnes et des lieux dans ces exemples aient été changés, il ne s’agit pas de cas isolés mais bien de faits réels et fréquents dans le quotidien des migrants demandeurs d’asile à Marseille et des collectifs solidaires, depuis plus d’un an.
Pendant ce temps là, les squats liés au collectif Manba et aux réseaux de solidarité avec les migrant-e-s sont systématiquement expulsés. Depuis avril, cinq tentatives de réouvertures du Manba se sont soldées par des expulsions et des procès. Les personnes qui hébergent ou s’investissent dans la solidarité active sont perquisitionnées, fichées, jugées. Les procès se multiplient. La répression resserre les mailles de son filet. Ces prochains jours c’est deux squats d’hébergement qui vont être expulsés, dont l’un hébergeant presque exclusivement des mineurs étrangers isolés.
L’ADAPP est une association missionnée par le conseil départemental qui a pour obligation de faire respecter les directives nationales de l’ASE (Aide Sociale à l’Enfance) qui implique une prise en charge inconditionnelle et immédiate de tous le mineurs étrangers isolées à la rue (hébergement, accès aux soins, au droit, scolarisation…). Pourtant, de nombreux mineurs censément pris en charge par l’ADDAP ont contacté le collectif Manba au cours de l’année, afin de trouver un hébergement. À l’ADDAP on fait attendre les mineurs dans des conditions de précarité extrême jusqu’à leur majorité, plutôt que de les prendre en charge durant les quelques mois où ils sont encore mineurs. Quand ils ne sont pas en possession de documents officiels pouvant prouver leur âge, on les suspecte de mentir et on les oblige à se soumettre à des test osseux plus que contestés. On leur prend leurs passeports qui sont donnés directement à la police lorsqu’ils sont devenu majeurs, plutôt que de les orienter vers des associations d’aide aux migrant-e-s. Et même quand toutes les conditions sont requises pour qu’un mineur soit pris en charge, l’ADDAP se réfugie derrière l’excuse qu’il n’y a pas de place en foyer, et l’envoie vers les squats, plutôt que de visibiliser la situation et réquisitionner les places de foyers vides qui existent pourtant par centaine en PACA ou des logements vides… Ainsi, plutôt que de dénoncer publiquement la politique nationale et concertée de l’ASE et de la MDS (Maison Départementale de la Solidarité) qui se traduit par un manque de moyens délibéré, servant à décourager les mineurs demandeurs d’asile, l’ADDAP préfère continuer une gestion injuste, impossible et arbitraire de l’accueil des mineurs isolés.
Côté OFII c’est le même combat : les places en foyers existent mais la politique de découragement prend le dessus sur les possibilités réelles. L’OFII (Office Français de l’Intégration et de l’Immigration) est un établissement public administratif de l’état, qui met en oeuvre la politique définie par le Ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire… Une politique qui n’a de solidaire que le nom, mais qui doit tout de même prendre en charge l’accueil des demandeurs d’asile et leur assurer un hébergement le temps du traitement de leur demande. Lorsque les agents de l’OFII refusent des places en foyer à des migrants étant hébergés en squats, ce qui se joue c’est une punition. Le fait d’avoir pris contact avec des réseaux de solidarité autoorganisés plutôt que de se laisser gérer – c’est à dire délaisser et décourager – par les institutions officielles d’accueil, devient un obstacle à la prise en charge par l’état. L’OFII punit les migrants d’avoir refusé de dormir à la rue, de s’être auto-organisé pour ne pas crever de faim, d’avoir construit des liens de solidarité ici, sans être passé par leur système d’« intégration, d’identité nationale et de développement solidaire » !
Au milieu on a les réseaux de solidarité et les squats solidaires qui deviennent à la fois la carotte et le bâton. En même temps que certaines institutions (l’ADDAP) les utilisent pour se débarrasser d’un problème d’accueil qu’ils ne peuvent et ne veulent gérer, d’autres (l’OFII) refusent des places en foyer aux demandeurs d’asile hébergés en squats. Le but est toujours de décourager les demandeurs d’asile dans leurs démarches et leur installation, en précarisant davantage leur situation ou en visant leur résistance et leur auto-organisation face aux politiques de gestion et de tri des migrants.
Et lorsque la Préfecture réprime les squats en question et les réseaux de solidarité qui vont autour, la tentative est encore une fois de décourager toute expérience d’auto-organisation face aux soi-disant politiques d’ « accueil », avec des expulsions spectaculaires, des procès à répétition et les condamnations qui s’en suivent.
Nous ne nous laisserons pas utiliser d’un côté et expulser de l’autre !
Nous ne nous laisserons pas décourager !
Bas les pattes de nos squats ! Bas les pattes de nos vies ! Pas un pas en arrière !
[Publié le 1er octobre 2016 sur MIA.]