La Petite Maison fête ses deux ans, avant sa démolition proche. Les « homo economicus » alias la SIEMP soutenue silencieusement par la mairie du 11e, vont construire pour notre bien à tous : UN IMMEUBLE ! Qué projet…
Tout doit disparaître. Comme si l’humanité avait 50 ans.
On rase l’histoire, elle n’est pas rentable.
L’économie comme enfant diabolique du « travail, famille, patrie ». « Ça » dirige notre quotidien, notre paysage urbain.
Regardez l’histoire a disparu, plus rien n’a de passé, les rues se meurent.
Le 11e arrondissement, un quartier populaire d’artisans. Lieu nouvellement témoin d’une guerre rendue moins lointaine à ses habitants. La commune, Aligre, Bastille, Charonne… Il est révolté et vivant dans les livres ce quartier. Mais ca bouge. Bientot on ne pourra qu’y manger et boire dans cet arrondissement. Moins d’interactions, moins de culture, moins d’accessibilité, plus de bouffe, plus de consommation : massacre cérébral de masse, « oublie tes envies et remplis-toi ! »
Pour sûr y a des survivants : l’association de quartier Saint-Bernard, le jardin potager rue Trousseau, la commune d’Aligre, le palais de la Femme, les petits théâtres… Ca fourmille encore, mais pour combien de temps ?
Et comment se saisir de ce problème qui n’a pas de forme physique. C’est un mouvement social de masse où l’argent est le seul critère. C’est « ça » qui nous permet de répondre à notre besoin de sociabilité dont la diversité de choix est fortement restreinte.
Qu’est ce qu’on fait ce soir : nouilles ? burger ? bo-bun ? fish & chips ? crêpes ? vin blanc ? bière ?
A croire qu’on se laisse réduire à manger et boire, pipi et caca.
Nous avons laissé notre horizon se rétrécir. Depuis le temps que l’homme vit en groupe dans la cité, les interactions entre nous se sont drastiquement evaporées. Sauf sur les terrasses ou dans les restaus. Et quand bien même…
Notre seul point commun doit-il vraiment être l’argent qui nous permet de boire le même vin sur la même terrasse d’un nouveau bar concept ?
Nous, on essaie d’être vivants dans ce contexte où l’on nous fait croire que l’économie détermine ce que tu peux être. Ce « nous » représente autant d’idées que de personnes, alors donnons-lui une forme, celle d’un lieu :
La Petite Maison, 8 rue Godefroy Cavaignac.
Lieu alternatif, squat, appelez-ça comme bon vous semble. Nous on l’appelle la maison.
Au nom de la débrouille et de l’autonomie, on est rentrés en septembre 2014, pour y vivre. Et rapidement, on se dit que l’espace mérite d’être partagé et ouvert. Parce que ça nous manque à nous dans la ville, alors on va le faire.
C’est surement ça qu’on nous reproche : notre besoin d’échanger et de partager, de découvrir ce que font les autres, de s’exprimer, de s’émerveiller, de critiquer, de construire, de créer, d’aider, de se donner ce dont on a besoin, répondre à ce qu’on ne peut s’offrir. Soit parce que ça n’existe nulle part, soit parce que l’argent le rend inaccessible.
Alors certains vont nous balayer de la main d’un qualificatif négligemment hautain du genre « pff squat arti », pendant que les autres nous toisent derrière leur cigarette cousue en étalant combien sales et parias nous sommes : mauvais citoyens.
Pourtant en 2 ans on en a regroupé et accueilli du monde. Sûrement assez pour se faire détester par tout le monde d’ailleurs. Mais tant qu’on reste intègre avec nous meme, nous on se porte bien.
En deux ans, on a dépassé :
– les 1000 nuitées d’hébergement d’urgence à plus ou moins long terme ;
– la centaine de collectifs à venir occuper le lieu ;
– la centaine de scènes ouvertes qui se multiplie par deux si on y ajoute les jams ;
– de l’espace pour des répèts en accès libre idem pour l’espace de travail !
Que d’occasions de ne pas être d’accord, de se prendre la gueule… Mais nous on s’en souviendra. La SIEMP -Société Immobilière Mixte de la ville de Paris – réserve le même sort à la Petite Maison qu’à la rue Dénoyers : Une belle et bonne démolition, pour une bien plus rentable construction. Enfin… ça c’est ce qu’ils disent, comme ils l’ont dit à feu la Miroiterie.
Un autre lieu qui a vécu, un autre lieu qui passe son dernier hiver, un autre lieu qui meurt et surtout d’autres projets economiques qui détruisent les possibilités dans la capitale. Nous remarquerons que ce sont toujours les mêmes acteurs minoritaires qui choisissent le paysage urbain de la majorité… fatigant non ?
Gardons une blague pour la fin : la SIEMP exige que l’on s’expulse fin décembre, sans relogement. Ils appellent ça du chantage… Aaaah la vie des bureaux !
La Petite Maison souffle sa deuxième bougie pirate le 30 octobre 2016, “LICORNE IS NOT DEAD”, et on va s’en assurer. Parce qu’on ne dormira pas dehors…
Pour l’abolition de la suprématie des homo economicus, on continuera à faire ce qu’on dit :
“Squatter c’est exercer son droit de désobéissance face aux dysfonctionnements du système”
Squattement votre,
R.A.S.
[Publié le 15 octobre 2016 sur Paris-Luttes.info.]