Rangoun (Birmanie/Myanmar): le pouvoir « démocratique » pas forcément mieux que la junte militaire sur la question du logement…

Lundi 12 juin 2017, à Hlegu, dans la banlieue nord de Rangoun, la plus grande ville de Birmanie, les forces de l’ordre ont commencé à démanteler un gigantesque bidonville (qui est constitué d’environ 4 000 habitations), dans le but de laisser place aux investisseurs capitalistes et à des constructions d’immeubles auxquels les squatteur-euse-s n’auront jamais accès…

Plusieurs centaines d’employés de chantier envoyés par les autorités locales étaient munis de bâtons en bambou, et bien sûr ils étaient escortés par des flics armés (environ 200).

Il s’agirait là de la première grande opération d’expulsion par la force sous la gouvernance d’Aung San Suu Kyi, arrivée au pouvoir au printemps 2016.

Tôt dans la matinée, les employés de chantier se sont mis à défoncé les habitations, sous les huées des squatteur-euse-s. La colère des habitant-e-s était dirigée vers l’administration d’Aung San Suu Kyi, accusée de perpétuer une pratique d’expulsion de terrains qui existait déjà sous la loi martiale en Birmanie.

Au moins cinq personnes ont été arrêtées par la police, placées en détention et inculpées de violences sur agents de police.

Selon une dépêche de l’AFP, un habitant révolté a déclaré: “le gouvernement ne sert à rien, on aurait mieux fait de ne pas voter (…). Le gouvernement est toujours effrayé par l’armée. Comment pourrions-nous faire confiance au gouvernement?”

Dans une autre dépêche, de Reuters cette fois, Thein Htay, un squatteur de 49 ans père d’un enfant de 9 ans, a dit tout son dégoût après avoir été expulsé: “je n’ai pas les moyens de vivre à Rangoun. Je souhaitais être propriétaire pour la première fois de ma vie, mais maintenant tout a été détruit (…). Maintenant je n’ai plus nulle part où aller et je n’ai pas assez d’argent pour loger ailleurs”. Deux mois auparavant, il avait acheté auprès d’un courtier une petite parcelle de terrain dans ce bidonville, mais la transaction n’était pas légale.

Quant au directeur du département logement du gouvernement de Rangoun, Yu Khine, il a justifié l’opération de destruction du bidonville ainsi: “nous ne donnerons aucune compensation financière à aucun des expulsés, car ce sont des squatters, et ce territoire appartient au gouvernement.”

Dans le passé, la LND (Ligue nationale pour la démocratie, le parti d’Aung San Suu Kyi) soutenait les personnes expulsées par la force, mais depuis qu’elle est au pouvoir, malgré de belles promesses sur la question des terres, pour les squatters et autres personnes en galère de logement la situation n’a pas vraiment changé…

[Sources: Borneo Bulletin | Radio Free Asia | The Wire.]