200 Baras expulsés manu militari à Bagnolet
Ce matin les CRS ont expulsé les 200 travailleurs sans papiers du Collectif des Baras qui squattaient depuis 4 ans depuis près de 3 ans [le 72 rue René Alazard était occupé par le collectif Baras depuis début août 2014] un bâtiment inoccupé de Bagnolet en attendant que les tractations aboutissent entre le nouveau propriétaire (Natixis lui avait vendu entre temps), la Mairie, les associations comme RESF et la Ligue des Droits de l’Homme et ceux que l’armée française a chassés de Libye suite à la guerre contre Khadafi. La plupart de ces Africains sont maliens, mais sept autres pays d’Afrique centrale sont représentés.
Ils en ont lourd sur le cœur. Ils croyaient ce qu’on leur avait appris, que la France était la patrie des Droits de l’Homme, mais ils savent maintenant que la colonisation continue sous un autre visage. Sans papiers français, puisqu’ils ont ceux de leurs pays respectifs et même des papiers européens reconnus en Italie mais pas chez nous, ils sont exploités par des entrepreneurs peu scrupuleux qui les payent au noir largement en dessous du SMIC. Eux ne rêvent que d’une chose, qu’on leur donne ces papiers qui leur permettraient de travailler légalement, de louer un logement, de vivre comme nous en avons le loisir. On va les regretter dans le quartier. On n’a rarement eu de voisins aussi tranquilles et charmants !
Je n’avais encore jamais vu un policier arborant une écharpe tricolore. On me dit que c’est la loi et qu’il représente le Commissariat des Lilas. Cette fois le Maire socialiste de cette ville, Daniel Guiraud, ne pourra pas prétendre que sa police n’a pas participé à l’expulsion musclée de ce matin. Ils y étaient dès 6h30. Tony di Martino, Maire socialiste de Bagnolet, avait promis de nous prévenir dès qu’il serait averti de l’intervention. Il n’en a rien fait non plus. Pourtant il le savait en amont, c’est la loi, même si c’était au plus tard à 5h. Comme nous n’étions que deux au petit jour avec une jeune fille à jouer les témoins pour éviter des débordements des Robocops, je lui faisais remarquer que certains gradés avaient une tête de facho, ils me menacent de garde-à-vue. Je ne les avais pas insultés directement, c’était une messe-basse. Ils répétaient comme des machines : “Vous ne connaissez pas mes origines”. C’est vrai, mais je sais ce qu’ils sont devenus. C’est triste de voir ces prolos endosser l’uniforme pour cogner sur les plus démunis.
Un des Baras à qui ils refusaient de récupérer leurs affaires et les documents officiels dont ils ont cruellement besoin s’est énervé. Ils vont lui coller un rapport monstrueusement exagéré. Je les ai entendus en parler en se frottant les mains. Les Baras qui étaient à l’intérieur du bâtiment ont pris ce qu’on peut tirer avec deux mains, mais une dizaine des travailleurs de nuit qui rentraient n’ont rien eu le droit de récupérer. Les policiers leur avaient pourtant promis. Ils ont argué qu’il y avait eu violence et qu’il faudrait revenir dans les jours suivants avec huissier. En attendant, les parpaings montent devant les vitres de l’ancienne antenne Pôle Emploi désaffectée où ils logeaient tant bien que mal depuis [près de 3 ans]. Comme s’il n’y avait pas assez de SDF dans la rue, la police de Macron en a rajouté 200.
[Publié le 29 juin 2017 sur le blog de Jean-Jacques Birgé.]