Un grand incendie rue Marietton a ravagé notre maison occupée vendredi 27 octobre au matin, après le départ des copains. Le voisin coincé au dernier étage sera secouru par les pompiers. Le cœur en miette, ici quelques précisions et réactions à chaud suite aux articles de la presse.
Notre maison a brûlé, juste après notre départ, notre voisin coincé au troisième étage. Les pompiers qui l’ont secouru ne déclarent aucune cause du départ de l’incendie. « Mais l’immeuble était squatté », pouvait-on lire en flash-info. Autre que le dégoût que ce genre de raccourcis nous procure, je voulais ici informer les intéressés que nous allons bien – il n’y a pas eu plus de blessés.
Oui, l’immeuble était squatté
Selon la presse, un incendie vers 5h30 s’est déclenché dans un appartement du bas.
Globalement on a vu pire, en terme de désinformation dans les journaux, mais les titres donnent envie de répondre.
Vide
Vide depuis plusieurs années, au rez de chaussé d’une partie du bâtiment il y avait cependant un commerce, et au troisième étage un locataire qui n’a pas été viré comme les autres.
Faut dire que le garage Speedy, la Pizzeria et l’immeuble sont sur une parcelle vouée à être détruite, bientôt.
Ça faisait depuis le mois de mai, immeuble vide en bon état, pour les amis et les mômes. La régie a vite fait d’appeler huissiers et procédure. Procès très rapidement, assigné le 18 mai, résultat : deux mois de délais après le passage de l’huissier. Le 4 août on sait donc que le lieu est expulsable à partir du 4 octobre.
Oui, l’immeuble était « squatté ». Il était squatté, cela n’est pas la raison pour laquelle il a brûlé. Avant l’incendie, l’immeuble a vécu, anecdotes et aventures. Une cinquantaine de personnes y ont mangé, dormi, dansé.
Occupé
Tous les appartements ont pu servir à des personnes, majoritairement en demande d’asile.
Alors même qu’elles sont en cours de procédure, elles n’avaient pas d’autres endroits où dormir.
Trois nourrissons y sont nés, c’était un joyeux bordel.
Une douche et des toilettes par appartement, c’était le luxe.
Avec les voisins, échanges, rire et bouffe, on s’arrange, on avance ensemble, on partage la cour.
Bien loin des insultes qu’on se prend d’habitude.
On a dû attendre le 19 septembre et une petite soirée pour voir débarquer à 22h les flics avec flash-balls tendus qui voulaient absolument franchir la ligne de gosses et de copains qui étaient à la porte. Et les commentaires qui vont avec : « pourquoi vous faites des gosses alors, si c’est pour les faire grandir là-dedans, huh ? » A comprendre qu’on bougerait pas et qu’ils étaient en tort, ils ont passé une heure à chercher une faille dans le dossier du rendu du tribunal pour nous démontrer qu’ils auraient le droit de nous expulser sur le champ, mais que c’est par bonne volonté qu’ils ne le feraient pas.
Mise en péril
Encore ce terme, utilisé en ultime recours.
Au procès, la dangerosité de l’immeuble (évaluée par un cabinet privé à la demande de La Régie) n’a pas été retenue. A dix jours de la trêve hivernale, voilà que des experts de la Métropole pointent leurs nez.
Toujours aucun dossier préparé pour la préfecture en vue d’une expulsion, le lundi 23 octobre la délégation débarque avec les proprios et La Régie pour signifier leur volonté de visiter les lieux sur le champ, afin de décider de la dangerosité de l’immeuble.
Et si on ne veut pas ? « La police est là pour s’assurer qu’on puisse faire notre travail ». On leur répond que les appartements sont séparés et nombreux, qu’on ne pourra pas leur promettre d’entrer partout.
Un immeuble qui « risque de s’effondrer » selon eux, alors même que le locataire et la pizzeria sont présents depuis si longtemps.
Alors même qu’en tant que locataires nous nous battions pour la reconnaissance de l’insalubrité de nos appartements, afin de mettre les propriétaires face à leurs responsabilités et devoirs, en tant que squatteurs on fait face à l’utilisation à tout va du terme « mise en péril » dès que c’est dans l’intérêt de certains de récupérer leur bien.
L’hiver est là
On est partis avant, car pas envie de voir les flics. Des snipers ont été aperçus lors de l’expulsion du camp au Transbo la dernière fois. La saison semble débuter rude.
Le feu, c’est parfois une idée qui te vient en tête quand tu squattes : entre les cocktails molotov balancés dans les maisons par des « voisins vigilants » ou suite à une embrouille, les coupures EDF suite auxquelles l’éclairage à la bougie devient banal, ou les flics qui rasent et brûlent (pour nettoyer bien sûr) les campements des rroms.
Il n’y a pas eu une seule étincelle en 6 mois d’occupation, quand bien même le système électrique aurait pu être surchargé à certaines heures. On a du mal à croire qu’à peine deux jours après le départ, l’immeuble se voit ravagé. Mais tout peut arriver. Le précarité des habitations est une réalité.
Un squat n’est pas forcément un endroit dangereux, un lieu loué n’est pas voué à la sécurité.
Alors aux vautours de l’immobilier, j’avais envie de dire, au détour, comme ça, que peu importe la cause de l’incendie, c’est toujours la faute à ce monde fait pour les riches si un squat brûle.
Merci aux copains pour les appels, on va bien, pour résumer.
On se le répète, winter is coming.
Qu’importe comment.
Une occupante de l’immeuble
[ sur Rebellyon.]