Bobigny-Montreuil (93): compte-rendu du procès pour « tentative de vol »

Jeudi 7 décembre 2017, 3 personnes sont passées en procès pour «tentative de vol par effraction en réunion», «provocation à s’armer contre l’État» et «refus de signalétique». Elles avaient été arrêtées à Montreuil dans la nuit du mardi 14 au mercredi 15 novembre.

Une centaine de personnes se sont retrouvées au tribunal de Bobigny ce jeudi 7 décembre, en solidarité avec les trois personnes en procès pour tentative de vol, et ne pas laisser la justice faire son sale travail dans l’indifférence.

Après deux «coupures de délais», c’est-à-dire la présentation des gardés-à-vue devant le juge pour prolonger les 20 heures autorisées au dépôt, où le juge demande aux accusés s’ils désirent être jugés le jour même ou demander un report pour préparer leur défense, deux comparutions ont lieu.

Juges et procureure humilient les accusés, renvoyant l’élocution difficile ou le fait de ne pas se dévoiler entièrement devant ces charognes à des problèmes psychologiques, demandant donc pour l’un une expertise psychologique, et essayant de mettre l’autre en porte à faux vis-à-vis de déclarations qu’il a pu faire sur sa vie intime. L’enquête sociale rapide permet à la justice d’enquêter à charge, confrontant les déclarations des proches à celles des accusés, préconisant des soins et des peines. Et la justice se la joue psychologue, pour mieux rabaisser et décider du sort des personnes prises dans ses filets.

Vient le tour des copines, le président veut aller vite, ne pas provoquer de conflit ou d’esclandre dans la salle. Plusieurs nullités sont soulevées, notamment le délai de présentation devant le médecin, qui n’est pas vérifiable pour l’une d’entre elle, le PV n’étant pas horodatés. Elles sont jointes au fond.

Ça commence donc par la provocation à s’armer contre l’État.
Une flic du commissariat de Bagnolet aurait soi-disant reconnu une des personnes comme ayant déjà utilisé le pseudonyme expéditeur d’une lettre envoyée à une prisonnière de la maison d’arrêt des femmes de Rennes, en septembre 2016. Contenant des stickers et des photos de manifestations datant du mouvement contre la loi Travail. Le juge les trouve pittoresques, s’amuse de Godzilla ravageant la métropole.

La copine nie qu’elle utilise ce pseudonyme, le tribunal n’a pas d’autres questions.

Vient la question du refus de signalétique, la même personne est interrogée. « On ne me l’a pas demandé ». Le juge cherche, et trouve un refus de prélèvement ADN. La proc’ propose de requalifier le refus d’empreintes en refus de prélèvement ADN, l’avocate des copines refuse, ou demande un délai pour préparer sa plaidoirie si tel était le cas.

Enfin, on arrive au «gros» du dossier, la tentative de vol. Et ça en serait comique si le même juge n’avait pas envoyé les copines au trou un mois plus tôt. Commence donc la lecture du PV d’audition du voisin vigilant qui fait sourire le juge.

«À deux heures du matin, ma femme voit un reflet dans la rue. Je descends sortir les poubelles et je vois deux personnes contre le mur du pavillon d’à côté. Je remonte et ma femme est au téléphone avec la police, les personnes ne sont plus deux mais trois. Je les hèle puis les suis en voiture. Jusqu’à ce que les policiers les interpellent.
– Les avez-vous vues entrer dans le jardin ou tenter de rentrer dans la maison ?
– Non.
– Que les avez-vous-vu faire ?
– Je ne les ai rien vu faire. Elles sont devant la maison, elles ont l’air de fumer, j’ai trouvé ça bizarre.
…»

Une des copines est interrogée :

«Vous aviez une frontale ?
– Quand je me balade la nuit ou en vélo
– Comment se fait-ce que le voisin ne voit que deux personnes ?
– Je pissais.
– Il fait froid dehors un 14 novembre à deux heures du matin.
– Oui, c’est pour ça que des gens cherchent des maisons.
– Avez-vous entendu le voisin vous suivre ?
– Oui, mais je ne réponds pas aux gens qui m’appellent « petite pute ».»

Une autre :

«Vous aviez un pied de biche dans votre sac ?
– Oui, c’est interdit ?
– Vous vouliez entrer dans une maison ?
– Non, pas à ce moment-là.
– Alors dites-moi, comment on choisit une maison à squatter ?»

Silence des accusées… La salle rigole…

«Sans vouloir vous faire la morale, vous ne seriez pas ici si vous aviez répondu à ces questions durant votre garde à vue» dit le patriarche, conscient que le dossier est vide, et content d’avoir pu enfermer les copines une semaine malgré ça.

La procureure, devant le vide abyssal du dossier, demande la relaxe pour tous les chefs d’inculpation, sauf pour les refus d’empreintes qu’elle voudrait voir requalifiées en refus d’ADN, demandant 1 000€ d’amende à chacune.

La plaidoirie de l’avocate revient sur le vide du dossier. D’abord sur la reconnaissance étrange par les flics d’une des personnes comme utilisant un pseudonyme, qui pourrait être celui de n’importe qui. Sur les points de droit, une «tentative», pour qu’elle soit caractérisée, doit avoir été empêchée par un acte ne dépendant pas de la volonté des accusées. Sinon c’est un désistement volontaire. Elle relève qu’aucune dégradation n’a été constatée par le propriétaire plaignant, qui ne s’est pas porté partie civile et n’est pas présent ni représenté lors de l’audience.

La relaxe totale est prononcée, avec l’annulation de la garde-à-vue pour la copine ayant tardé à être présentée devant le médecin.

Dans et hors de la salle, les nombreux flics, en carapace et en civil font la gueule, et si certain-es des solidaires crient au juge ce qu’ielles pensent de son sale boulot, nous partons dans un calme relatif, soulagé-es pour les copines et enragé-es contre les flics, les procs et les juges comme contre tous ceux qui participent à la machine à enfermer.

On n’oublie pas que le mois dernier, un camarade a pris un an ferme pour tentative de vol alors qu’il visitait une maison vide.

Solidarité !
Liberté pour tou-te-s !

[Publié le 10 décembre 2017 sur Paris-Luttes.info.]