Un samedi de janvier pluvieux à Nantes. Les flâneur.e.s habituel.le.s de la fin de semaine semblent avoir déserté les rues. A leur place des casques, des armures et des armes, accompagnent les cris des sirènes et le bleu des gyrophares. Deux appels à manifester, qui ont largement circulé dans les réseaux, proposent la folle entreprise d’entamer une manifestation sur la place Royale.
Outrecuidance extrême alors que cette place de la ville est généralement interdite d’accès. Le premier appel émane d’une soixantaine d’associations réunies pour négocier avec les pouvoirs publics des places d’hébergement d’urgence tandis que le second vient de l’université actuellement occupée depuis deux mois pour mettre à l’abri des mineur-e-s en exil à la rue et lutter contre la violence des frontières. Apparemment une manifestation unitaire réunissant des syndicats, des associations, des collectifs de personnes concernées et des groupes libertaires. Apparemment !
A 14h30 plusieurs dizaines de personnes convergent vers la Place Royale, ceinte de policier.e.s armé.e.s mais libre d’accès. Une première victoire ? Pas nécessairement. La manifestation a été déposée et le parcours rendu public. Les organisations du premier appel ne souhaitent rien laisser au hasard : elles ont obtenu la Place Royale contre la promesse de contenir des débordements. Habituées à s’allier avec les pouvoirs publics pour ne surtout rien laisser à celleux qu’ils et elles appellent « les énervé.e.s », certaines associations ont directement négocié avec les agent.e.s des Renseignements Généraux. L’objectif est de ne pas laisser l’extrême gauche manifester trop bruyamment !
La belle unité s’effrite et pourtant la manifestation s’élance avec dans son cortège un peu moins de 500 personnes. Autant dire que la force de mobilisation des soixante organisations est proche du néant et malgré les beaux drapeaux qui claquent au vent, le cortège est majoritairement peuplé d’étudiant.e.s, d’occupant.e.s de la fac et d’exilé.e.s. Encagé par deux cordons de CRS, rythmé par les jeunes exilé.e.s ce dernier lance des chants contre la police ! Rien n’a changé depuis 2016 : tout le monde déteste la police. Au milieu des étendards syndicaux et associatifs, les mines grises des « bénévoles » montrent explicitement leur agacement. Le cortège de tête réclame « les Beaux-Arts sinon on fout le bazar » ! Tandis qu’ielles manifestent pour réclamer des négociations avec celles et ceux qui érigent et gèrent les frontières! Des promesses ont été faites aux occupant.e.s de la fac et nous savons par expérience que des vautours loi 1901 rodent pour se partager ces auboles. Les mêmes qui ont précipité le collectif MIE jugé incontrôlable (notamment avec l’union entre les Mineur.e.s Rejeté.e.s Solidaires et des libertaires) vont aujourd’hui récupérer le rapport de force installé à l’automne sans elleux pour ouvrir un espace de co-gestion de la misère, labellisé par la préfecture !
Devant l’Hôtel de Ville, une membre du collectif adulte (Migrants 44) prend la parole et appelle au calme ! Les attaques à coups de slogans ont trop duré ! Il ne faut surtout pas que les manifestant.e.s luttent trop intensément. C’est probablement la cour associative d’Aïcha Bassal, élue socialiste municipale en charge notamment de la politique de solidarité présente dans le cortège qui a dû être agacée par tant d’insoumission. Après cette sommation, le cortège repart pour s’arrêter quelques centaines de mètres plus tard devant le conseil départemental et la préfecture avec des nouvelles prises de parole. Seul le collectif d’occupation de la fac donne la parole aux concerné.e.s. Les orgas, elles, récitent mollement quelques textes appelant à une table ronde ! Qui souhaiterait aujourd’hui s’attabler avec la préfecture et celles et ceux qui précarisent nos existences ? La réponse est claire : le DAL, la LDH et… Emmaüs. Alors que cette association est un supplétif zélé des politiques migratoires à Paris, à Nantes on lui donne la parole. Nous comprenons mieux quelle forme d’hébergement souhaite ce collectif d’associations.
La manifestation est dispersée par une prise de parole du DAL, sous le regard des bacqueux ! Un cortège se reforme et remonte vers l’université ! C’est à ce moment que les CRS ont décidé de charger le cortège. Les coups pleuvent, les gaz pleurent et au moins une personne serait ce soir en garde à vue!
Alors qu’au château on se prépare à fêter les deux mois d’occupation, un goût amer reste au travers de la gorge. Les luttes contre les frontières grondent férocement depuis le début de l’automne et les humanitaires semblent vouloir récupérer les butins. Mais gardons espoir, tout n’est pas perdu ! Résistance contre l’Etat xénophobe et ses supplétifs associatifs !
En guise de friandise, une vidéo de Ouistreham qui donne un peu de baume au cœur.
Ni humanitaire, ni sécuritaire !
JL
[Source: Blog « Double absence » sur Mediapart.]
A chaud.
Mille personnes cet après-midi dans les rues de Nantes pour exiger un toit et des droits pour toutes et tous. Alors qu’ils rentraient vers l’université, des exilés et étudiants chargés, gazés et matraqués par la police. Une personne rouée de coups de pieds et interpellée, sans aucune raison. Les CRS arrivés sur Nantes dernièrement veulent faire mal.
Juste après, un conducteur de la TAN refusait de démarrer tant que des jeunes mineurs isolés étaient dans sa rame. Le racisme d’État se vit à visage découvert.
Nantes Révoltée
[Publié le dimanche 21 janvier 2018 sur Indymedia-Nantes.]