Cayenne (Guyane): opération de démolition de squats + opération de comm’ sécuritaire

À vomir. Une fois de plus, les pouvoirs « publics » se font de la pub de façon hallucinante sur une opération d’expulsion-démolition.

Le discours politico-médiatique se résume simplement:
1- Des gens, étranger-e-s et plus pauvres que les plus pauvres du pays, ont réussi par leurs propres moyens à se loger, dans des conditions difficiles mais bien meilleures que s’illes devaient dormir dehors.
2- Dans ce quartier populaire, il n’y a pas que des squats-forcément-insalubres, il y a aussi de l’in-sé-cu-ri-té.
3- L’insécurité, c’est forcément les pauvres, surtout quand illes sont étranger-e-s.
4- Yaka les expulser et détruire leurs logements, comme ça ces étranger-e-s pauvres et menaçant la sécurité du quartier seront forcé-e-s d’aller ailleurs.
5- Aussi, yaka prétendre qu’on les met au chaud dans des chambres d’hôtel pour les « humanistes » qui nous écoutent ne soient pas trop choqué-e-s.
Et hop, le tour est joué !

Dans l’article « Opération destruction d’habitat illégal à Eau Lisette » paru sur le site de la télé Guyane 1ère, on apprend que suite à l’expulsion d’un squat situé 31 rue des Ramiers, dans le quartier de la Cité Eau Lisette à Cayenne, quatre familles se retrouvent sans logement. On essaye de nous rassurer en disant qu’elles ont été « prises en charge par les services sociaux », mais pour combien de temps ? Cela n’est pas précisé, et on le sait, cela n’est jamais qu’une technique fourbe pour faire passer la pilule de l’expulsion, car ces personnes expulsées se retrouveront rapidement sans aucune solution de logement, ces chambres d’hôtel n’étant mises à disposition que pour quelques jours, « provisoirement », comme ils disent…

« C’est un signal fort que nous envoyons, parce qu’on sait ce que ça veut dire le squat, c’est des gens qui vivent dans l’insalubrité, c’est aussi un problème lié à l’insécurité qui souvent gravite autour, et nous voulons vraiment, la ville de Cayenne et le maire, envoyer un signal fort à la population. »
Philippe Kong, 1er adjoint à la Ville de Cayenne

Ce terrain privé était occupé depuis des années par plusieurs personnes, la plupart originaires du Guyana. Quatre familles habitaient dans ce baraquement illégal.

« Je suis allée à l’école à 6 ans, j’ai 35 ans et j’ai 4 enfants nés à Cayenne. J’ai eu deux fois des papiers pour une période de 6 mois et là je suis arrivée en fin de droit. Les services sociaux m’ont dit de me battre car j’ai des enfants et je n’ai aucun endroit où rester et je n’ai pas d‘argent pour aller à l’hôtel. Ils m’ont dit qu’il ferait le maximum pour me trouver un toit… »
Une des squatteuses expulsées

Et les squatteur-euse-s expulsé-e-s ont tout intérêt à s’organiser par eux-mêmes pour trouver des solutions à leurs problèmes de logement, car on a compris que la mairie les considère comme des indésirables.

La conseillère « affaires juridiques » au cabinet du maire a beau essayer de mettre les formes pour que tout cela apparaisse comme bénéfique pour tout le monde, il est difficile d’oublier la pelleteuse en train de tout défoncer derrière elle (sur la vidéo de Guyane 1ère), et surtout, impossible de ne pas

« Nous avons trouvé, justement, heu… des hébergements d’urgence, donc nos services sont en train d’emmener les personnes [expulsées] avec leurs affaires, on fait des va-et-vient dans les dans les dans les heu… dans les dispositifs qui ont été trouvé pour elles. Donc elles sont toutes hébergées, aujourd’hui personne ne dort dans la rue. »
Natacha Karam, conseillère « affaires juridiques » au cabinet du maire de Cayenne

Et demain ?

La municipalité de Cayenne a annoncé une nouvelle série de démolitions dans ce même quartier, notamment au 44 de la même rue des Ramiers. Quand ils auront expulsé et détruit tous les squats du quartier, aucun doute, tout le monde sera en « sécurité »…