Mardi 17 juillet, 4 personnes sont convoquées pour une garde-à-vue à la gendarmerie de Briançon. Le motif : avoir « aidé à l’entrée d’étrangers en situation irrégulière sur le territoire français, en bande organisée », à l’occasion de la marche de solidarité du 22 avril 2018. Rappelons que cette manifestation pacifique s’est déroulée spontanément en réponse aux provocations haineuses et dangereuses d’un groupuscule suprématiste ayant bloqué depuis la veille le col de l’Echelle.
Cette convocation groupée s’inscrit dans le cadre de l’enquête ouverte lors du procès des « 3 de Briançon », dont le jugement est reporté au 8 novembre. Elle prend la suite de nombreuses pressions et tentatives d’intimidation (convocations en audition libre, harcèlement téléphonique, surveillance des domiciles) que subissent depuis des mois des personnes solidaires dans la région.
Suite à la décision du Conseil constitutionnel du 6 juillet 2018, beaucoup se sont exclamé que « le délit de solidarité était désormais abrogé » en France. Or, le Conseil constitutionnel consacre le principe de fraternité pour ne pas pénaliser l’aide gratuite « au séjour et à la circulation », mais non pas pour l’aide désintéressée « à l’entrée » sur le territoire. En outre, cette décision ne lève pas les ambiguïtés de la loi ayant conduit aux condamnations de bénévoles au motif d’une « action militante ».
Selon le communiqué du ministère de l’Intérieur publié le même jour, « l’exemption pénale pour l’aide apportée dans un but humanitaire ne doit pas s’étendre à l’aide apportée dans un but militant ou aux fins de faire obstacle à l’application de la loi ou à l’action de l’État ».
Pour l’État, la solidarité devrait donc se réduire à apporter une aide humanitaire ponctuelle, côté français, aux « heureux·ses » vainqueur·e·s de la loterie meurtrière du passage de frontière. Autrement dit, dans le pays de la fraternité et selon le gouvernement, seules les actions humanitaires ponctuelles pourraient bénéficier de l’exemption au délit de l’article L.622-1, alors que les mêmes actions humanitaires répétées et sciemment organisées par une personne physique ou morale continueraient à tomber sous le coup de ce délit !
Ainsi seraient hors de cause les personnes qui aideraient par hasard et sans remettre en cause les politiques migratoires, et condamnables celles qui s’organiseraient en solidarité. Nous refusons cette stratégie de division. Les différentes pratiques de solidarité répondent toutes à la même nécessité de faire face aux violences des politiques migratoires actuelles.
Rappelons que :
- le contrôle aux frontières des personnes à la peau noire contraint celles-ci à mettre leur vie en danger pour contourner des barrages. Sans cela, tout le monde pourrait prendre le train, le bus ou un covoiturage pour voyager de l’Italie à la France ;
- pour appliquer les consignes de la préfecture et du ministère, la police aux frontières traque les exilé·es sur les cols, jusqu’à provoquer des blessé·es et des mort·es, comme Blessing Matthew le 7 mai 2018 ;
- certains policiers poursuivent, piègent, giflent, déshabillent, volent, menacent à l’arme à feu des personnes, en toute impunité, dans l’invisibilité de la montagne.
Dans le même temps, la fraternité qui refuse cette mise en danger de personnes, est passible d’une accusation de trafic d’êtres humains, alors qu’elle cherche à prévenir les risques mortels en montagne, en accord avec les libertés fondamentales.
Ces lois contredisent les droits humains fondamentaux et veulent nous imposer de mettre des frontières dans nos pratiques de solidarité.
Le pays de la fraternité ne saurait être celui où des personnes exilées, qui tentent d’y trouver refuge, meurent à sa frontière.
Nous appelons la population à un rassemblement pacifique de soutien
Mardi 17 juillet, dès 8h30, devant la gendarmerie de Briançon
Pendant la durée de la garde-à-vue, créons des espaces d’échange et de rencontre : amenez vos instruments de musique, pique-nique, textes, etc. !