Nantes: du « déménagement » de Bréa à la libération des enfermés

Récit de jeudi 4 octobre 2018 au samedi 6, reprenant les éléments suivants :

– « déménagement » expulsion et rafle à l’ex-Ehpad Bréa, occupée suite à l’expulsion de l’université (Censive et Château du Tertre) puis devenue « centre d’hébergement » géré par France Horizon courant mars : https://nantes.indymedia.org/articles/42894

– manifestation de soutien aux exilé.e.s en réaction : https://nantes.indymedia.org/articles/42919

– enfarinage de Johanna Rolland, en réaction : https://nantes.indymedia.org/articles/42921

– libération des 4 camarades sans papiers enfermés au CRA (centre de rétention administrative) de Rennes

Jeudi matin, 7h00, une armée de flics est déployée dans le quartier Graslin. Tout est bouclé, l’ancien EHPAD de Bréa va être expulsé… Un matelas est brulé en signe de protestation. À peine le temps de réunir leurs bagages que les copaines montent dans les bus affrétés à l’occasion pour les déplacer vers un centre de tri ou sont remis.e.s à la rue sans solutions de relogement (étrangement, pas un mot dans la presse locale pour ces personnes qui se retrouvent sans toit). Sur place, on demande à des représentant.e.s connu.e.s de Nantes Métropole Habitat comment récupérer les affaires des gens, comme l’insuline de cet homme… On nous ignore, on nous méprise. Dans l’incompréhension et le stress générés par l’expulsion, l’association France Horizon fait signer aux habitant.e.s de l’ex-EHPAD le règlement du CAES (le texte est en français). Les exilé.e.s non francophones pour une grande partie d’entre-elleux ne sont tout simplement par informé.e.s sur les conditions de semi-enfermement du dit CAES et que ce centre n’est qu’une étape pour « évaluer les situations administratives » entre « bons » et « mauvais » exilé.e.s. Trier des humains, comme on trie des marchandises ! Voilà le credo des institutions. Toi tu iras ici (CAO, PHRADA, CADA…), toi tu iras en CRA… Pas de quoi y voir une victoire… Rappelons que la mairie et la préfecture s’étaient gargarisées dans les médias la veille de la manif du 31 mars contre toutes les expulsions en promettant la création un centre d’hébergement inconditionnel.

Et parlons CRA justement. Cette opération de police est aussi l’occasion pour la préfecture et la mairie d’organiser une rafle. Un bus de soixante places est spécialement affrété pour le commissariat central de Waldeck-Rousseau. Bien que terrible, l’ironie résidera dans le fait que le bus ira bien au comico… avec deux exilés à son bord (les autres camarades arrêtés ayant été transportés dans les voitures de la police nationale). Devant Waldeck, les soutiens venus attendre une éventuelle sortie des camarades et surveiller les départs de véhicules de flics en direction du centre de détention seront à trois reprises sous le coup de tentatives d’intimidation par les keufs avec à la clé des contrôles d’identité et des photos prises avec un gros objectif depuis les fenêtres du commissariat. Bilan de cette journée macabre : une dizaine de camarades exilé seront interpellés, quatre seront incarcérés au CRA de Rennes. Une soixantaine de personnes n’ont plus de toit et plus de 120 personnes seront envoyées vers un centre de tri.

Vendredi tôt le matin… Pour celleux qui avaient trouvé refuge sous le square abrité des fonderies, le réveil est brutal, arrosage des plantes allumé, vol des couvertures par les fonctionnaires de police et de la mairie nantaise, grilles fermant l’espace et privant d’abri celleux qui dorment à la rue. Les expulsions et les arrestations ne suffisent pas ! Les autorités continue sans cesse de traquer et intimider les exilé.e.s et leurs alli.é.es. Le soir, un rassemblement de soutien contre les expulsions, les incarcérations et déportations, est appelé et réunit plus d’une centaine de personnes. Le cortège déambule dans le centre-ville sans la présence omnipotente des condés, passe par les rues piétonnes, devant l’ancienne école des Beaux Arts (toujours vide et surveillée 24h/24 par une boite de sécurité privée), puis la mairie de Nantes. On chante des slogans, on demande la libération des C(R)Amarades. On invective les agents de la TAN, réseau de transports actif dans l’expulsion du camp square Daviais. On chahute des flics dans les camions de CRS stationnés place du commerce. Rejoignant la distribution de bouffe ayant lieu devant l’Hotel Dieu, en chantant, là c’est la provocation. Des flics en voiture banalisée s’arrêtent, ouvrent leurs fenêtres et d’un air moqueur commentent l’arrestations de nos ami.e.s la veille. Ni une, ni deux, effervescence collective. Les manifestant.e.s zbeulent gentiment la voiture des policiers terrorisés. Un second véhicule de la police placé derrière se permet même de lancer une grenade lacrymo à main pour se dégager de la pression des manifestant.e.s. On est véneres, et il y a de quoi.

Samedi crêpes et anti-rep : au marché de la petite Hollande, il y a du monde et du « beau » monde. Effectivement la maire de Nantes, Johanna Rolland, et son équipe sont présentes pour échanger avec les habitant.e.s du quartier sur le thème de la participation citoyenne en démocratie. Pas de chance pour Jojo, un mystérieux commando F.A.R.I.N.E organise une attaque d’une extrême violence à l’encontre de la maire à l’aide d’une arme de destruction massive… Du blé moulu. Trop insupportable pour la classe politique et médiatique qui fait front commun pour condamner les violences. De Rugy (ou de Ruglyphosate, on ne sait plus trop) en tête pour dénoncer l’attentat enfariné de ces militants extremistes. Quelle blague… La violence, c’est celle que nous vivons dans les systèmes de contrôle, de surveillance et de gestion des individus. La violence c’est les politiques racistes appliquées par la ville et le gouvernement français avec son lot d’humiliations, d’exclusions, d’expulsions, d’incarcérations et de déportations. La violence c’est l’Etat et toutes les institutions qui incarnent les figures d’autorités et appliquent les lois sécuritaires. A Rennes, comme la journée précédente, une team de soutien part rendre visite aux camarades enfermés en CRA. L’après-midi, c’est le moment pour les copains de passer devant le juge des libertés et de la détention à la cité judiciaire en centre-ville. On va savoir si la procédure d’enfermement a été respectueuse des droits des personnes. L’atmosphère est tendu, des flics de la police aux frontières sont présents en nombre dans les couloirs du palais de justices. Six personnes passent en delibéré, elles ressortiront toutes pour vice de procédure. Poooww, pooww la PAF est en PLS. Le représentant de la préfecture de Nantes fait grise mine. Nos potes sont libres, et ne seront pas déportés aujourd’hui… On rentre ENSEMBLE à la maison. Il y a de la joie mais on ne peut oublier tou.te.s les adultes et enfants enfermé.e.s dans ces centres en attente de leur libération ou leur expulsion du pays.

No border, no nation, stop deportation !

[Publié le dimanche 7 octobre 2018 sur Indymedia-Nantes par le CRAN – Comité de Réquisition et d’Action Nantais.]