Paris-banlieue: Gilets jaunes, acte XX. C’est pas les squats qu’il faut expulser, c’est l’Elysée !

Ça fait plus de quatre mois que le mouvement des Gilets jaunes a commencé, et malgré son intensité et sa détermination, le gouvernement Macron n’a lâché que quelques miettes pour faire bonne figure, tout en faisant voter de nouvelles lois visant à nous faire taire (des mesures anti-chômeurs de fin décembre à la loi anti-casseurs décidée il y a quelques semaines). Comme toujours, les gouvernants, à l’image de la classe possédante, s’accrochent à leurs privilèges. On le sait, il n’y a rien à attendre d’eux.
On a peu parlé de la question du logement depuis le début du mouvement, mais c’est une question centrale dans la vie quotidienne de tou·te·s. C’est aussi une question révélatrice des inégalités sociales et du fossé énorme qui existe entre les plus riches et les plus pauvres.

Du côté de la classe possédante, il y a tout un paquet de bourgeois·es qui sont propriétaires de plusieurs bâtiments et se font de la maille sur notre dos. Il y a aussi l’État qui prétend mener une politique «sociale» pour le logement, mais c’est de la poudre aux yeux, de la poudre de perlimpinpin…  

Côté Gilets jaunes, question logement, c’est la galère à plusieurs niveaux. La plupart se saignent pour payer des loyers à des propriétaires privés ou «publics», certain·e·s s’endettent sur des dizaines d’années pour être propriétaires de leur logement, et d’autres sont poussé·e·s à squatter, c’est-à-dire à occuper des bâtiments vides sans demander d’autorisation aux propriétaires. Les plus en difficulté d’entre nous tou·te·s vivent dans la rue, dans leur véhicule, dans des bidonvilles, des tentes, ou carrément sous un pont ou sur une bouche d’aération… 

Cette simple description de la situation peut paraître caricaturale. Elle est pourtant bien réelle. Elle constitue une raison supplémentaire de se révolter, et de vouloir changer les choses.

Si tout le monde ressent bien la nécessité d’avoir un toit pour vivre avec un minimum de confort, pour beaucoup d’entre nous, la question du logement est une source de stress: loyers trop chers, menaces d’expulsion, déménagements forcés à cause de l’embourgeoisement de nombreux quartiers, manque d’entretien des bâtiments dans les cités les plus pauvres, et chaque soir se demander où on va dormir pour les plus galérien·ne·s…

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Le gouvernement et les médias ont parlé de «Grand Débat», ont essayé de nous endormir avec du blabla entre politicien·ne·s, que ce soit à la télé ou dans des salles municipales, genre renouvellement de la démocratie, on s’écoute et on décide tou·te·s ensemble. La bonne blague ! Il en ressort quoi de cette opération médiatique ? Un bon gros foutage de gueule. 

Les racistes parlent de «Grand Remplacement», essayent de nous diviser entre Français·es et étranger·e·s, de rejeter la faute sur les migrant·e·s si on manque de thunes, si on n’a pas de taf ou de logement. C’est n’importe quoi ! Les migrant·e·s sont encore plus dans la merde que nous, c’est pas eux\elles qui nous exploitent, c’est pas eux\elles qui nous rackettent. C’est pas eux\elles, les riches qui profitent du boulot et des services effectués par des gens payé·e·s au lance-pierre.   

Les élu·e·s d’Île-de-France et les promoteurs immobiliers parlent de «Grand Paris», essayent de nous faire croire que grâce aux investissements dans l’aménagement urbain tout ira mieux, qu’on finira par vivre dans une belle mixité sociale au sein d’un capitalisme bienveillant. Ça aussi c’est n’importe quoi ! Ce à quoi on assiste progressivement, c’est Paris qui se vide de ses habitant·e·s, c’est l’embourgeoisement de la petite Couronne, l’expulsion et l’expropriation de plein de gens pour laisser place à des projets capitalistes rutilants, l’impossibilité de trouver un logement abordable sur Paris ou en proche banlieue et l’obligation d’aller vivre toujours plus loin en banlieue.

Pourtant, les bâtiments vides, c’est pas ce qui manque. Rien qu’à Paris intramuros, il y aurait à peu près 200 000 logements vides, c’est-à-dire largement assez pour loger toutes les personnes qui dorment dehors dans toute la France (environ 200 000 selon des estimations récentes d’associations qui viennent en aide aux SDF).

Cette nécessité de squatter pour se loger, beaucoup l’ont comprise depuis longtemps et la mettent en pratique, passant à l’action sans rien demander aux autorités, aux institutions, aux propriétaires. Les bourges, ça les empêche pas de dormir de savoir que des centaines de milliers de personnes dorment dehors. Ce qui les stresse, c’est qu’on passe à l’attaque dans les quartiers riches, c’est la peur de devoir descendre de leur piédestal. 

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Squatter, occuper «sauvagement» des bâtiments, des terrains, est bien entendu illégal. Mais on n’arrivera jamais à rien en respectant les lois. Les lois sont faites par les riches, pour les riches, pour nous empêcher de lutter. Une des plus récentes propositions de loi vise d’ailleurs à couper le RSA aux «casseur·euse·s» condamné·e·s… Une arme de plus pour réprimer celles\ceux qui luttent.

Face à ces politicien·ne·s qui flippent de perdre leurs privilèges et qui font tout pour nous affaiblir, on a besoin de renforcer nos luttes. On a besoin de lieux pour habiter, mais aussi pour s’auto-organiser, pour se rencontrer, pour lutter. Pour cela, des squats s’ouvrent. Il y a quelques jours, un grand squat a été expulsé à Montreuil (l’Écharde, où vivaient une vingtaine de personnes, où se trouvait un infokiosque rassemblant diverses lectures anti-autoritaires, où se réunissaient notamment une assemblée anti-carcérale et un collectif de lutte contre les centres de rétention administrative). Les Gilets jaunes aussi ont ouvert des squats ces quatre derniers mois: à Saint-Nazaire, une «Maison du Peuple» est ouverte depuis le 24 novembre dernier. En décembre dernier, le squat du Marais, à Caen, a accueilli une assemblée des Gilets jaunes. Mi-février à Avranches, une maison abandonnée depuis quinze ans a été occupée par des Gilets jaunes pour en faire un lieu de rencontre et d’auto-organisation. Elle a été expulsée deux jours après par la police ! Le samedi 2 mars, lors de l’Acte XVI, les flics ont empêché l’ouverture d’un QG de lutte à Nantes. Et bien sûr, depuis le début du mouvement des Gilets jaunes, des cabanes servent de lieux de rencontres et d’auto-organisation partout en France, subissant elles aussi la répression. De droite, de gauche, quelle que soit sa couleur politique, l’État déteste que son «peuple» s’organise sans lui, contre lui, de façon autonome. 

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Dès le 1er avril, c’est la fin de la trêve d’hiver. Déjà que de nombreux squats ont été expulsés en plein hiver, là ce sera opération «portes ouvertes», les flics vont enchainer les coups de bélier et défoncer des portes ! Les expulsions vont se succéder: squatteur·euse·s et locataires qui n’arrivent plus à payer leurs loyers, tout le monde va y passer.

Ce qui compte dans cette société, c’est pas qu’il n’y ait plus personne qui dorme dehors.
Ce qui compte dans cette société, c’est de protéger les privilèges des bourgeois·es, protéger la propriété privée même quand elle ne sert à rien, même quand les bâtiments sont vides.
Ce qui compte dans cette société, c’est d’avoir un discours hypocrite et humaniste quand bien même la réalité est tout autre.

Pour toutes ces raisons, c’est pas les squats qu’il faut expulser, c’est l’Elysée. Pas pour changer de Président. Jean-Luc Mélenchon ou Marine Le Pen ne valent pas mieux que Macron. De toute façon, on pourrait mettre le plus doux des agneaux à l’Elysée, il se transformerait rapidement en chef mafieux. C’est parce que le pouvoir corrompt qu’on ne veut pas de Président du tout. C’est aussi parce que l’auto-organisation, sans chef pour diriger nos vies, nous semble largement plus désirable que ce système qui survit par l’exploitation, les inégalités sociales et la répression.

30 mars 2019, Paris-banlieue
Des Gilets jaunes anarchistes, des squatteur·euse·s, des galérien·ne·s et d’autres 
Contact: personne@@@squat.net

Post scriptum: à tou·te·s les squatteur·euse·s en herbe, jetez un oeil au «Squat de A à Z», dont une mise à jour devrait être publiée en avril 2019. À suivre !  

À Paris, rendez-vous samedi 30 mars 2019 à 12h sur la place du Châtelet pour se retrouver, et partir en manif «Gilets jaunes / Logement» vers 14h.

[La version tract se trouve ici en PDF recto-verso A4 et en PDF page-par-page.]