Incendie au plus grand squat de Toulouse ou les conséquences du racisme d’État.
C’est en colère qu’on se réveille ce 5 février, le lendemain de l’incendie ayant eu lieu au 44 avenue de Muret, où vivent environ 600 personnes. Des réfugié-e-s en grande majorité, ayant déjà tout perdu, et risquant de tout perdre à nouveau, si ce n’est pas déjà le cas : une centaine de chambres auraient été touchées selon la préfecture, nécessitant l’intervention utile de 90 pompiers, et celle inutile, voire dangereuse, de 54 policiers. Nous y reviendrons.
On ne va pas s’attarder sur les faits : un accident dans un lieu vétuste entrainant un départ de flamme, mais dont les origines sont beaucoup plus profondes. Comment 600 personnes se retrouvent à squatter un ancien bâtiment appartenant à EDF ? Cette situation ne dure que depuis mai 2019 : avant, pendant un an, c’était des bureaux qui était occupés à Saint-Michel, au Squat Russell, par ces mêmes personnes, dont le nombre a augmenté entre temps. Obligées de partir suite à un procès, ces personnes n’ont eu d’autre choix que de trouver un nouveau lieu : « La préfecture nous a expulsés en juillet 2019, sans nous proposer de solution pour la suite. Nous avons dû nous-mêmes nous chercher un nouveau toit. » pouvons-nous lire sur cet appel à soutien fin octobre 2019, à la veille de la trêve hivernale, moment où les expulsions vont bon train, qu’elles soient locatives ou de squats. Est-il nécessaire de rappeler la quantité de logements vacants ? On ne parle même pas des bureaux et des batiments vides. En 2018 , « à Toulouse, il y a environs 23 457 logements vacants intra-muros. Ils étaient au nombre de 18 261 en 2009, et le chiffre monte à 46 776 si on prend l’ensemble de l’aire urbaine » (à lire : 2.8 millions de logements vides en France : on choisit l’occupation !).
Retour à l’avenue de Muret et à la violence d’État, si nous nous en sommes seulement extrait-e-s un moment. L’évacuation du bâtiment était nécessaire, les pompiers étaient sur place, ainsi que les pros du maintien de l’ordre. Pour éviter de les croiser – normal tu vois : quand tu as traversé des frontières maritimes et/ou terrestres en risquant ta vie pour atteindre la forteresse Europe et que tu ne veux pas tomber sur tes oppresseurs ; pays différents, même casquette – plusieurs personnes ont escaladé le grillage de deux mètres pour sortir hors de l’enceinte du bâtiment, se mettant en danger mais calculant par rapport au risque de se faire embarquer en centre de rétention, ou renvoyer en avion hors des frontières du pays des droits de l’Homme. C’est à la mode en ce moment à Toulouse : les rafles et les expulsions dans la foulée, en allant chercher les enfants à l’école, sans possibilité de récupérer ses quelques affaires.
Une fois toutes les personnes saines et sauves, s’est posée la question des affaires, laissées sur place. On se souvient de l‘incendie Rue Bayard en janvier 2019, où il a fallut de longues semaines aux habitant-e-s pour pouvoir récupérer leurs biens ou ce qu’il en restait : des vols avaient au lieu entre temps. La faute au temps et aux procédures. Pour l’avenue de Muret, un policier, après avoir annoncé qu’il serait possible de récupérer des affaires le jour-même, fit marche arrière car la nuit arrivait. Quand tu as tout ce qu’il te reste de matériel, portable, vêtements et papiers, dans un espace occupé par des centaines de personnes, ton chez toi, et qu’on t’annonce que tu ne peux pas les récupérer pour des raisons de sécurité, alors que l’incendie est éteint, comment dire ?.. Réponse simple du côté des bleus : gazeuse à main, dispersez-vous.
La mairie de Toulouse, dans sa grande mansuétude, a mis à disposition des gymnases et des bus. D’après France bleu, la préfecture a annoncé que les gymnases resteront ouverts « jusqu’à ce qu’une solution adaptée au regard de chaque situation personnelle puisse être mise en œuvre par l’Etat, en lien avec les services de la Mairie de Toulouse. Les locaux du site de l’avenue de Muret ne pourront pas être réintégrés, le bâtiment ne présentant pas les conditions de sécurité requises ». France 3 nous apprend que 182 personnes ont choisi cette solution, le soir du 4 février, soit moins d’une personne sur trois. Plus de 400 personnes à la rue donc. Et le jour suivant, et celui d’après ? Pourquoi refuser les solutions proposées par la préfecture et la mairie ? C’est très simple : en plus du fichage, le risque de se faire embarquer est trop important. Leur tort ? Ne pas avoir les bons papiers, voire les avoir perdus dans l’incendie.
Il sera possible pour les habitant-e-s de récupérer leurs affaires à partir de 14h ce mercredi. Mais ensuite ? Où aller ? Cet incendie peut être un prétexte et l’occasion rêvée pour le propriétaire de fermer, condamner ou détruire ce bâtiment. On n’évoquera pas les communiqués de soutien et les beaux discours des politicien-ne-s à l’approche des municipales, déjà parus ou à venir. La situation est connue depuis longtemps : combien d’incendies, de mort-e-s, d’expulsions, de séjours en centre de rétention faudra-t-il avant qu’on abolisse les frontières et les papiers ? Ou de façon plus pragmatique, comme on ne peut pas tout avoir immédiatement : la liberté de circulation pour tou-te-s. On ne le répétera jamais assez : aucun être humain n’est illégal.
Le soir-même, nous avons appris qu’un autre incendie avait eu lieu, au Centre de Rétention de Vincennes. Encore une fois des sans-pap’, des réfugié-e-s… « Tous les prisonniers sont dans la cours, encerclés par les keufs qui les empêchent de bouger, en les laissant sous la pluie. »
Heureusement, la solidarité s’organise et il n’est jamais trop tard pour aider, pour relayer les personnes s’organisant sur le terrain, depuis des années ou depuis hier, leur permettant de souffler – attention au burn-out militant. Le prochain rendez-vous est ce jeudi à 14h à La Chapelle. Il est aussi possible d’aller sur place au 44 avenue de Muret pour discuter, apporter à manger, être présent-e.
Information reçue le 05/02 :
Le squat de l’avenue de Muret va rapidement être muré et ne sera plus du tout accessible.
Il est bien sûr très important que les personnes qui y vivaient puissent récupérer leurs affaires, particulièrement les documents administratifs et les traitements médicaux.
Cette récupération se fera sur 3 plages horaires :
– aujourd’hui de 13 à 16h pour les personnes qui dorment au gymnase Empalot
– aujourd’hui de 16 à 19h pour les personnes qui dorment au gymnase Cépière
– demain de 9 à 12h pour les personnes qui ne dorment pas dans les gymnases
Il ne sera pas possible de récupérer les meubles et l’électroménager. Seuls les documents administratifs, vêtements, médicaments, produits d’hygiène, vélos et autres petites affaires personnelles pourront être récupérés.
Il n’y aura pas de présence policière afin de ne pas inquiéter les personnes. Les associations sont sollicitées pour venir aider afin que ces récupérations se passent au mieux
Infos venant de la marie et du CEDIS (05/02) : Il n’y a pas d’espace prévu pour stoker les affaires évacuées des gens expulsés par la mairie. Seulement les affaires encore présentes dans le bâtiment seront stockées dans un entrepôt payé par EDF à Blagnac. L’accès à cet entrepôt sera possible une seule fois par famille/personne, les autres fois il faudra payer pour y accéder. Cet entrepôt sera mis à disposition dans quelques jours.
Les personnes qui sont présentes dans la rue devant le squat avec leur affaires ne seront pas évacuées ce soir mais certainement d’ici demain…. Il y a une centaine de personnes n’ayant pas la possibilité de bouger leurs affaires ni de les stocker là maintenant dans l’immédiat, et qui se retrouvent a devoir rester là, dans la rue, pour garder leur affaires.
MAJ : On apprend ce soir (5 février) que la répression commence avec deux interpellations et une voiture embarquée en fin d’aprem. Une personne est toujours en garde à vue. Une troisième a pris une amende pour avoir traversé hors les clous. Il y a des provocations de la part des forces de l’ordre.
Pour faire un don aux habitants de Muret, maintenant à la rue, en situation de détresse absolue : Aide d’urgence pour les habitants du squat Muret
Cette cagnotte est montée en accord avec le Collectif Russell et servira à financer l’achat de produits de première nécessité et notamment colis alimentaire, lait et couches pour bébé (il y a de nombreuses familles), équipement urgence.
Nouvelles de ce vendredi matin
Les gymnases vont fermer aujourd hui et les personnes pourront aller en bus des gymnases vers le hall 7 du parc des expos de 14h à 20h (île du Ramier), nouveau lieu d’herbergement d’urgence proposé par le dispositif institutionnel. Les personnes auront une carte nominative, les papiers seront surement demandés.
Des maraudes sont organisées avec besoin de bénévoles. Merci de contacter Medecin du Monde si vous etes dipos !
Besoins Hébergements temporaires et lieux de stockage sécurisés : Les habitant.es recherchent des solutions d’hébergement temporaire, nuit par nuit et encore des lieux de stockage. N’hésitez pas à vous faire connaitre si vous pouvez auprès du collectif Russel qui vous mettra en lien avec les personnes
Demande urgente : besoin d’assistantes sociales pour aider à régler les problèmes administratifs suite à la perte des papiers et autres… les personnes ont besoin que les autorités fournissent en urgence des attestations de sinistres pour justification auprès des institutions/université/ecoles (des étudiants en ont besoin vite pour l’université, les demandeurs d’asile pour leurs rendez vous préfecture, etc… )
Merci aux assos de remonter ce besoin aurpres des bénévoles et aux responsables mairie/pref etc !
Une cagnotte de soutiens d’urgences (matériel et alimentaire) aux habitant.e.s a été mise en place par l’association Solidarity Union. Elle est disponible ici
Vendredi 7 février 2020
Communiqué du collectif Russel –
Halte au racisme d’Etat, des vies humaines sont en danger : c’est criminel, Réagissons !
Mardi 4 février vers 14h, un incendie a frappé le squat du 44 avenue de Muret, où trouvaient refuge plus de 500 personnes depuis mai 2019. Des hommes, des femmes et des enfants, de plus de 22 nationalités, laissés sans solution d’hébergement alors que la majorité, en demande d’asile, devraient être mis à l’abri sous responsabilité de la préfecture. Des droits ignorés, obligeant les personnes, les familles, à squatter des bâtiments vides pendant des mois voire des années. Nous tous en collectif, habitant.es et soutiens extérieurs, exhortons sans cesse les services de la préfecture de nous donner des réponses, de trouver des solutions. Nous nous sommes pliés aux différents recensements que la préfecture a ordonnés. Malgré cela, silence radio à la préfecture. Un silence criminel.
Si l’Etat est bien responsable du logement de ces personnes, l’Etat n’est-il pas aujourd’hui responsable de cette catastrophe et de leur sort ?
Nous exhortons également sans cesse les services de la mairie à prendre l’initiative d’une main tendue envers toutes ces personnes. Avec 4000 locaux vacants à Toulouse, pourquoi n’exercent-ils jamais leur droit de réquisition ?
Comment accepter de laisser 500 personnes dans la détresse dans un bâtiment inadapté sans la moindre aide des institutions ne serait-ce que pour l’hygiène ou même l’enlèvement des déchets ? Comment détourner autant le regard ?
Il aura fallu que le bâtiment brûle pour regarder à nouveau ces quelques 500 visages, affolés dans la rue, observant leur toit et leurs maigres effets personnels partir en fumée, pour leur accorder un temps éphémère dans les médias ; mais aussi pour les reloger en urgence dans des gymnases le soir, nous laissant entrevoir le potentiel d’actions d’hébergement en leur pouvoir si la volonté politique était là en dehors des évènements dramatiques comme celui-ci. On ne peut s’empêcher de repenser au nombre de places en gymnase ouvertes pour les sans-abris dans le plan hiver : 72…
Et même dans cette détresse ultime, la violence de l’Etat se fait encore observer, quand des forces de police n’hésitent pas à gazer les personnes, enfants en première ligne, pour dissuader tout un chacun d’essayer d’outrepasser leur ruban pour tenter d’aller récupérer ses affaires. Sans rien dans la rue et dans le froid, la première préoccupation des habitant.es était de pouvoir rentrer récupérer leurs documents administratifs, seuls gages de tranquillité pour un immigré en France…
Ou encore quand ces mêmes forces de police se permettent de contrôler les papiers et d’interpeller des personnes, un jour comme celui-là.
Après trois nuits passées dans des gymnases non chauffés, les personnes seront déplacées en bus aujourd’hui vendredi 7 février, vers le Parc des Expositions, pour une durée indéfinie. Là bas, la préfecture et l’OFII pourront tranquillement mettre en place un recensement des situations administratives des personnes, réservant le sort qu’on connait aux sans papiers et déboutés du droit d’asile.
On est donc loin d’un accueil inconditionnel comme nos institutions aiment à le dire.
D’abord on ne respecte pas le droit fondamental des gens à être mis à l’abri, ensuite on ne respecte pas leur dignité en les laissant squatter des bâtiments inadaptés et dangereux sans aucune aide, et ensuite on profite d’une catastrophe qui aurait pu faire morts et blessés pour les parquer, les recenser, on le sait, accélérer l’arrestation de ceux et celles jugés indésirables par nos autorités.
Où est l’humanité là dedans ? Jusqu’où le drame doit-il aller pour pouvoir espérer de vraies propositions dignes ? Quand les solutions sont pourtant à porter de leurs longs bras…
Encore une fois la seule solution réellement humaine est venue des citoyen.nes toulousain.es solidaires qui depuis le drame hébergent des sinistrés dans leurs maisons. Nous les encourageons à continuer, pour mettre à l’abri les plus fragiles.
Inquiet.es des contrôles auxquels nos frères et sœurs du squat de l’avenue de Muret vont être soumis dans la discrétion d’un parc des expositions, nous invitons toutes les personnes solidaires à venir en soutien sur place, aujourd’hui à l’ouverture mais aussi à tout moment dans les jours à venir.
Ne les laissons pas seul.e.s ! Investissons le hall 7 !!!
Halte au racisme d’Etat, des vies humaines sont en danger : c’ est criminel, réagissons !!!!
Le collectif Russell
Mise à jour : samedi dernier à 18h40
Plusieurs squats ouverts par les habitant·e·s, besoin de soutien !
Deux bâtiments ont été ouverts pour les anciennes habitant·e·s du 44 avenue de Muret. Beaucoup refusent d’aller dans le Parc des expositions.
Ces deux lieux ont besoin de monde sur place dès maintenant pour éviter une intervention policière et une expulsions ! Les flics sont déjà sur place, mais du monde à l’intérieur et à l’extérieur peut les amener à renoncer à une explusion immédiate.
– 14 rue des Amandiers, à Blagnac (route de Grenade) (arrêt de bus Pasteur — Mairie de Blagnac)
– 36 rue Jacques Babinet à Toulouse (arrêt de métro Mirail)
Mise à jour, 9 février à 13h35
Actus de dimanche matin
Au hall 8 du parc des expos : besoin de nourritures variées et de discussions – le moral des gens y est très bas !!!
A l’occupation de Blagnac, au 14 rue des Amandiers, les habitant.e.s ont besoin de produits d’entretien, d’hygiène, de sacs poubelles, de palettes.
Au Mirail, au 36 rue Jacques Babinet, des produits d’entretiens, balais, couvertures, matelas et soutien logistique (voitures) seraient bienvenus.
Dans tout les cas n’hésitez pas à passer sur les lieux et à rentrer en contact directement avec les habitant.e.s pour vous organiser ensemble.
Mise à jour, 10 février à 16h55
Ouverture en cours !!!
Un ancien bâtiment de la cité administrative à compans est en train d’être occupée, rejoignez-nous vite si vous êtes dispo et deter !!
Faut rentrer par le côté fac du capitole, 1 rue de la cité administrative !
La solidarité est une arme !
Mise à jour: 10 février à 18h05
CRS + 8 camions de crs. Risque d’expulsion immédiate.
Plus il y a de monde, plus le lieu a de chances de tenir !
Pour l’instant, en plus des gens à l’intérieur, il y a une petite cinquantaine en soutien devant le bat.
La prefecture a donné l’ordre d’expulser. Besoin de soutien !! Les flics barrent la route. Ils ont l’air de préparer l’expulsion.
Les flics veulent virer tous les gens devant le squat pour tenter d’expulser tranquillement, mais y’a du monde devant ! On nous signale la CSI qui s’approche avec cagoules et boucliers. En tout, il y a 12 fourgons de CRS et 4 fourgons de flics. Grosse ligne de BAC, CRS, CSI, toujours côté boulevard Armand Duportal. Nelson Bouard, directeur départemental de la sécurité public, est sur place. C’est lui qui organise l’expulsion.
18h56, tout le monde est sorti, les occupant-es s’en vont, en chantant.
Mise à jour : 11 février à 15h00
Menace d’expulsion à Blagnac, appel à soutien !
Appel a soutien URGENT au squat de Blagnac 14 rue des Amandiers, la situation est compliquée des pompiers et policiers sont sur place, ils n’ont plus d’électricité. Merci de passer la bas et de relayer le message
La préfecture met un zèle certain pour empêcher les ex-habitant·e·s de l’avenue de Muret à retrouver un toit.
Lors de la tentative d’ouverture d’hier des dizaines de flics et le directeur départemental de la sécurité publique Nelson Bouard lui même étaient sur place. Aujourd’hui c’est une lettre signé du préfet Étienne Guyot qui se félicite « d’éviter la reconstitution d’un nouveau squat » et appel les propriétaires d’immeubles vides à mettre en place « une surveillance particulière » de leurs biens…
Le Collectif Russell
collectif [point] russell [at] protonmail [point] com
https://squ.at/r/6xcf
Les sans papiers: https://radar.squat.net/fr/groups/topic/sans-papiers
Des squats à Toulouse https://radar.squat.net/fr/groups/city/toulouse/country/FR/squated/squat
Des squats expulsés à Toulouse https://radar.squat.net/fr/groups/city/toulouse/field_active/1/squated/evicted
Des groupes à Toulouse https://radar.squat.net/fr/groups/city/toulouse/country/FR
Des événements à Toulouse https://radar.squat.net/fr/events/city/Toulouse/country/FR
Publié le 5 février 2020 par le Collectif Auto Media énervé et IAATA.