Bretignolles-sur-Mer (85): la ZAD de la Dune expulsée au mépris du confinement

Mercredi 8 avril 2020, en fin de journée, alors que la France se cloître face au Coronavirus, la « ZAD de la Dune », à Bretignolles-sur-Mer est expulsée. Les gendarmes sont mobilisées et les cabanes incendiées par des soutiens du maire, fer de lance du projet contesté. Finalement, deux condamnations à de la prison ferme et un constat : pour expulser des opposant·es, les autorités ont enfreint les règles de confinement.

Cette histoire remonte à plusieurs années. Le projet : un port de plaisance d’une centaine de places pour attirer le tourisme nautique à Bretignolles-sur-Mer. Christophe Chabot, maire et président de la communauté de communes en rêve mais, depuis début octobre, des opposant·es se sont installé·es sur les terrains dévolus aux travaux.

Six mois plus tard, en plein confinement, une quinzaine de personnes est encore sur place. Pandémie oblige, le nombre d’occupant·es de cette « Zone à Défendre » a baissé. Le 8 avril pourtant, vers 18h30, ils et elles voient arriver les premiers camions de la gendarmerie. Rapidement, le PSIG (Peloton de Surveillance et d’Intervention de la Gendarmerie Nationale), un groupe militaire dédié, entre autres, aux actions antiterroristes, arrive aussi sur place. L’expulsion est lancée.

Une altercation le matin déclenche l’intervention des gendarmes

D’après le site d’information Actu.fr, une altercation survenue le matin même aurait précipité la décision d’expulser les opposant·es . Selon les autorités, un voisin au volant de sa voiture aurait entrepris de contourner l’un des obstacles placés sur la route bordant les terrains de la ZAD. Il aurait alors écrasé le chien de l’un des occupants. Le ton monte et une altercation éclaite : un autre « zadiste » aurait crevé les pneus, cassé le rétroviseur et arraché une plaque d’immatriculation de la voiture. Prévenue, la gendarmerie se rend sur les lieux. Elle affirme avoir essuyé des coups de barre de fer sur son véhicule, une vitre est brisée.

Dune, de son pseudonyme, était l’une des habitantes de la ZAD, comme toutes les personnes sur place, elle a été interpellée au cours de l’expulsion. « Dans l’après-midi deux drones ont survolé la ZAD de la Dune. Ça s’est passé très, très vite. Les gendarmes ont effectué des contrôles d’identité, deux par deux. On a été emmené·es dans des voitures différentes », décrit-elle. Ils et elles sont dispatché·es dans toute la Vendée, pour des contrôles d’identité. Au moins deux personnes sont placées en garde à vue.

Des habitant·es de la ZAD condamné·es à la prison ferme

Vendredi 10 avril, deux des occupant·es interpellé·es sont passé·es en comparution immédiate devant le tribunal des Sables-d’Olonne, dans le cadre de l’altercation autour de la mort d’un chien. Finalement, les zadistes sont reconnu·es coupables de « dégradations de véhicules en réunion » ainsi que « de violences ayant entraîné un choc émotif, outrages à des dépositaires de l’autorité publique« . Une condamnation, respectivement à 8 et 10 mois de prison ferme est prononcée, les habitant·es sont immédiatement incarcéré·es.

Selon l’avocat Maitre David Potier, la totalité de cette opération relève de la mise en danger de la vie d’autrui. « Mettre à la rue sans aucune prévention, ni organisation, ni information des gens, des humains qui étaient dans un lieu confiné […] ; les retirer de ce terrain, met en danger nos forces de l’ordre » annonce-il. « Les retirer de ce terrain met en danger les personnes elles-mêmes qui ont été interpellées et retenues, voire placées en garde à vue. Elles se sont rapprochées de personnes avec qui elles n’étaient pas en quarantaine et derrière se retrouvent dans la rue. » Grâce à la solidarité d’habitant·es de Bretignolles et de militant·es, les zadistes ont provisoirement pu être relogé·es.

« Comment 70 personnes civiles peuvent faire le travail de la police ? »

Au-delà de ces interpellations, la soirée du mercredi 8 avril a été le théâtre d’autres faits étonnants. Après l’intervention des forces de l’ordre, des habitant·es soutenant le projet de la mairie ont incendié les habitations construites par les zadistes sur le site de la Normandelière, censé accueillir à terme le port de plaisance.

Dans la soirée et le lendemain, la colère des opposant·es monte à la vue des images des cabanes en train de brûler, filmées notamment par le journal local « Les Sables ».

Un militant s’interroge : « Pourquoi des civils ont pu brûler des cabanes et des affaires personnelles ? » ; « Comment 70 personnes peuvent faire le travail de la police ? La police est partie à 20h, les cabanes ont brûlé après. » Même son de cloche du côté d’Olivier Richard, membre de la Vigie (association d’opposition au projet de port) : « On voit, 60/70 personnes selon Ouest France, sous les ordres du maire, qui enfreignent ces règles. C’est complètement inadmissible et c’est un bras d’honneur fait aux soignant·es en premier et aux institutions en second », dénonce-t-il.

Expulser une ZAD, « mission d’intérêt général » pour la préfecture

Dans un communiqué, la préfecture annonce que l’opération a été prise à l’initiative du parquet des Sables d’Olonne. Dans un autre communiqué, relayé notamment par Ouest France, le maire annonce que « l’intervention des bénévoles s’est faite sur la base de la dérogation prévue selon l’article 3 – 8° du décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 qui autorise les déplacements « aux fins de participer à des missions d’intérêt général sur demande de l’autorité administrative » ».

Une affirmation qui ne tient pas pour Olivier Richard. À ses yeux, il ne s’agissait pas d’une intervention relevant de l’intérêt général défini par les autorités depuis le début du confinement. « Un questionnement a été fait auprès du ministère de l’intérieur (NDLR : Olivier Richard évoque ici une question posée via le site CheckNews du quotidien Libération). Je peux vous citer la réponse du ministère de l’intérieur […]. « Cet item est prévu pour le déplacement sur le terrain d’acteurs privés non professionnels, tels les chasseurs, vétérinaires, groupements de défense sanitaire, etc.» Monsieur Chabot sort ça de son chapeau, cela n’entre pas du tout dans ce cadre là. »

Le bénévole, atterré par la situation, a adressé une lettre au ministère de l’Intérieur. De leur côté, plusieurs des -désormais ancien·nes- habitant·es de la ZAD ont confirmé vouloir porter plainte pour « dégradation, vol et mise en danger de la vie d’autrui ».

* Malgré plusieurs relances de notre part, ni le maire de Bretignolles-sur-Mer, Christophe Chabot, ni ses représentant·es membre de l’équipe municipale n’ont souhaité nous répondre.


ZAD de la Dune
https://zaddeladune.wordpress.com/

[Reportage réalisé par Malika Barbot. Article et podcast publiés le 13 avril 2020 par Radio Parleur.]