Nantes: quelle place pour la Maison du Peuple ?

Après un an de dur labeur, la Maison du Peuple a su tenir son pari : celui d’un lieu ouvert à tous, capable d’héberger ceux qui en avaient besoin de façon inconditionnelle. Des centaines de personnes, des familles avec enfants en difficultés ont su trouver un lieu où se reconstruire (scolarisation des enfants, prise en charge inconditionnelle par l’Etat, etc). Mais aussi de proposer un espace de rencontre et de réunion aux habitants de la ville, de mettre en place des actions de solidarité, de laisser se déployer les talents artistiques et sportif (peinture, arts visuels, musique, danse, etc). Et pourtant, ce lieu de vie et d’entraide se trouve aujourd’hui menacé d’expulsion.

Les raisons invoquées ne manquent pas : la Maison du Peuple est un squat et ne répond pas, qui plus est, aux normes de sécurité qui lui permettraient d’être un lieu d’hébergement pérenne. Peu importe que la Maison du Peuple ait su accueillir en toute sécurité des personnes sans domicile fixe au moment du confinement : elle doit fermer ! Soutenue par différentes associations de toutes confessions, les porteurs de bail se sont retrouvés dans l’obligation de se désolidariser face au silence des pouvoirs publiques. Les travaux qui auraient permis de réhabiliter les lieux n’ont pas été entrepris malgré les demandes répétées.

Il faut dire que la Maison du Peuple fait désordre : on y réside sans formulaire et sans devoir répondre à de quelconques exigences, en dehors des règles de politesse et de cohabitation élémentaires. On s’y réunit sans être inscrit dans un registre associatif officiel. On y expose ses productions sans avoir été validé par un comité.
La Maison du Peuple est la mauvaise herbe qui pousse au milieu des beaux jardins bien entretenus de la Ville de Nantes. Mais cette mauvaise herbe a un charme : celui d’être vivante. La solidarité n’y est pas planifiée : elle est sincère. On y est respecté dans sa singularité. Car la Maison du Peuple ne prétend pas être un partenaire de l’État qui gérerait la misère sociale : elle n’impose pas ses codes et sa hiérarchie à celles et ceux qui se trouvent exclu-es du système. Elle ne s’occupe pas de faire la charité car son souci est celui de la dignité. Aussi n’y trouvera-t-on pas des portraits de migrants au regard éteint, remerciant humblement les humanitaires qui ont daigné les secourir. On n’y trouvera qu’un art dégénéré, de la contestation, de la marginalité. En bref, de la vie, des gens. Et c’est peut-être bien cela qui dérange.

La récente loi anti-squat est un symptôme inquiétant pour l’avenir de ces lieux de vie. Dans la région des Pays de la Loire, nous constatons avec stupeur la violente réaction du pouvoir d’Etat. Les démantèlements s’enchainent à vitesse éclaire. Rien que cette semaine, l’Ambassade à Nantes, La Commune à Rezé, et le Village du Peuple à Donges ont été délogés sur ordre de la préfecture. La Maison du Peuple est dans le viseur.

L’inquiétude est vive, et ce d’autant plus qu’il semblerait que les municipalités ne soient pas averties, laissant entendre une action unilatérale de la part des pouvoirs d’Etat. Alors même que l’hiver approche, que la crise sanitaire a de nouveau été déclarée, comment ne pas craindre un désastre supplémentaire dans un contexte de crise économique où les plus fragilisés se verraient dépourvus d’une solidarité vitale ?

Dans un tel contexte de crise sociale, nous nous interrogeons sérieusement sur notre avenir. Notre main reste tendue, la discussion ouverte. Hier encore, les associations porteuses de bail du collège du Bon-Conseil – Les Eaux Vives, le Secours Catholique et Une Famille un Toit – posaient la question à la mairie de Nantes. La municipalité saurait-elle porter le bail ? Assurera-t-elle le contrat d’électricité ? Veut-elle d’une Maison du Peuple au sein de sa collectivité ?

Dans un récent article du Monde daté du Jeudi 8 Octobre 2020, Johanna Rolland répétait son engagement de campagne, dans la promotion d’un dialogue citoyen renforcé. Elle confiait sa volonté d’inventer un nouveau modèle de vie pour la ville, à travers des formes d’engagement innovant, pour que Nantes demeure modèle à l’échelle européenne. Avec ses équipes et en collaboration avec ses partenaires, saura-t-elle utiliser son droit de préemption pour la pérennité de ce lieu de vie ? Pourrons-nous ensemble imaginer les formes de cet « irréalisable » qu’elle appelle de ses vœux ?

Les circonstances l’exigent. La Maison du Peuple répond présent et sans détours au sérieux de l’époque. Dans son encyclique du 3 Octobre – Fratelli Tutti – le Pape François rappelait la misère contemporaine à laquelle nous sommes les témoins. Comme lui, nous sommes portés par « La conviction concernant la destination commune des biens de la terre doit s’appliquer aujourd’hui également aux pays, à leurs territoires et à leurs ressources.

En considérant tout cela non seulement du point de vue de la légitimité de la propriété privée et des droits des citoyens d’une nation déterminée, mais aussi à partir du principe premier de la destination commune des biens, nous pouvons alors affirmer que chaque pays est également celui de l’étranger, étant donné que les ressources d’un territoire ne doivent pas être niées à une personne dans le besoin provenant d’ailleurs. »

Nous demandons aux sympathisants, collectifs et associations de se tenir près dès le 16 octobre afin d’empêcher une expulsion cruelle de femmes, enfants, hommes, familles, de tous âges et origines à quelques jours seulement de la trêve hivernale et sans considération pour leurs existences.

Le collectif d’occupation.

La Maison du Peuple
17 rue du Chapeau Rouge, 44000 Nantes
mdp-nantes [at] riseup [point] net
https://squ.at/r/80co


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Indymedia Nantes, le 17 octobre 2020 https://nantes.indymedia.org/articles/51379