La Grande Ourse expulsée en pleine trêve hivernale.
Le matin du jeudi 21 janvier à 6h, c’est à coups de disqueuse dans la porte que les habitant·es du squat de la Grande Ourse ont été brutalement réveillé·es.
Sous les ordres du préfet du Maine-et-Loire, qui avait pourtant signalé à l’avocat en charge du dossier qu’il n’y aurait pas d’expulsion avant le mois de mars, une demie compagnie de CRS ainsi qu’un escadron de gendarmes mobiles sont venus expulser les habitant·es.
L’ancien bâtiment, appartenant à Bertrand Baudaire, PDG de la chaîne de restaurant La Boucherie, était inoccupé depuis 2017. Ici, les oublié·es d’une société inégalitaire avaient trouvé refuge en septembre 2019.
Demandeur·euses d’asile, réfugié·es, étudiant·es, sans-abris, personnes en situation d’exclusion sociale et militant·es politiques s’y étaient installé·es face à l’incapacité du gouvernement d’assurer un hébergement digne et décent pour tous.
Dès lors, au-delà de la proposition de logement qu’elle représentait, la Grande Ourse était rapidement devenue un espace essentiel à l’organisation des luttes locales : écologie, justice sociale, mouvement pour les sans-papiers…etc.
Les causes, aussi diverses soient-elles, s’y sont croisées, enrichies et soutenues.
Indéniablement propice à la convergence des luttes et des tactiques, le squat a également participé au développement d’actions solidaires : récupération, distribution de nourriture et de vêtements, maraudes, soirées de soutien…
Nombreuses étaient les initiatives porteuses de solidarité et vectrices de lien social.
Dans un monde aux systèmes destructeurs et autoritaires, où la justice et la liberté n’ont de cesse d’être bafouées, prendre possession de lieux vacants afin d’y faire vivre les sans-abris et les luttes politiques est de l’ordre de la raison. S’extraire d’une société dévastatrice, politiser notre manière d’habiter, penser la résilience et incarner concrètement l’alternatif sont des actes vitaux que le collectif de la Grande-Ourse s’applique à exercer sans relâche.
Parce qu’il menaçait l’ordre établi, une décision d’expulsion avait été prise à l’encontre du squat en octobre 2020, décision rejetée par la Cour d’appel d’Angers le 6 janvier 2021. Le 9 février 2021 aurait dû se tenir la Cour d’appel qui devait se pencher sur la décision d’expulsion. Le préfet n’a cependant pas attendu le feu vert de la justice pour organiser l’expulsion des habitant·es en pleine trêve hivernale. Cette décision d’expulsion prise à ce moment empêche les habitant·es de pouvoir se défendre aux yeux de la justice face à un verdict manipulé par la domination des intérêts d’une classe bourgeoise prédominante dans la ville d’Angers.
Les forces de l’ordre ont donc procédé à l’expulsion en faisant usage de la force.
Réveillé·es brutalement, mis·es à terre, parfois même tiré·es par le pantalon, les occupant·es ont été mis·es dehors tôt ce matin là, sans voir de propositions de relogement fiables pour les jours à venir.
Iels ont dû assister, impuissant·es, à la destruction de leurs meubles et de leurs lits par des gendarmes visiblement à la recherche du moindre élément pouvant permettre de mettre à mal les habitants ou les membres du collectif.
Les ordinateurs, outils et disques durs ont été volés et les matelas issus de la donation de sympathisants ou d’associations (Emmaüs entre autres) ont été éventrés. Les chambres construites ont été saccagées et les habitant·es ont découvert nombre de leurs affaires détruites ou disparues.
Un soi-disant test du Covid19 aurait été fait à la sortie de chaque habitant·es, aucun des concernés n’en a vu la couleur malgré que Ouest France l’affirme.
L’inventaire, procédure légalement obligatoire n’a également pas été respectée, ainsi les habitant·es se sont vu·es dans l’obligation de négocier et de « crier comme des putois » face aux salariés de l’entreprise chargés de vider les lieux afin de récupérer la moindre de leurs affaires.
En effet, ceux-ci engagés auprès d’une entreprise privée avaient pour mission de jeter et détruire la totalité des biens.
C’est ainsi que tous les biens matériels des occupant·es, la nourriture, les vêtements, duvets et couvertures ont tout simplement eu le même destin que les ordures, voués à la destruction.
En quelques heures, tout ce qu’ils n’ont pas pu récupérer pendant l’expulsion s’est tout simplement retrouvé jeté dans de grandes bennes avec tous les objets qui avaient entouré un quotidien commun.
Les salariés, par manque de moyen, se sont ainsi retrouvés à utiliser la même charrette qui servait pour les maraudes, pour jeter à la bennes les légumes (fournis par le RAARE, ravitaillement autonome et alimentaire réseau d’entraide) permettant de nourrir des SDF du centre-ville, ainsi que les habitant·es et les « très précaires » qui côtoyaient la Grande Ourse.
On notera que l’un des salariés a refusé de travailler ce jour là en apprenant qu’il s’agissait de l’expulsion de cette dernière.
Chaque bien appartenant à l’un·e des habitant-es a dû être négocié.
En plus de mettre ces personnes sur le trottoir, l’huissier, visiblement peu enclin à agir légalement, porte le coup de grâce en refusant à une dizaine d’habitant·es qui avaient pourtant leur nom sur la procédure de rentrer chercher leur biens.
Ce qui à alors obligé le peu de personnes qui ont pu pénétrer dans le bâtiment à sortir le plus d’affaires personnelles en plus des leurs et du matériel de valeur.
Après avoir refusé toutes les demandes de DALO (droit au logement opposable), les occupant·es se sont vu·es proposer des solutions d’hébergement temporaires (de quelques semaines) sur Saumur, Cholet et pour deux chanceux Angers. Rappelons que toutes ces personnes sont en procédure de régularisation, ce qui leur demande de venir régulièrement sur Angers alors qu’elles sont hébergées loin, souvent à plusieurs kilomètres du centre-ville ou d’un magasin, sans titre de transport ni moyen de se déplacer ou de s’alimenter.
La Grande Ourse ne pourra plus servir de lieu refuge pour les personnes précaires, pour l’organisation de maraudes ou de l’épicerie solidaire.
Pour couronner le tout, dès le lendemain matin, plusieurs voitures de la police municipale et nationale sont venues à l’Étincelle, lieu associatif et événementiel qui a servi de lieu de stockage et de répit après cette dure journée.
Pour enquêter sur le cambriolage du groupe d’extrême droite, arrivé quelques jours plus tôt ?
Non, mais bien pour cette fois expulser les 2 personnes qui y étaient présentes ce matin là, prétextant que la fin de la convention avait pris fin un an plus tôt.
Il est visiblement trop compliqué pour ces sbires de la bourgeoisie de lire correctement une simple date.
Ou serait-ce un coup de pression ?
Le Chabada, salle de concert située à côté de L’Etincelle, s’est ainsi retrouvé averti par la police que des « squatteurs » pourraient tenter de pénétrer dans leur locaux.
La bourgeoisie angevine aurait-elle peur ?
Parce que nous n’acceptons pas que des personnes puissent être expulsé·es de manière indigne, judiciairement douteuse en pleine crise sanitaire, par une bourgeoisie hautaine et méprisante.
Parce que nous n’acceptons pas d’être considéré·es comme de simples pions face à la haine que représente leur cheval de bataille.
Parce que nous n’acceptons pas qu’un investissement permette de jeter à la benne la dignité de simples victimes du colonialisme et d’une société de consommation et de production.
Parce que nous n’acceptons pas une société où le profit est en concurrence avec la solidarité.
Parce que nous n’acceptons pas la censure de l’expression de nos droits fondamentaux, bafoués et réprimés.
Parce que nous n’accepterons plus les injustices sans se BATTRE, nous serons là ! Pour pointer, nommer et les faire assumer l’indifférence de leurs crimes.
Demander n’a JAMAIS suffit, il faut PRENDRE ce qui nous revient de DROIT !
La Grande Ourse, Angers
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Basse-Chaine le 25 janvier 2021 https://basse-chaine.info/?Retour-sur-l-expulsion-de-la-Grande-Ourse-445