Les jardins ouvriers sont toujours menacés par le solarium de la piscine d’entrainement des Jeux olympiques. Il y a urgence car la destruction des cabanes et des arbres est imminente.
Après une manifestation très importante le 17 avril, la lutte continue de s’organiser. Premier grain de sable dans l’engrenage, l’inspection du travail a fait cesser une partie des travaux pour désamiantage illégal.
L’expulsion des précaires des centres d’hébergement de l’autre côté du fort est imminente. Les jardinier.e.s et leurs soutiens organisent maintenant des après-midi « Jardins-Ouverts », avec ateliers et discussions comme perspectives de lutte.
Contexte :
Les projets urbains autour du fort d’Aubervilliers symbolisent ce qu’il y a de pire en matière d’urbanisme pensé pour les promoteurs et contre la population. Un centre aquatique pharaonique et ruineux qui détruirait des terres fertiles. Un projet de rénovation (ANRU-2) côté Emile Dubois qui traîne depuis des années. Des hectolitres de béton pour un éco-quartier ultra-dense et aux espaces verts minimaux. Seuls 18% de logements sociaux y sont prévus (33% étaient imposés par l’ancienne équipe municipale) ce qui démontre que ces logements ne sont pas prévus pour les habitants actuels d’Auber, mais pour d’hypothétiques nouveaux arrivants, forcément plus fortunés. Au passage, expulsion opaque d’exilés en procédure d’asile et de personnes en centre d’hébergement d’urgence, pour faire place nette, vendre plus cher et booster la gentrification. Les JO servent ici à justifier l’urgence et l’inéluctabilité de ces projets saccageurs.
Retour sur la manifestation du 17 avril entre la Mairie et les Jardins :
Grâce à l’énergie de toutes et tous, cette manifestation a été un succès en terme de mobilisation. Le Collectif de défense des jardins, le Collectif Saccage2024, les Brigades de solidarité populaire Aubervilliers-Pantin, XR Pantin, Youth For Climate IDF, le MNLE 93, ainsi que de nombreuses personnes indépendantes ont contribué à l’organisation sur le terrain et aux appels sur les réseaux. Autour d’un millier de personnes étaient présentes. Ce fut une manifestation déguisée, festive, familiale, musicale et autonome. Plusieurs groupes indépendants y ont amené leur propre touche (banderoles, masques, batucadas, dragon, crapaud, infokiosque, opération antipub en amont, etc.).
Cependant, ce côté festif et familial, ajouté peut-être aussi à l’horaire matinal, a laissé l’impression d’un manque de dynamisme sur les slogans chantés. Manif joyeuse et peace donc, mais à l’énergie peu offensive. Ce manque de slogans fait qu’il est probable que les passant.e.s n’aient pas toujours compris de quoi il s’agissait. Les luttes autres que celles des jardins ont eu une faible visibilité (contre les processus de gentrification, contre les aménageurs, contre la destruction du parc Georges Valbon, des terres de Saclay, contre les JO et le Grand Paris, contre l’éco-quartier du fort d’Aubervilliers, etc.). La manifestation s’est terminée par une chaîne humaine, autour et dans les jardins, une barricade symbolique a été posée sur la porte par laquelle rentrent les engins, et les gens ont pu pique-niquer ensuite sur les parcelles menacées de destruction.
Tambouille interne :
Fait remarquable, quelques membres du bureau de l’association qui gère les jardins ouvriers (distincte du Collectif de défense), se sont opposés à ce que les manifestants poursuivent le rassemblement dans les jardins. Il se trouve que le président de l’association est contributeur du blog « Riposte laïque », groupuscule d’extrême droite. Cet honnête homme a été jusqu’à écrire à la préfecture pour demander d’empêcher l’entrée des manifestants dans les jardins. Les forces de l’ordre ne l’ont pas suivi, peut-être du fait du grand nombre de personnes présentes. Il a ensuite cherché à empêcher physiquement des jardinier.e.s de pénétrer sur leur propre parcelle, mais a été écarté. Pour contextualiser tout ça, il faut comprendre que de nombreux jardiniers restent passifs face aux menaces de destruction. Ils sont souvent retraités, certain.e.s ne maîtrisent que partiellement le français, et ne se sentent pas facilement légitimes à contester. D’autres sont simplement résigné.e.s face au grand capital qui arrive avec ses JO et ses plaquettes marketing vendeuses. Tout ça laisse le champ libre à des serviteurs volontaires ou involontaires qui leur facilitent le travail.
L’actualité des aménageurs et des élus :
Pendant ce temps, Grand Paris Aménagement (GPA) a dépensé des dizaines de milliers d’euros d’argent public pour que l’agence de communication Publicis leur produise des éléments de langage (« toolkit de crise » [1]), par peur d’un « déficit d’image » ou comment dépenser toujours plus d’argent public pour justifier l’inacceptable. Ces éléments ont été repris dans le journal municipal par la Maire K. Franclet. Publicis a également fait la liste des associations, journalistes et militants opposés au projet, comme de petits barbouzes disciplinés. En parallèle, des dossiers sortent, avec des faits de racisme et de sexisme à la Solideo (société de livraison des ouvrages olympiques) qui ont été couverts par la direction [2], et des accusations de corruption pour P. Ollier, responsable du grand Paris [3].
Amiante partout, autorisation nulle part :
Les premiers engins sont arrivés sur les jardins le 12 avril pour déménager les cabanes de jardins expulsables, déplacer et tronçonner des arbres, et établir le périmètre du futur chantier. Les plus gros arbres, qui sont les plus anciens, ne sont pas déplaçables et doivent être sacrifiés, ce qui montre l’absurdité et la bêtise du système de compensation. À partir du 3 mai était prévue la destruction de toutes les cabanes restantes.
Mais des jardinier.e.s ont constaté que les ouvriers manipulaient des plaques d’amiante sans protection, et les jetaient avec le tout-venant, sans mesure de tri. L’inspection du travail a été alertée et a fait une visite de contrôle. Camille Vienne-Thery, responsable du projet pour GPA, ainsi que les sociétés Urban Eco et Pian vont devoir arrêter leurs travaux et se mettre en conformité. Cet arrêt pourrait être de plus d’un mois [4]. Des questions se posent : GPA était-il au courant de la présence d’amiante et a-t-il volontairement cherché à contourner la procédure d’évacuation ? La société Pian a-t-elle les autorisations pour ce genre de manipulations ? Par ailleurs, des morceaux d’amiante ont été dispersés dans les allées. La santé des jardinier·e·s a-t-elle été mise en danger ?
Cet arrêt provisoire est une première petite victoire car on sait que les délais pour les JO sont très contraignants et que chaque semaine perdue dans le planning est une grosse épine pour l’aménageur. L’urgence, pourtant, reste. Les arbres sont toujours sous la menace d’une autre société (l’entreprise Lelièvre). Nous allons donc rester extrêmement vigilant·e·s dans les semaines qui viennent.
Et autour ?
Les jardins et leurs jardinier.e.s ne sont pas les seul.e.s à être menacé.e.s d’expulsion par GPA sur le périmètre de la zone d’aménagement concertée (ZAC du fort). De l’autre côté du fort, les habitant.e.s des tours dites « gendarmes » (car elles hébergeaient ces derniers jusqu’en 2015) sont en attente d’une expulsion imminente. ADOMA gère un centre d’accueil d’exilés en procédure d’asile (300 personnes) et les reloge petit à petit, et Caritas gère un centre d’hébergement d’urgence (CHU, lié au 115), dont les 135 habitant.e.s ne savent pas où ils.elles vont atterrir car aucune nouvelle ne leur est communiquée par la préfecture. Dans les rénovations de grande ampleur, c’est évidemment ce type d’hébergement qui saute en premier : on considère que les résidents sont beaucoup plus faciles à déplacer. Sur place, les responsables de ces structures ne veulent pas répondre aux questions de leurs hébergé.e.s et semblent ignorer ce qui se passe en toile de fond (ou ne s’en préoccupent pas).
Une première date d’expulsion avait été fixée au 6 avril pour « la cité Miriam » (celle gérée par Caritas), puis reportée sans autre information. L’attente et l’arbitraire donc. Les villes de Drancy, Montreuil, Villemomble sont citées comme point de chute possible, sans plus de détails. Dans quelles conditions vont-ils.elles être relogé.e.s ? Leur revendication principale est d’avoir des chambres individuelles (comme c’est le cas à présent), et des sanitaires pour 2 ou 3 personnes maximum.
Ces expulsions sont injustifiables car GPA n’a pas pour l’instant de projets à proposer pour ces tours. D’ailleurs l’aménageur ne répond pas aux questions sur ce sujet. Combien d’années les tours vont-elles rester vides après ces expulsions ? Concrètement, faudra-t-il payer des gardiens pour des tours vides mais habitables ? On imagine aisément que la présence de précaires et d’exilé.es abimerait l’image de l’éco-quartier et que les déplacer servira avant tout à vendre plus cher les futurs logements.
Qu’est-ce qu’on fait maintenant ?
Dans l’optique de continuer à faire connaître les jardins, mais aussi pour se défendre et s’organiser contre l’ensemble des agressions, des collectifs réunis proposent des ateliers tous les jours à partir de 14h. On parlera de résistance et on imaginera un avenir favorable pour les jardins, mais on fera aussi de la permaculture, on discutera de plantes sauvages comestibles, et des valeurs du sport. Un chantier de construction participatif est également prévu. Le programme est là, vous pouvez y contribuer : t.me/Jardinsadefendre (sur Telegram)
Venez, participez et organisons ensemble la suite de la bataille !
Notes :
[1] Médiapart.
[2] Médiapart.
[3] Médiapart.
[4] Le Média TV.
[Publié le 26 avril 2021 sur Paris-Luttes.info.]