Calais: 10 jours au squat de la rue Frédéric Sauvage

La semaine dernière, de nouveaux squats ont été ouverts à Calais par plus de 100 militant.e.s venu.es de toute l’Europe pour lutter pour le droit au logement, dans un acte de solidarité transfrontalière avec les personnes exilées bloquées à la frontière franco-britannique. Après 4 jours de siège, la tour de la rue d’Ajaccio a été violemment expulsée le 11 février à l’aide d’un hélicoptère de la police, de l’unité du RAID qui est entrée par le toit en utilisant des explosifs, et de nombreux CRS dans les rues. Un militant a été arrêté pendant l’expulsion mais tous.tes les autres ont réussi à s’échapper du bâtiment et à rejoindre nos camarades dans la rue, où les CRS ont tiré une quantité ridicule de gaz lacrymogènes pour vider la zone.

Notre maison de la rue Frédéric Sauvage tient jusqu’à présent, bien que la situation juridique soit floue et que nous attendons toujours l’arrivée de l’huissier. La Mairie et la Préfecture ont fourni des informations incohérentes concernant les procédures légales relatives à cette maison, et nous craignons qu’elles ne cherchent à trouver un à moyen de nous expulser illégalement.

L’état de la maison est bien meilleur que lorsque nous avons emménagé : nous avons commencé à nettoyer, à faire des réparations et à organiser l’espace, mais tout cela est rendu plus difficile par le fait que l’électricité du bâtiment a été coupée par la compagnie d’électricité Enedis en collusion avec la Mairie et la police. Bien que ce soit un outil fréquemment utilisé par les autorités locales pour empêcher les espaces autonomes d’exister, empêcher quiconque d’avoir de l’électricité est illégal.
La maison a commencé ces derniers jours à devenir un espace de vie partagé, et nous travaillons à créer un espace digne, collectif, autonome et sûr. Nous voulons que ce lieu soit un espace ouvert où le statut administratif d’une personne n’a aucun impact sur sa capacité à vivre dignement, à faire l’expérience de la solidarité et à voir ses besoins fondamentaux satisfaits. Plus qu’un simple toit, nous voulons qu’il devienne un foyer, où tous les habitant.e.s ont un lit et peuvent se doucher, peuvent s’organiser politiquement, peuvent se soutenir, peuvent cuisiner pour eux.elles-mêmes et pour les autres, peuvent laver leurs vêtements, peuvent rencontrer des gens et inviter des amis, peuvent accéder à des soins médicaux et à un soutien juridique, peuvent se reposer, grandir, lire, peindre, apprendre, jouer, faire la fête…

Ce qui peut sembler être le quotidien de tant de personnes est un projet politique radical à Calais : une ville frontalière ségréguée où les espaces de vie auto-organisés et horizontaux entre les personnes exilées et les personnes solidaires sont absents.

En ouvrant des squats, nous espérons briser les cycles vicieux de violence, de racisme et de déshumanisation de l’État et de la police qui continuent à Calais, et dans le monde entier, pour faire respecter les frontières nationales. Les politiques violentes et racistes qui ont transformé les questions politiques des frontières et de la libre circulation en une crise humanitaire à Calais ont pour but de diviser les gens entre ceux qui ont des papiers et ceux qui n’en ont pas, d’exclure et d’isoler davantage les personnes exilées, de limiter les possibilités de solidarité et d’imposer violemment ces distinctions dans nos vies et dans nos sociétés. Cette maison sera un espace partagé entre les personnes sans papiers bloquées à Calais et les personnes avec papiers solidaires, car nous voulons détruire les distinctions artificielles entre nous. Cette maison est le premier de nombreux autres squats qui luttent contre ces dynamiques à la frontière franco-britannique.

Alors que ces actions d’occupation de bâtiments se sont déroulées, l’Etat français poursuit ses politiques violentes et déshumanisantes pour imposer la misère aux personnes bloquées à Calais. Au cours des 10 derniers jours, 65 expulsions d’espaces de vie ont eu lieu et 81 tentes ont été volées par la police, dont beaucoup étaient remplies d’effets personnels. La pression sur les associations travaillant à Calais se poursuit : plus de 1000 € d’amendes ont été infligées à une organisation distribuant de la nourriture sur un seul site d’habitation où, par le biais d’amendes, d’intimidations et de menaces d’arrestation, la police tente de rendre impossible l’accès à la nourriture et à l’eau pour les 650 personnes qui y vivent. Nous condamnons ces politiques violentes et racistes. Nous condamnons les personnes sans cœur qui donnent les ordres et les personnes sans cerveaux qui les exécutent. Nous condamnons les Etats qui font respecter les frontières nationales et un système raciste de liberté de circulation dans le monde, tout exerçant une violence néocoloniale et créant des conflits.

Nous exigeons toujours :

– la fin de toutes les expulsions à Calais
– la régularisation de tous les squats de Calais
– la fin du harcèlement et de la violence de la police envers les personnes bloquées à la frontière et les personnes qui les soutiennent
– la réquisition immédiate de tous les bâtiments vides à Calais pour offrir des solutions d’hébergement à tous ceux qui dorment dehors, quelle que soit leur situation administrative.

Nous sommes reconnaissants pour tout le soutien que nous avons reçu, de la part de voisin.e.s, de camarades, de Calaisien.e.s et d’associations. Il a été bouleversant et nous a rempli de confiance pour continuer la lutte contre les frontières, le racisme, le capitalisme et le patriarcat.

Calais – logement pour toustes
calaislogementpourtoustes [at] riseup [point] net


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