25 Juin / Athènes / manifestation place d’Exarcheia
Les projets de construction d’une station de métro sur la place du quartier d’Exarcheia ainsi que des travaux de rénovation de la colline de Strefi (L’unique poumon vert du quartier) débuteront pendant la saison estivale, selon les publications dans la presse proche du pouvoir ainsi que les avertissements de la municipalité d’Athènes aux commerces qui entourent la place.
Cet ultimatum du gouvernement est le coup de grâce à la physionomie du quartier historique d’Exarcheia: La construction d’un métro sur la place, la réification progressive de l’école Polytechnique passant de lieu de mémoire vivant en musée, la tentative d’effacement du monument à la mémoire d’Alexandros Grigoropoulos par la construction d’immeubles luxueux rue Messologiou, la vente de la colline de Strefi à une société d’intérêts privés (pour une exploitation qui comprends la destruction par le bitume des vieux sentiers, des coupure d’arbres, des installations de caméras de surveillance ainsi que de grillages et des vigiles pour contrôler les entrées et sorties) font partie d’un plan global de gentrification du quartier, et de sa transformation progressive en une destination touristique aseptisée par la «croissance» et la répression.
Le déplacement des couches plus populaires de la population est la suite logique de ce processus, la possibilité d’un logement à prix décent étant rendu virtuellement impossible à cause de la flambée des loyers, de la déferlante Airbnb et des compagnies privées spéculant sur les biens immobiliers. Une pratique violente banalisée par l’état et le capital pour déraciner toustes ceux et celles qui sont connectés au quartier, et ainsi les forcer à progressivement à l’abandonner pour des endroits plus excentrés et abordables. Il apparait clairement que la station de métro en question ne vient pas s’installer dans le contexte actuel afin «de servir les besoins de la populationdémunie», comme les plumes soi-disant «indépendantes» des journalistes locaux n’ont de cesse d’écrire. Le quartier d’Exarcheia est doté d’un grand réseau de transports publique qui couvre les besoins de sa population, et les discours sur l’assistance des citoyens sont pour le moins culotés et cyniques quand ils sont prononcés par les principaux responsables de l’augmentation du cout de la vie: ce sont les mêmes partis politiques qui, peu importe leur orientation, ont provoqué à coup de mesures néolibérales l’inflation des prix de l’électricité, des loyers, du carburant et de la nourriture, marginalisant encore plus les pans de la société qui peinaient à se procurer le minimum nécessaire.
Une station de métro sur la place d’Exarcheia va également détruire un des rares endroits publiques dans le centre-ville d’Athènes et l’unique place du quartier, coupant les arbres, installant escalators et bouches d’aération, rendant les lieux impossibles à reboiser sous les épaisses plaques de béton. La place sera transformée en un chantier bruyant et polluant pour une dizaine d’années minimum, servant à terme les projets de socialisation territoriale visant à changer un lieu de vie et de possibles en zone tampon nécrosée, un endroit de passage dont le flux incessant de consommateurs viendra appuyer sur un endroit déjà fortement gentrifié.
C’est pourquoi, dans le contexte actuel, la protection du quartier réside selon nous dans la résistance à ce projet.
En pleine crise capitaliste et sanitaire, l’État a déployé une stratégie globale de prévention devant le danger imminent de soulèvement sociaux incontrôlables. C’est dans cet encadrement que viennent s’ajouter le décret servant à criminaliser plus facilement le droit aux manifestations, ainsi que la montée de la violence criminelle des forces de répression étatique (comme le passage à tabac par la police d’un camarade il y’a à peu près un an aux évènements de Nea Smyrni, ce qui provoqué d’importants affrontements des antifascistes envers les forces de répression) Dans la même lignée, sont inclues les évacuations de nombreuses occupations, l’annulation du droit d’asile universitaire avec la création d’une police spéciale pour les universités publiques, la criminalisation du syndicalisme basique ainsi que de l’arme sociale qu’est la grève, ou encore les arrestations arbitraires des camarades… La mise au pas d’un quartier riche en luttes, symbole international d’insoumission, par l’évacuation progressive de ses lieux névralgiques de résistances, par la persécution des réfugiés et d’autres minorités en danger, par l’étouffement de tout remous à coup de lacrymo et de surveillance n’est qu’une étape de plus dans ce mécanisme d’état prêt à compresser n’importe quel lieu de vie pour assouvir ses projets.
À travers le temps, le quartier d’Exarcheia a connu les effusions de sang et les passages à tabac de dizaine de camarades, avec comme pics de barbarie et d’assassinat d’état les meurtres des jeunes révoltés M. Kaltezas devant l’école Polytechnique le 17/11/1985, celui d’A. Grigoropoulos le 6/12/2008 rue Messologiou ainsi que le lynchage de l’activiste queer Z. Kostopoulos rue Glasdonos le 21/09/2018.
Le réel danger pour n’importe quel État, ce sont les valeurs de la solidarité de classe, de la résistance combattive, de l’impulsivité, de l’autogestion sociale, de l’antiracisme, de la coexistence et du respect entre les gens peu importe leur genre ou leurs origine, des valeurs tenaces face à un monde dans lequel les patrons et leurs semblables n’ont plus rien à promettre à part la misère, la répression, le fascisme. Et ce sont ces valeurs et leurs combats que l’état veut oblitérer dans Exarcheia, dans les centre-ville et dans chaque quartier, où l’histoire même des lieux devient un prétexte pour vendre un divertissement alternatif.
Mais peu importe les efforts du gouvernement allié au capital pour qu’ Exarcheia cesse d’être un endroit mû par ses idéaux politiques, sociaux et se «normalise», il trouvera face à lui et par tout temps des milliers de personnes prêtes a résister et à défendre leur quartier. Nous tous.tes qui vivons ici, travaillons ici, aimons y flâner et aimons faire vivre ce petit bout de terre nous sommes prêts à défendre ce quartier du monde «qui trouve de la place pour une multitude de mondes». Pour un endroit ou peuvent se rencontrer librement et avec respect des gens d’horizons divers, et où la solidarité de classe peut être une réalité concrète et non un fantasme. Pour un quartier ou peut fleurir l’émancipation de la barbarie étatique et capitaliste, ainsi que des nouvelles formes d’autogestion sociale. Un quartier où peuvent trouver refuge les «différents» ainsi que les «poursuivis» du pouvoir. Où l’héritage riche des formes de luttes passées peut interagir avec les questionnements, les angoisses et les réactions du moment. Car la «normalité» qu’ils essayent d’imposer n’est autre que le terreau fertile du cannibalisme, des inégalités, du repli sur soi, du contrôle et de la répression.
Pour toutes ces raisons nous appelons à une journée internationale d’actions pour la défense du quartier d’Exarcheia.
Nous vous invitons à organiser des actions riches et variées de solidarité et de défense du quartier d’Exarcheia. Ce combat est un combat pour la protection de chaque quartier, de chaque embryon de résistance, de chaque endroit qui cultive le soulèvement, l’organisation horizontale et la solidarité de classe contre la mafia de l’État et du capital qui oppresse et dicte nos vies.
Coordination d’actions pour la défense d’Exarcheia
[Publié le 9 juin 2022 sur Indymedia-Athènes.]