Notre-Dame-des-Landes: une grenade sur l’ex-ZAD

Un appelliste©® 🤮 a fait exploser une grenade dans la caravane d’une personne qui s’oppose à la propriété privée et donc aux autoritarismes de ce lieu.

Propriété privée que les appelistes©® ont obtenu sur le dos d’une lutte en négociant et dealant avec l’État contre l’avis de la plupart des autres occupant-e-s. Tout ça pour défendre la propriété privée négociée/concédée ? 🤮

A propos des violences qui découlent des divisions orchestrées par l’État et ses collaborateurs sur la ZAD de NDDL (Notre Drame des Landes)

Déclaration lue le 8 novembre 2022 devant l’Assemblée dite Générale des Usages au sujet de l’agression du 19 octobre et de ses suites.

En mai 2018, le jour de la deuxième vague des expulsions qui ont eu lieu sur la zone, un jeune homme venu défendre la ZAD a une main arrachée par une grenade lancée par la gendarmerie. En 2022, c’est l’un d’entre nous, habitant de la zone que tout le monde connaît ici, qui est mutilé à son tour par un engin explosif déposé dans sa caravane par un autre zadiste. Cet acte criminel s’est passé à deux pas de cette salle, dans la haie qui délimite le terrain sur lequel il y a quelques jours encore, certains célébraient comme si de rien n’était le nouvel an celte si ce n’était pas Halloween…

Dans un cas comme dans l’autre il ne s’agit pas d’un « accident », comme voudraient bien le laisser entendre les défenseurs de l’agresseur. Dans un cas comme dans l’autre, il s’agit du résultat de l’usage de la force, de l’usage de la violence comme moyen d’imposer sa volonté aux autres, une violence qui soutient depuis longtemps sans dissimulation la politique dite « majoritaire » sur la ZAD, ses mensonges, ses trahisons et ses petits trafics d’intérêts. Face à des personnes comme la victime qui, non seulement ne sont pas dupes mais pour autant ne se résignent pas à s’en laisser imposer, qui ne plient pas, ne cèdent pas, l’intimidation restant sans effet, il n’y a pas à s’étonner que la violence débouche un jour sur de tels passages à l’acte. Il s’agit d’autant moins d’un accident que le conflit était ancien et que, ces derniers temps, certains proches de la victime s’inquiétaient de voir à nouveau la situation s’envenimer.

Comment en est-on arrivé là ? Les faits sont têtus face à celleux qui voudraient dénier toute dimension politique à l’agression dont notre ami a été victime, en la réduisant à une simple querelle entre deux personnes. Car qui sont ces deux personnes ? D’un côté, l’agresseur appartient à ces anciens, ces notables de la zone dont tout le monde connaît le nom. Leur position fondée sur l’antériorité mais aussi acquise et maintenue pour beaucoup par la force et l’exclusion des opposants, s’est trouvé confortée lors des expulsions de 2018 par l’accord qu’ils ont alors passé avec l’État. Occupant déjà avec sa famille une des maisons rescapées des destructions de 2012, il a été choisi pour porter un des projets présentés à la préfecture et est, de ce fait, devenu locataire en titre des terres environnantes, sur lesquelles se trouvent notamment l’Ambazada où nous nous trouvons, mais aussi la caravane dans laquelle a été posé l’explosif. On a pu mesurer l’influence qu’un tel personnage exerce ici à l’ardeur mise par beaucoup à prendre sa défense lors des deux réunions au Gourbi en tentant de minimiser la gravité de son geste, certain-es finissant par s’avouer incapables d’imaginer la ZAD sans lui.

En face, la victime, elle, n’est arrivée qu’en 2018 après les fameux affrontements, ce qui ne fait tout juste qu’un peu plus de quatre ans, de quoi selon les mœurs locales pouvoir lui rappeler encore longtemps qu’il est tout juste un nouveau venu bon à la fermer. En tout cas s’il n’accepte pas le meilleur des mondes possibles tel qu’on le conçoit ici sur la ZAD, notamment à travers vos groupes de travail et cette assemblée qui vous réunit aujourd’hui. Seulement voilà, la victime, elle n’est pas du genre à s’en laisser ainsi conter. Ce n’est pas non plus un petit jeunot que l’on peut facilement manipuler ou intimider. Très vite notre ami a bien vu que quelque chose ne tournait pas rond ici, qu’il y avait quelque chose de pourri au royaume de la ZAD. Quand on arrive dans vos collectifs avec derrière soi une vie de travail, que l’on a connu l’usine ou les champs… les petits chefs, les exploiteurs, on les repère de loin. Quand par conviction, engagement on a parfois tout risqué, comment supporter les postures et les imposteurs qui règnent ici ?

Voilà comment celui venu ici comme tant d’autres pour participer à ce qui est vendu à l’extérieur comme une si belle expérience de lutte et de vie communes, a vite rejoint devant la triste réalité de la ZAD, les quelques opposant.e.s, resté.e.s réfractaires à la tentative d’hégémonie politique sur laquelle a débouché l’abandon du projet d’aéroport et la légalisation. Alors que découragé.e.s à force de vexations et de brimades, la plupart partaient, lui restait. Pire, comme il refusait de déplacer sa caravane, l’on avait fini par le reléguer dans une haie, et l’entourer de cochons et de poules. Car notre ami qui a perdu la main a tué une poule, c’est cela qui à défaut de la justifier, a déclenché la réaction, certes disproportionnée, du propriétaire de ladite poule. Une simple histoire de poule et de voisinage qui aurait mal tourné alors ? Ceux qui voudraient en rester là oublient le contexte. Depuis quelques semaines c’est toute une portée de poulets issus des poules installées à proximité de sa caravane et des cabanes par son puissant voisin qui envahissaient quotidiennement son lieu de vie. Rendu fou d’exaspération, notre ami, connu pourtant pour sa sensibilité envers les animaux, a fini par tuer une poule. La riposte n’a pas tardé sous la forme d’une grenade déposée dans sa caravane, grenade ou explosif improvisé qui lui a arraché la moitié de la main et mutilé des éclats sur ses deux jambes !

On sait comment ici les animaux participent des stratégies d’occupation du territoire et d’élimination des opposant.e.s, en vue de l’appropriation de ces terres gagnée par la lutte. Il y a eu le précédent du Rosier, il y a aujourd’hui les luttes d’influences autour des friches de l’est, qui ont été accompagnées des classiques coups de pression et menaces proférées contre chiens et copain-es autour de la Gaité et de la Belliche… Alors que l’un de nous est encore à subir des opérations à la clinique de la main, il n’y a pas de trêves aux hostilités : dimanche, en l’absence des habitant.e.s, des arbres ont été tronçonnés à la Belliche dans les haies et jusque devant le lieu de vie !

On se rappelle comment, lors du grand monopoly des fiches, le champ où était posée la caravane de la victime a été laissé au Moulin, l’équipe de la Wardine reculant devant la perspective de conflit avec les occupants des cabanes et autres habitats légers qui y étaient établis. Le voisin qui sait manier aussi bien la manière douce que la manière forte s’en chargerait… Si certain.e.s doivent aujourd’hui être soulagé.e.s d’avoir pris une telle décision, on voit où tous ces calculs nous ont menés. Pourtant d’autres ne semblent pas encore découragé.e.s d’user encore et toujours de la manière forte ! Jusqu’à quand ? Jusqu’à quel nouveau drame ?

Il faut dire que l’habitude est ancienne et solidement inscrite dans les fameuses coutumes de la ZAD. Cela commence par les insultes, le mépris, le rejet systématique de tous les trop sensibles, des écorché-es, de ceux que l’injustice et les inégalités révoltent, de ceux que l’on juge sur leur mode de vie, leurs chiens, leur dégaine, leurs cabanes de l’est, de tous ceux qui font tâche dans le paysage tel qu’il a été redessiné par les accords entre les agriculteurs de la zone et la préfecture.

Quand les insultes et l’exclusion ne suffisent plus, suivent les menaces et les intimidations physiques. L’agresseur ne s’est jamais caché de participer à de tels coups de pression.

Déjà inquiété par la police pour des violences contre un autre zadiste, il en a été quitte pour quatre mois de préventive. A l’époque vous criiez à la manipulation politique, qu’allez-vous dire aujourd’hui ?

Il se trouvait malheureusement détenu au moment d’officialiser son accord avec l’État ? Qu’à cela ne tienne : il a signé sa COP en prison. En d’autres circonstances, de tels faits lui auraient valu d’être entouré d’une certaine circonspection à son retour parmi les militants. Non, ici l’enfant prodige est accueilli en héros. Mais quand on en arrive là, comment peut-on encore prétendre poursuivre une quelconque politique si ce n’est faire celle de l’État. bien aise de voir l’esprit militant de la ZAD s’émousser au profit de l’esprit de propriété, quitte à fermer les yeux sur le reste…

D’ailleurs la police ne s’y trompe pas : la commandante de la gendarmerie locale semble déjà, sinon avoir pris son parti, du moins chercher quelques circonstances atténuantes à l’agresseur. Croisée par quelques copaines lors de la perquisition effectuée au Moulin, ne s’est-elle pas enquise auprès d’eux si la victime était bien un « emmerdeur » comme elle se l’était laissée entendre dire. Pourtant ce n’est certainement pas l’image que celle-ci a sur la zone, tout au contraire, mis à part ce conflit avec son voisin, nul ne lui connaît d’histoire.

Alors que du côté des proches de la victime, aucun communiqué n’a encore été publié, certains s’empressent de diffuser à Paris et ailleurs la thèse absurde de l’accident, quitte à devoir discréditer la victime pour ce faire. Mais ils n’ont pas le choix, puisque, pour eux, il est essentiel de cacher les causes réelles du drame. Car quelles sont-elles ? Notre vieux compagnon de lutte, Paul, qui connaît la ZAD avant ses débuts, l’a fort bien rappelé lors de la deuxième réunion du Gourbi : la cause de toutes ces violences, c’est la propriété.

Alors qu’il avait encore été promis lors du processus de légalisation que les projets agricoles individuels, les seuls acceptés sur les petites fiches fournies par la préfecture, continueraient à couvrir d’un « parapluie » légal des projets qui resteraient, eux, collectifs et ouverts, force est de constater, cinq ans bientôt après l’abandon du projet d’aéroport et donc le début du processus de légalisation, qu’il n’en est rien. Presque partout l’esprit de propriété triomphe. Combien parmi vous respectent encore cet engagement , ces fameuses propositions ? Lesquels parmi vos vingt et quelques projets, jouent encore un jeu collectif et pratiquent l’ouverture ? Mise à part Sème ta Zad, et quelques autres ?

Est-on condamné à en rester là ? On attend trente ans pour faire le bilan et remettre les terres au pot commun, c’est ça ? D’ici là vous me direz les gamins auront grandi, ils seront peut-être en mesure de reprendre la ferme, la petite exploitation familiale…

Nous n’étions pourtant pas venus pour cela, si vous vous rappelez bien, pas seulement lutter contre un aéroport, mais aussi contre son monde. Comment alors en est-on arrivé-es là, comment en quelques années a-t-on pu laisser se reproduire tout ce que nous étions censé-es combattre ?

Ce que nous auront appris aussi ces quelques années, si nous l’avions oublié, ce qu’elles auront confirmé d’un point de vue strictement pratique, c’est à quel point ce sont la propriété et les inégalités qui en découlent qui engendrent la violence !

Nous résigner à voir revenir la propriété sur cette zone gagnée par une lutte commune c’est nous résigner en même temps à en subir les conséquences et en premier lieu la violence qui accompagne l’appropriation des terres et des moyens de production. Car il ne peut y avoir de propriété sans violence, d’autant plus quand elle est fondée sur la privatisation du bien commun.

Voilà qui explique facilement pourquoi les pires violences se sont toujours exercées dans le même sens ici. On crie haro sur les schlags, on les accuse de tous les maux, mais au final ce sont les soi-disant bons élèves, ceux qui ont passé un accord avec l’État pour se partager la zone qui, pour protéger ce qu’ils considèrent comme leur appartenant, s’en prennent à ceux qui n’ont rien.

Si c’était l’inverse qui se passait, on sait très bien comment nous serions tous immédiatement tenus pour responsables, collectivement, de la bêtise du copain, nous les schlags ! A l’inverse que voit-on aujourd’hui ? Quel bel élan pour, à la fois, dénier tout caractère collectif au drame tout en volant au secours de l’agresseur !

Que voit-on depuis que cette histoire malheureuse est arrivée ? De qui se soucie-t-on le plus au final ? A qui va la compassion ? A la victime ou à l’agresseur ? Lors des deux assemblées au Gourbi, il a été beaucoup question de « réparation ». Mais que comptez-vous réparer ? La main du copain amputée de deux doigts et dont les médecins tentent de sauver le reste ? C’est un peu tard. Ou plutôt de sauver la position ébranlée de votre camarade ?

Quand vous avancez cette nécessité de réparation, cela ne vous sert encore qu’à plaider la cause de l’agresseur. C’est votre meilleur argument pour lui éviter de devoir quitter la zone comme il est juste. Non, au contraire, on devrait le laisser rester pour lui permettre de réparer ce qu’il a commis et prendre soin de la victime. Où avez-vous vu cela ? Est-ce ainsi que les autres ont été traités, tous ceux que vous avez éloignés de la zone ? Et encore celui-ci ne risque pas de partir dans un coffre, bras et jambe brisés pour finir par être jeté à poil dans un fossé au petit matin. Vous voyez cela vous laisse encore quelques privilèges, quelle que soit la gravité de l’acte en regard des motifs qui ont valu à certains de bien pires traitements. On vous les concède, ces derniers privilèges, mais le temps des deux poids deux mesures est vraiment fini !

La vraie raison de cette soudaine mansuétude a été donnée lors de la première réunion : l’agresseur a son nom sur sa fiche. Plus tolérant que d’autres, nous rappelle-t-on, lui accepte d’accueillir caravanes et autres mobile-homes sur ses terres. Pour qui n’aurait pas encore compris, voilà encore une jolie manière de nous confirmer comment vous prétendez gérer ce territoire, maintenant que vous êtes reconnus légalement : pour s’installer aujourd’hui sur la zone il faut avoir l’aval des gens en place, ceux qui ont signé les fifiches de la préfecture… Même pour s’installer sur des terrains où, si ça se trouve, ils n’ont jamais mis les pieds, et même pour rester sur des lieux de vie occupés bien avant les signatures, il faut votre aval, comme le montre l’exemple du collectif du Rosier expulsé par vos soins au bénéfice des voisin-es éleveur-euses, les pressions actuelles sur les habitants de la Belliche.

Ceci dit, cette hospitalité reconnue du maître du Moulin qui ne saurait lui valoir immunité, lui permet de compter aujourd’hui sur un comité de défense fourni et motivé à défaut d’être toujours bien habile. Il faut dire que la tâche n’est pas facile !

Après avoir de fort mauvais gré fini par accepter l’éloignement de l’agresseur que tous nous demandions, voilà les mêmes qui se constituent à l’initiative de sa propre compagne en un « comité de suivi du conflit du quartier de la Saulce », composé donc essentiellement de leurs amis et qui pousse l’aplomb jusqu’à prétendre choisir parmi les proches de la victime qui serait invité à y participer. Un copain qui a eu ce privilège est allé leur dire ce que l’on en pensait.

Il y a en outre appris qu’on y parle encore beaucoup de justice réparatrice et transformatrice, c’est-à-dire qu’on s’y préoccupe toujours plus du sort de l’agresseur que de celui de la victime. Il est même question de faire preuve d’humanité à son égard ! Il est temps de s’en préoccuper, d’humanité, quand c’est l’un de celleux qui viraient les autres qui doit répondre de ces actes après avoir enfreint toutes les limites que vous aviez fixées pour justifier les coffrages et autres expéditions punitives. Mais après tout ce n’étaient que des schlags !

Ah oui, le comité prohibe aussi toute référence aux conflits politiques antérieurs !

Malgré leur proposition, trop aimable, d’envoyer un délégué de plus laissé à notre libre choix, ce comité on le leur laisse. Ils n’ont qu’à le transformer ouvertement en comité de défense de l’agresseur, ce sera plus clair.

Nous apprenons aussi que c’est maître Vallée, le principal avocat de la « Legal Team » de la zone qui serait chargé de la défense de l’agresseur dans cette affaire qui pourtant n’a rien à voir avec la lutte contre la répression. Certains, bien naïvement, proposaient que l’on fasse appel à lui pour s’occuper des droits de la victime, mais non encore une fois, c’est l’agresseur qui en bénéficiera. Il faut dire que cet avocat avait assuré sa défense lors de son incarcération précédente.

Quant aux éventuelles réparations évoquées pour la victime de la part de son agresseur, ce n’est certainement pas ce que celle-ci attend. Tout simplement, la victime, elle, ne s’imagine pas revenir sur la zone pour le croiser, lui, son agresseur. Faut-il donc que ce soit elle qui cède la place ? Non ce n’est pas imaginable, donc l’agresseur doit partir et il est vraiment prématuré et déplacé de s’inquiéter des conditions d’un éventuel retour.

Et pour conclure, qu’en est il de cet autre monde que nous prétendions vouloir construire collectivement, ici ? Allons-nous continuer dans la violence, les inégalités, les tensions, les séparations ?

Il serait plus que temps que chacun réfléchisse à ce qu’il poursuit ici.

– Sommes-nous capables de faire preuve de partage, d’entraide, de respect ? Ou allons-nous continuer à nous battre pour l’occupation des terres ?

– Peut-on mieux faire que de reproduire les schémas de la société capitaliste ?

Tout le monde a le droit d’exister.

Il est temps de cesser les querelles et de chercher collectivement un apaisement pour tous et toutes ici sur zone.

[Publié le 27 novembre 2022 sur Indymedia-Lille.]