Le 3 juin, le nouveau foyer Bara va être inauguré en grandes pompes par la mairie de Montreuil. Depuis quelques semaines, cette dernière fait sa pub dans les rues de la ville sur de grandes affiches disant comment elle fière d’« accueillir dignement les travailleurs migrants ». C’est très énervant quand on sait que cette rénovation fut aussi synonyme d’expulsion des « habitant.e.s sans titre », de suppression de la cantine et d’augmentation du contrôle des résident.e.s. Alors, à quelques-un.e.s, on est allé.e.s recouvrir leur propagande avec le texte ci-dessous et quelques affiches qui rappellent entre autres comment ces pourritures profitent des pauvres pour faire campagne.
Si aujourd’hui la mairie de Montreuil se vante d’avoir rénové le foyer Bara et d’y reloger des travailleur.euses migrant.e.s, c’est évidemment sans préciser que cette opération s’est accompagnée d’une expulsion des résident.e.s qualifié.e.s de « surnuméraires » dans le langage officiel, c’est à dire les personnes qui vivaient au foyer de manière informelle, sans contrat nominal avec le gérant Coallia.
C’est également sans préciser que la restructuration du foyer en « résidence sociale » signifie la suppression de la cuisine collective où une cantine quotidienne permettait à de nombreu.ses.x habitant.e.s du quartier d’avoir un repas pour environ 2 euros. C’est sans préciser non plus que les habitant.e.s de cette « résidence sociale » ne sont pas libres d’héberger des proches comme ils le souhaitent, alors qu’ils payent un loyer mensuel de 400 euros…
Faisons un petit retour en arrière… Au foyer Bara plein de gens en galère, sans titres de séjour, se débrouillaient pour s’y loger sans passer par Coallia, dans les parties communes ou en partageant des chambres. C’est plusieurs centaines de personnes qui y vivaient comme ça, en plus des 250 habitant.e.s officiels que la mairie a compté au moment de la fermeture du foyer en novembre 2018. Deux mois plus tôt le maire Patrice Bessac avait réquisitionné les anciens locaux de l’AFPA pour loger ces 250 résident.e.s pendant les travaux et, en bon politicard, faire son coup de com’ sur les réseaux…
Le lendemain de la fermeture du foyer, environ 300 personnes attendent devant l’AFPA pour pouvoir entrer. Au bout de 3 jours et 3 nuits, quasiment tout le monde parvient à rentrer grâce, entre autres, à une grosse mobilisation de soutien. Sauf que, par la suite, des cartes de résident AFPA sont distribuées aux anciens habitants légaux du foyer et la mairie met des vigiles pour contrôler toutes les allées et venues 24h/24. Au début, certaines personnes passent ainsi de longs mois renfermées à l’intérieur de l’AFPA car elles n’ont pas le fameux sésame et si elles sortent les vigiles ne les laissent pas rentrer de nouveau.
En octobre 2019, après un an d’occupation des locaux de l’AFPA, la préfecture reloge les 250 habitant.e.s « avec contrats » dans des préfabriqués dans le haut-Montreuil puis expulse tous les autres du bâtiment. I.e.ls sont foutu.e.s dehors notamment car les autorités prévoient d’aménager les nouveaux locaux de la cour nationale du droit d’asile, cette sale institution qui chaque jour trie les « bons migrant.e.s » des « mauvais migrant.e.s » pour finalement envoyer ces derniers en CRA et les expulser… Ce projet, de toute évidence, la mairie de Montreuil en avait connaissance au moment de la réquisition, mais tout ce qui compte pour le maire et ses acolytes c’est la com’, peu importe si, un an plus tard, des gens finissent dans des préfabriqués et d’autres se font expulser, ordures…
Dans les jours qui suivent, les expulsé.e.s de l’AFPA, qui dorment sur le trottoir sous la flotte, décident de mettre la pression sur la mairie pour qu’elle leur trouve un nouveau logement. Peu de temps après un squat est ouvert dans un hangar avec quelques bureaux appartenant à l’EPFIF au 138 rue de Stalingrad. La coïncidence laisse peu de doute au fait que la mairie a provoqué cette ouverture. D’ailleurs c’est une stratégie qu’elle expérimente régulièrement. Pour se sortir de l’embarras d’une situation de conflit qui commence à faire un peu trop de bruit, elle pousse à l’ouverture de bâtiments dont elle n’est pas propriétaire et qui présentent peu d’intérêt urbanistique dans l’immédiat, quitte à proposer à des gens de vivre dans des hangars pourris, sans toilettes ni douches. Et puis, dans les lieux vides dont elle est propriétaire, la mairie préfère signer des conventions d’occupation avec des collectifs d’artistes ou des associations qui se fondent bien mieux dans le paysage montreuillois embourgeoisé, assurant dans le même temps le gardiennage des bâtiments.
Au 138, c’est mieux qu’à la rue mais ce n’est pas la joie, loin de là : la mairie fait livrer des lits superposés, ouvre trois pauvres fenêtres sur un côté du hangar et fait poser quelques douches et WC à l’arrache, mais ça reste indigne et surpeuplé par rapport à la surface du lieu. Pour les environ 300 personnes qui habitent le 138, les conditions de vie sont les mêmes qu’à Bara, voire pire, notamment parcequ’il n’y a pas de cuisine. Pourtant, Bessac et son équipe ont tout de même cherché à profiter de la situation en vue des élections municipales de 2020. Comme des charognards, toujours à l’affût d’une occasion de faire parler d’eux, ils sont allés distribuer aux habitants leurs badges de campagnes…
Aujourd’hui, après toutes ces galères vécues pendant cinq ans par les anciens résident.e.s du foyer, et pendant qu’une partie d’entre eux sont toujours dans un hangar miteux en voie d’expulsion, la mairie, elle, n’a toujours qu’un seul objectif en tête : faire sa pub sur le dos de la misère. Peu importe les « détails », tout est bon pour faire de la com’ !
Et puis, dans le fond, est-ce tant souhaitable que les gestionnaires de ce monde construisent des foyers ? Si beaucoup de gens en tirent des avantages certains quand ils viennent en France, cela reste, pour les autorités, des structures de contrôle et de gestion des étrangers. Les foyers sont un rouage d’un monde de frontières, basé sur le tri infâme entre qui a le droit d’être là et qui doit disparaître.
Pour un monde sans mairies ni frontières, à bas tous les pouvoirs !
[Publié le 27 mai 2023 sur Paris-Luttes.info.]