Un petit aperçu du moment
C’est le printemps, les oiseaux, les fleurs de pissenlit, tout ça, les vaches sont dehors avec leurs petits, les chèvres aussi.
Parmi tous ces gens qui vivent là, y en a qui lancent les jardins, qui sont là et qui y restent, d’autres se préparent à partir, certains abattent, tronçonnent et vendent les chênes centenaires. « Après moi, le désert de béton ! »
Chaque jour, des milliers de véhicules vont et viennent de la ville qui se rêve « métropole ». Ils traversent cet espace en suspend, ne s’y arrêtant jamais, sauf aux barrages de gendarmerie. Peut-être en espérant que le futur contournement ne fera pas un trop gros détour, voire même en croyant à un de ces improbables gains de temps, si précieux à la bonne marche de ce monde.
Mais la vie y suit son cours, la lutte aussi. Des stratégies s’élaborent, des actes et des textes tentent de les faire vivre, des rencontres créent de la compréhension et des questionnements, des liens se tissent, lentement, de voisines, de camarades, d’amis, parmi celles et ceux qui sont encore là, là depuis toujours, depuis longtemps ou depuis peu.
Et puis, sur cette zone, y en a aussi qui viennent y faire leur travail. « Faut bien bouffer, non ? » Flics, huissiers, gendarmes, juges des expropriations, CRS, agents persuasifs de Vinci, RG, géomètres… La terre est autopsiée par naturalistes et archéologues-bulldozers. Tout ce petit monde s’affaire, s’impose, prend la place à l’improviste, s’installe petit à petit… Patrouille, survol, contrôle , fichage, coup de force, débarquement, encerclement, simulation, perquisition, occupation militaire… Exercices pour eux, tension permanente pour les habitant-e-s.
Ca, c’est la stratégie du pouvoir, quel qu’il soit, pour se maintenir : par l’usure, la résignation, en poussant les individus à bout, si possible les unes contre les autres.
Et chaque Grand Acteur y va de sa contribution :
La presse servile diffuse les mensonges de la police et de ses collaborateurs, le poison sucré des porteurs du projet et la traitrise éternelle de partis et élus opportunistes. Car quand la colère les dépasse et déborde de leur contrôle, elle les montre tels qu’ils sont, inutiles et nuisibles !
Inutiles et nuisibles, comme tous leurs projets, grands ou « à taille humaine », qu’ils soient créateurs d’Emploi ou de Développement durable, qu’il inventent une Culture unique pour tous ou une Identité commune artificielle. Tous leurs projets sont les projets des riches !
Et les riches savent se donner les moyens de leurs ambitions.
Alors, grains de sables, freins, obstacles sont ciblés, stigmatisés, identifiés, recherchés, poursuivis, condamnés, isolés pour faire peur aux autres, afin que chacun-e se recroqueville. La répression sait prendre les formes qui fragilisent son réel ennemi : la solidarité. Le mensonge, la carte émotionnelle, le populisme sont quelques unes de ses armes. Ainsi, le moindre fait divers est une aubaine, un conflit de voisinage est mis en scène pour créer de toutes pièces un criminel et une victime, ou le refus de voir le projet d’aéroport condamner des lieux de vie devient un acte violent et intolérable.
La répression fait entièrement partie de la stratégie du pouvoir, elle a une très longue histoire derrière elle. Dans cette lutte, elle n’en est qu’à son début, mais nous ne sommes pas né-e-s de la dernière pluie. C’est loin d’être la première fois, ni la dernière, alors autant se dire tout de suite qu’il va falloir faire avec – et contre… voire même ensemble…
A définir !
(Ce texte a été écrit pour le micro de la fin de manif du 24 mars mais n’y a trouvé ni le temps ni l’espace…)
[Publié sur Indymedia-Nantes le 9 juin 2012.]