Nous étions dans une phase d’emballement à Calais, mais aussi dans le Dunquerkois, à Paris ou ailleurs, face à l’augmentation du nombre d’exilé-e-s, à l’échec patent de la politique menée, au rapport du Défenseur des Droits, à l’appel de 800 personnalités, aux élections qui viennent. De manière désordonnée, des renforts policiers inédits sont déployés, des personnes sont relogées par toute la France de manière souvent improvisée, d’autres sont raflées, envoyées en rétention puis relâchées, et à bout d’expédients les autorités ressortent le spectre de l’ultragauche pour désigner un bouc émissaire.
Puis les attentats de Paris sonnent comme un rappel à la réalité.
En quoi l’envoi à Calais de 460 policiers et gendarmes supplémentaires suite à la dernière visite du ministre de l’Intérieur contribue-t-il à la sécurité des personnes présentes sur le sol français ? La débauche de moyens déployés à Calais pour entraver des personnes qui veulent faire leur vie dans le pays voisin se justifie-t-elle de quelque façon que ce soit ?
Au cours de cette même nuit du 13 au 14 novembre, une partie du bidonville de Calais a brûlé. Les policiers présents ont bouclé le périmètre et on vérifié que personne n’était resté bloqué à proximité de l’incendie, ce qui n’était pas sans risque quand les rafales de vent rabattaient les flammes. On se prend à rêver que le rôle des fonctionnaires soit effectivement de veiller à la sécurité des personnes.
Mais les choses se sont arrêtées là, et en aval rien n’a été prévu pour la mise à l’abri des personnes victimes de l’incendie. Comme toujours il revient aux bénévoles de trouver des solutions. Le bon sens voudrait qu’on utilise les tentes où devaient « déménager » les personnes habitant sur l’emplacement du futur camp annoncé par le Premier ministre. Cazeneuve avait menacé de venir à Calais la semaine prochaine, et il fallait commencer les travaux pour montrer qu’on fait quelque chose, quitte à expulser les personnes qui ne voudraient pas déménager. Le ministre de l’Intérieur aura sans doute autre chose à faire, le répit peut permettre de procéder avec plus d’humanité, et de prendre le temps de mettre à l’abri les victimes de l’incendie.
Et ne pourrait-on pas enfin en profiter pour travailler à la mise à l’abri de tout le monde dans des conditions décentes, et dépasser l’idée absurde de ce camp fermé qui ne pourra accueillir que le quart des habitant-e-s du bidonville ?
Visite du ministre oblige, il fallait aussi, après avoir agité le spectre de l’ultragauche, trouver un coupable aux tensions du début de cette semaine. Après avoir arrêté et relâché des bénévoles britanniques, des policiers en civil ont finalement arrêté un jeune de vingt ans alors qu’il fumait une cigarette devant un local associatif. Il doit passer lundi en comparution immédiate.
Peut-être y a-t-il mieux à faire aujourd’hui que de pourchasser les opposant-e-s à la politique migratoire du gouvernement et les personnes solidaires des exilé-e-s.
[Publié le 14 novembre 2015 sur le blog Passeurs d’hospitalités.]