La ville progresse, la forêt s’amenuise. Et nous au millieu on s’y sent souvent bien vulnérables, incapables d’enrayer quoi que ce soit. Le béton qui suinte par tous les pores de cette société nous prive de vie, de ressentis, de substances. Les forêts gérées éco-durablement ressemblent à des charniers. La boule au ventre, les poings qui se serrent, un voile de dureté qui recouvre les yeux. Et la difficulté d’en parler car les mots ne peuvent qu’effleurer la profondeur de la tristesse et de la colère qu’on ressent.
Lorsqu’on s’en est pris à la carrière Vicat (multinationale du béton) implantée à l’orée d’une forêt dans le massif des Bauges, en brulant un poste de transformation électrique, un bâtiment, les postes de commandes et ordinateurs d’une araignée extractrice ainsi que divers engins de chantier ; on a ressenti un certain soulagement. Et puis des doutes en sachant ce que certains choix impliquent, en sachant que ce ne serait jamais assez, ce n’est que tentatives, tenter de perturber un court instant la méga-machine, de ne pas en être complices par notre passivité.
Nous parlons ici d’attaques incendiaires mais nous devons préciser que ce n’est pas pour nous la seule façon d’attaquer l’autorité. Ainsi nous exprimons nos pensées aux combattantes et combattants qui s’activent à la Zad de Notre-Dame-des-Landes, dans la forêt de Hambach ou à Bure, sans se laisser aveugler ni par des stratégies politiciennes de massification et de dialogue avec les pouvoirs, ni par la recherche d’une efficacité écrasante niant ressentis, prise de pouvoir au sein des groupes, rapports de dominations interpersonnels… Force et courage à celleux qui mènent la guerre sur tous les fronts. La répression est bien présente, essayons de ne pas nous laisser paralyser mais de poursuivre notre vol.
Ce n’est qu’une lueur d’incendie au fond des bois, ce n’est qu’une lueur mais elle nous aide à nous mouvoir dans l’obscurité, quitte à se brûler les ailes parfois.
Des humaines comme des papillons de nuit
[Publié le 9 mai 2018 sur Indymedia-Nantes.]