Notre-Dame-des-Landes: la « reconquête » de la ZAD par la légalisation

NDDL, la reconquête (2018, Thibault Férié feat. le CMDO, le POMPS, N. Klein, S. Lecornu)

Suite au chapitre « ZAD » du road-movie Messa Guerrillera [2017, Florent Tillon feat. Parti Imaginaire], j’ai encore la honte -d’autrui- de vous présenter maintenant « Notre-Dame-des-Landes, la reconquête », un documentaire qui pourrait bien s’appeler « Behind the scenes: Légalisation de la ZAD », et qui a fait parler avant sa sortie – grâce à la meilleure décision des institutions, ne pas financer une merde pareille avec des acteurs aussi nuls et malhonnêtes avant que l’histoire soit finie.

Sous la lumière des récents évènements et de ses points de vue radicalement opposés, je souhaiterais que les possibles réflexions dans les commentaires en bas ne se tournent pas vers les actions de répression interne à la ZAD mais vers des expériences qui ont rompu ou pourraient rompre avec ce qu’on vit aujourd’hui dans les luttes qui se font institutionnaliser.

Aujourd’hui, l’exemple qui reste aux jeunes « militant.e.s » qui ont cru à la ZAD pour résoudre « collectivement » leurs soucis dans leur communauté, c’est de faire le même ou pire que l’État, ou directement chercher à s’associer avec. Dans toutes les luttes qui comprennent la lutte contre l’autorité, coupons les liens avec l’État, faisons tomber les bureaucraties gauchistes ou néo-marxistes.

Aujourd’hui, des groupes qui prétendaient « l’autogestion » – comme Abracadabois – s’associent aux institutions locales (mairies, services de la chambre d’agriculture) pour s’accaparer des terres et bois d’anciens paysans solidaires dans la Loire-Atlantique. Plus jamais du sang déversé pour des bourgeois, qu’ils soient intellectuels cosmopolites ou paysans néo-ruraux.

Aujourd’hui, c’est bière bio, promenade dans la prairie et possiblement un cabas de produits made in ZAD pour la préfecture – d’ailleurs, quelle belle après-midi pour un suicide collectif. Plus jamais des copains en taule pour la cause des traîtres, feu aux délégations, aux chefs et aux avant-gardes qui vont avec.

Et tant que ça durera, les luttes en fRance ne seront qu’un remake de
Notre-Dame-des-Landes, la reconquête.

[Publié le lundi 28 janvier 2019 sur Indymedia-Nantes. Lien vers libertaire.net, pour télécharger le documentaire directement ici.]


Ci-dessous, le commentaire d’Indymedia-Nantes qui résume bien le truc. C’est gerbant, mais très éclairant:

– Excellentissimme documentaire
par bravo, le mercredi 30 janvier 2019

je n’ai pas perdu ma journée à voir ce chef d’œuvre, merci à l’autrice anonyme qui l’a posté-e.

L’épisode magistral de la visite de Nicole à la Riotière à la fin du reportage, m’a laissé-e sans voix ! Cette bonne vieille Nicole avec qui on ricane du futur succès de son miel estampillé «notre-dames-des-landes». «Vous allez faire un tabac, hin hin hin» s’écrie-t-elle, le sourire en coin, aux zadistes souriants, par cette belle après-midi pour un suicide collectif, comme dirait l’autre.

au loin on entend les cris des blessés qui résonnent encore dans les sous-bois voisins.

applaudissements, et générique.

bon je me suis étouffée avec ma tisane moi, merde.

j’ai noté deux ou trois trucs marrant à part ça :

Michel, maraîcher à la ferme des 100 noms, aux flics venus l’expulser, s’écrie:
« Vous avez pas de sens de la valeur des choses, la valeur du travail, parce que nous on a le sens du travail ici, de la valeur du travail !»
« Vous avez pas le droit messieurs !»

Willem, éleveur laitier, aux médias au troisième jour des expulsions:
« le but c’était le retour à l’état de droit, nous c’est ce qu’on demande aussi ! on est dans une procédure de RÉ-GU-LA-RI-SA-TION. […] des lieux comme les 100 noms, qui défendent le retour à la mise en conformité (sic)»

discussion entre agriculteurs de l’association Amelaza, les agriculteurs expropriés pour le projet d’aéroport:
« mais on s’en fout, s’il a pas d’projet, il dégage !
— Et apparemment à la saulce y a plus personne…
— Et tous les crassoux qui sont dans la maison au bout d’la route ?
— Ben il paraît qu’y a un projet !
— Non mais franchement c’est incroyable ! (pour une fois, on donnerait presque raison à ce sale con !)

Discussion épique entre un coach remplissage de fiche individuelle et un zadiste déclarant l’entreprise «les fosses noires»
« donc pour l’instant j’ai déclaré 44 hectares, virgule 3, hin hin hin
— après les assurances, est-ce que t’as une idée un peu de ce que tu veux mettre ou pas dans les assurances ?
— pour l’instant aucune.
— tu peux mettre 0 pour l’instant et on modifiera peut-être si tu assures ton troupeau
[…]
— après si tu t’installes sans aide de l’état, t’as pas de compta obligatoire !
— Ouais je sais… »

une zadiste, montrant le détail des parcelles utilisées avec noms des usagers et associations et description des usages:
«La description du projet, le truc que rêvait d’avoir le chargé de mission notre dame des landes de la préfecture pendant tellement d’années, la délégation nous a rapporté qu’il était vraiment ravi d’avoir enfin ce schéma-là.»
Mais attention, ils seront bien dupés, à la pref, parce que, comme elle le dit plus loin:
« Il y a une histoire qu’on raconte à la préfecture, et il y a une histoire qu’on se raconte à nous. Et c’est pas la même en fait.» Wow! on les a bien floués comme ça, on est des petits malins nous hein!

témoignage du zadiste qui est très doucement en train de se rendre compte que la préfète le prend pour un rigolo, et qui finira par inviter la préfète à une garden party 3 mois plus tard (voir plus haut et plus bas):
« on en revient à la situation de la première demande d’expulsion où on nous demande de signer avec le couteau sous la gorge systématiquement… Dès qu’il y a une demande de faire quelque chose c’est vraiment appuyé par l’armée qui vient mettre la pression. C’est pas des façons sereines de discuter et de trouver un accord, comme le prétend la préfecture, dans un climat apaisé et respectueux de tout le monde. Nous on est pas absolument dans ces dispositions-là»

quand on voit ça la première fois, on se dit oulala, ça doit être dur cette prise de conscience, courage à toi chouchou !

mais en fait, à la fin, ça se tape dans le dos et ça papote de souvenirs d’enfance avec Nicole, mais dis-donc, tu te serais pas un peu foutu de nos geules chéri chéri ?

« il y a aucun d’entre nous des 15 projets agricoles qui va signer une COP sous occupation militaire, c’est mort !»

Hihihi, houhou, on essaie d’impressionner ses petits copains en jouant au grand méchant radical avant d’aller faire tchin tchin avec la daronne à Calvin ? (klein, la blague c’est calvin klein)

et puis un éleveur qui compare les flics à «ses» animaux:
«entre bêtes vous devriez vous comprendre !», ce qui en dit long sur le mépris qu’il porte aux animaux qu’il exploite. Encore un qui est devenu éleveur parce qu’il «aimait trop les animaux», dédicace à Jocelyne Porcher, sale conne.

Discussion animée entre deux amis, ah non, entre un éleveur zadiste et un gradé de la gendarmerie:
« Faut pas jouer sur les mots, la violence elle vient de vous d’abord […] tant que vous êtes pas là y a pas de violence !
— Ah ben oui, parce que pour qu’il y ait des violences il faut qu’il y ait les deux camps…
— Ben oui, donc sans vous y a pas de violence alors !
— Et sans vous non plus ! hin hin hein ? Si vous n’êtes pas là, il n’y a pas de violence, non ?
— Ah mais oui, sauf que nous on était là avant vous, j’suis désolé !
— Vous êtes là chez vous donc ?
— Ah ouais je suis chez moi ouais, je suis beaucoup plus chez moi que chez vous en tout cas.
— Je suis pas sûr. Mais c’est un grand débat sur la notion de propriété, j’ai pas envie d’engager le débat avec vous. Parce qu’après sinon on est encore là ce soir et on sera pas d’accord. Je vous souhaite une très bonne journée»

Ensuite on a une belle séance de débarricadage par 5 jeunes zadistes qu’on reconnaîtra.

Puis vient quand même le pompon, la petite cerise sur le cake, le délice de fin de repas, une petite douceur en somme. Pe-ti-te visite de la riotière par ses habitants à rien de moins que la daronne à Calvin herself, en petit débardeur estival, avec sa clique en chemise cravate en plein cagnard. Didascalie: Nicole klein sirote un verre d’eau dans un écocup de zadiste, et demande le sourire en coin:
« C’est là que vous habitez ?
— Oui, dans une cabane qu’on a construite en 2014…
— et comment s’appelle ce site ?
— La riotière.
— Ah oui, la riotière
— donc au départ on a commencé à monter des serres et on peut aller voir, en buvant un verre d’eau parce que vous avez pas encore vu la température qu’il fera dans les serres hin hin
— hin hin
— ici tomates, poivrons courgettes, et des concombres.
— et vous les vendez ?
— là pour le moment c’est essentiellement distribué sur la zad, mais à terme évidemment qu’on aimerait pouvoir en vivre.
[…]
— et le miel, vous le vendez sur les marchés votre miel ?
— ben on espère mais cette année avec le printemps compliqué qu’on a eu et…
— Ah ouais ? ouais… (Nicole klein fronce les sourcils et regarde au loin, pensive, « le printemps ? ben… mais le printemps non, c’était plutôt trankil le printemps, ou alors on a pas vécu le même»)
— Moi j’espère sincèrement qu’en 2 ou maximum 3 ans on arrive à la centaine de ruches [pour le moment amalia, cette jeune zadiste api-entrepreneuse disruptive de la startup nation en marche n’en a que 2, mais elle sait voir loin] qui nous permettrait de…
— Vous vendez votre miel sous l’étiquette miel de notre dame des landes, vous allez faire un tabac là hin hin hin hin
— ah ouais y a moyen hhann hin hin
(autre zadiste) — même en vendre direct à la préfecture, hein, y a du personnel, c’est…
(Nicole) — hu hu hin hin hin haha
(la rioteuse) — y a bien des fournisseurs officiels de la préfecture… hin hi hi hou hou haahahaha hein hein hum.
[…] — ben merci au revoir
(la rioteuse) — avec plaisir»
bla bla bla…»

Allez, on s’en lasse pas ! et comme le dirait ce bon vieux Michel des 100 noms, «c’est révoltant» !