Depuis deux jours, La Dépêche, puis RTL, France 3, etc. nous racontent la même histoire à faire pleurer dans les chaumières: Roland, 88 ans, «expulsé de sa maison» de Toulouse par de méchants squatteurs.
Sauf que ces médias ne disent pas la vérité: le propriétaire n’y habite pas depuis longtemps et, quand les squatteurs y sont entrés, la maison était délaissée. Si sa maison a été occupée par des squatteurs, c’est bien parce qu’elle était vide depuis des années!
En balançant ce genre d’article larmoyant, commandé par le proprio qui est un ancien collaborateur de La Dépêche, les médias justifient la création de petites milices fascistes ravies de se montrer en sauveurs des pauvres gens. Ils savent bien quelle violence leur campagne peut entraîner et s’en ravissent, ça fera du clic sur leurs torchons!
Un groupe Facebook appelant à défoncer tous les squats s’est rapidement créé. Les principaux protagonistes de ce groupe sont des promoteurs immobiliers, des petits commerçants, quelques propriétaires et évidement l’extrême droite de différentes obédiences pour qui la situation est une aubaine dans un objectif de recrutement. Ce n’est pas la première fois que ce genre de «milices» se montent. Rapidement des entrepreneurs d’extrême droite en font un business comme cela s’est passé en Espagne avec «Desokupa» ou «SquatSolutions» en France. Des équipes de gros bras payés pour défoncer du gauchiste ou du migrant et défendre le patronat face aux grèves, voilà leur projet. Le tout avec bien souvent des contacts chez les forces de l’ordre.
Des personnes appelant clairement à la violence contre les occupants se pointent constamment devant les grilles depuis le début de l’affaire, accompagnés de dizaines de journalistes qui se pensent au zoo. S’ils n’ont pas encore mis leurs plans à exécution c’est uniquement car nous sommes nombreux et solidaires.
Très rapidement, des dizaines de médias ont repris toute cette intox. Il y aurait en fait des milliers de Roland en France et selon eux la justice, bien connue pour son laxisme, ne ferait rien… Sur BFMTV, pas de Roland, mais un reportage à charge intitulé «Squat, le grand cauchemar». Ce genre de pression médiatique sert le pouvoir qui justifie alors sa législation de plus en plus répressive. On peut rappeler qu’il y a quelques mois une histoire similaire dans les Alpes-Maritimes a abouti à une loi qui favorise les expulsions sans procédure.
Cette propagande voudrait nous faire croire que les squatteurs sont des accapareurs et leurs victimes de pauvres petits propriétaires jetés à la rue. Ces fausses histoires, montées en épingle et répétées à l’envie, cachent la réalité du squat: l’occupation de maisons délaissées, souvent délabrées, par des gens qui n’ont guère les moyens de se loger ailleurs, ou qui cherchent à échapper à des loyers délirants et des surfaces ridicules. Rien qu’à Toulouse des milliers de logements sont vides, par choix spéculatif ou autre, tandis que chaque année les loyers augmentent. Pour nombre d’entre nous, une fois payé le loyer, il ne nous reste déjà presque rien pour le reste… A l’opposé, combien de personnes peuvent prétendre avoir une résidence secondaire ?
Défendre la propriété privée, ce n’est pas défendre les pauvres gens ; c’est défendre les riches, les capitalistes, les spéculateurs et… les propriétaires de journaux qui savent fort bien où est leur intérêt de classe. Les squatteurs ne s’en prennent pas aux gens qui habitent la maison qu’ils possèdent. En revanche, c’est vrai, ils peuvent gêner à l’occasion les intérêts des grands propriétaires immobiliers, des pouvoirs publics qui lancent des opérations d’urbanisme aux multiples et juteux pots-de-vin, des spéculateurs et promoteurs immobiliers en tous genres. Ce sont tous ces gens-là, les véritables «Roland».
Un dernier mot, sur ce que nous voulons, au-delà de la simple défense de classe: nous voulons la révolution, nous voulons abolir la propriété. Alors, nous n’aurons pas une, pas deux, mais toutes les maisons de la terre, à la seule condition de les partager entre tous et si besoin est d’en construire: en finir avec cette pénurie, celle qui réserve la propriété à quelques-uns.
Nous appelons à une solidarité effective avec les habitants de ce lieu ainsi qu’avec tous les prolétaires menacés d’expulsion!
Face aux menaces physiques des bandes para-étatiques et des flics, montrons notre détermination.
Venez tous les jours, quand vous le pouvez, au 83 route de Fronton !
Des personnes solidaires
Un mot sur un des aspects les plus choquants de l’histoire, du moins telle qu’elle nous a été présentée par les médias: la raison invoquée pour hâter l’expulsion du squat, ce serait car le propriétaire a besoin de vendre sa maison au plus vite afin de rejoindre sa femme en EHPAD. Il est clair que dans le contexte pandémique actuel, les vieux en EHPAD font l’objet d’une sorte de culpabilité collective, au vu de la situation d’abandon dans laquelle ils sont. En somme, dans l’inconscient collectif, les squatteurs se sont transformés en incarnation du coronavirus!
Mais au-delà des logiques fantasmatiques, il semble assez dingue de ne pas évoquer cet odieux chantage auquel les vieux prolos sont soumis: tant qu’ils ont trois sous de côté, ils n’ont droit a aucun soutien, aucune aide!
Voilà bien pourquoi beaucoup de gens on cru s’identifier, se solidariser de cette situation, du moins telle que les médias nous l’ont raconté: mais merde, s’en prendre aux squatteurs ne changera rien, et les vieux en EHPAD continueront à banquer plein pot jusqu’à leur dernier sou, pendant que les promoteurs casseront les maisons pour construire des immeubles cages à lapins. Non, on n’exagère pas. Revenez voir dans un an, on tient le pari !
[Publié le 9 février 2021 sur Classe.]