Chacun sait depuis longtemps que les brèves choisies par les médias ne sont pas le reflet de l’antagonisme social, mais celui des choix effectués par la domination à travers ses fidèles porte-voix. C’est ainsi que si certaines attaques sont parfois mises en avant par les journaflics, la plupart sont soigneusement passées sous silence, tandis que celles qui ne peuvent être tues sont généralement déformées ou minimisées afin de ne pas donner de mauvaises idées ou de tenter de les priver de leur portée subversive. Pourtant, à force de constance ou suite aux cris d’orfraie lancés par les intérêts ciblés, il arrive aussi que certaines d’entre elles parviennent soudain à se frayer un chemin jusqu’à nous.
Dernièrement, c’est ainsi qu’un coin du voile a fini par être levé sur les attaques qui se multiplient ces derniers temps contre les exploiteurs des forêts, notamment parce que ces derniers ont décidé de porter l’affaire au grand jour en réclamant des mesures de protection étatiques. En Corrèze, deux plantations de résineux (des Douglas et des Cèdres) ont par exemple été saccagées récemment par des promeneurs sous la lune, d’abord à Saint-Pardoux-la-Croisille le 8 avril puis à Salon-la-Tour le 17 avril suivant, après différents sabotages qui s’étaient déjà produits au cours de l’été 2021 contre plusieurs engins forestiers (des récolteuses et des abatteuses) à Saint-Junien-La-Brégère et Saint-Pardoux-Morterolles.
Puis, fin avril, c’est grâce à une longue lamentation collective signée par de nombreux représentants de la filière forêt-bois et publiée dans un hebdomadaire de gôche (L’Obs), qu’on a pu apprendre en passant qu’un incendie volontaire avait ravagé un engin forestier appartenant à une coopérative forestière le 17 mars dernier à Brassy (Nièvre). Cette belle attaque réalisée au cœur du parc naturel du Morvan, situé en Bourgogne-Franche-Comté, a ensuite fait l’objet d’un reportage local, révélant en outre que « Depuis 2018, en Nouvelle-Aquitaine, Auvergne-Rhône-Alpes, et Bourgogne-Franche-Comté, plus d’une vingtaine d’engins forestiers ont été pris pour cible, soit incendiés, soit sabotés ».
Et voici que vient à présent – certainement pour ne pas être en reste –, le tour des agents de l’ONF d’Ile-de-France et de Picardie de rendre publiques une partie des attaques qu’ils subissent ces derniers temps. Ainsi, en forêt de Marly (Yvelines), « des câbles de frein ont été coupés, des moteurs bouchés, des pneus crevés, des vitres cassées ou taguées » sur leurs engins forestiers (dont une pelle mécanique à 290 000 euros qui a eu ses fils sectionnés et ses commandes brisées en septembre 2021), tandis qu’ « en forêt de Meudon (Hauts-de-Seine), on ne se permet même plus de faire de la production [coupes d’arbres] tellement c’est tendu », selon un agent de l’ONF.
Mais la palme revient certainement à la Picardie, où dans le département de l’Oise on apprend que « Des voitures personnelles de [leurs] agents sont visées en forêts de Saint-Gobain, Retz, Compiègne et Halatte », et que dans cette même forêt de Halatte « trois remorques de bois ont eu les 18 pneus crevés à la perceuse ». A cinquante kilomètres de là, dans la forêt d’Holnon, située à l’ouest de Saint-Quentin (Aisne), c’est cette fois le porteur d’un exploitant forestier qui a été volontairement incendié fin avril 2022, avec des dommages estimés à 300 000 euros.
Enfin, puisque les responsables de l’ONF de l’Oise ont tenu à faire le service après-vente jusqu’au bout en procurant quelques images sensationnelles aux reporters télévisuels, c’est non sans bouder notre plaisir qu’on a également appris qu’à Hallate, c’est un porteur forestier qui y avait été en sus volontairement incendié il y a quelques semaines, et qu’un gros tracteur de l’ONF avait été saboté en coupant ses câbles hydrauliques.
[Publié le 15 mai 2022 sur Sans Nom. Synthèse de la récente campagne médiatique à propos des sabotages d’exploiteurs forestiers – Le Parisien des 5 et 12 mai, L’Aisne nouvelle du 7 mai, CNews du 7 mai & JT de France 3 national du 9 mai.]