À partir du vendredi 28 février 2025, un immeuble d’appartements est occupé dans le 18e arrondissement de Paris. L’immeuble appartient au ministère de l’Intérieur et est géré par le bailleur social HENEO. Les appartements (18 studios) hébergeaient des keufs avant qu’ils ne soient vidés il y a plusieurs années, en vue d’y faire des travaux pour réhausser l’immeuble de deux étages, et héberger encore plus de policier.es.
Après une semaine tranquille, le 5 mars, le proprio a découvert l’occupation, et a fait venir un huissier pour qu’il constate dans la journée.
Mardi 11 mars, 8 policier.es (dont 6 bacqueux) sont venu.es pour « visiter les parties communes et faire un recensement des habitant.es ». Comme le bât’ appartient au ministère de l’Interieur, ça leur plaît pas trop qu’il y ait des gens « chez elleux ». Les personnes présentes sur place ont refusé d’ouvrir la porte d’entrée, les policier.es ont alors appelé des employés de SITEX (entreprise qui fournit du mobilier antisquat) pour qu’ils forcent la porte antisquat, ce qu’ils sont parvenus à faire. (En fait, avec un pied de biche et un tournevis, ils ont soulevé les caches en métal qui ajustent la porte au-dessus et ils ont passé leurs mains derrière. Du coup ils avaient accès à la tige filetée qui tient le support de la porte. Et ils ont littéralement retiré l’intégralité de la porte. Et tout ça en 10 minutes.)
De peur de se faire embarquer, les personnes qui étaient à l’intérieur ont fui juste avant l’entrée des keufs. À l’intérieur, ne trouvant personne, les flics sont partis, laissant sur place les deux employés de SITEX qui ont étés rejoints par un représentant d’HENEO (toujours le même). Ils se sont empressés de changer les serrures des portes des étages sans penser à refermer la porte d’entrée (dont ils venaient d’installer la nouvelle serrure) qu’ils ont laissée ouverte sur la rue.
À ce moment-là, quelques habitant.es sont re-rentré.es furtivement par les portes laissées ouvertes et, sans que les employés et le représentant du propriétaire toujours sur place réagissent, ont réussi à s’enfermer au 2e étage (pour monter dans les étages, il faut emprunter un escalier extérieur qui dessert chaque palier protégé chacun par une porte antisquat, c’est donc possible de privatiser un étage).
Les employés de SITEX sont furieux, ils auraient pas dû laisser la porte ouverte et ils veulent finir leur taf (c’est-à-dire changer la serrure de la porte du 2e étage). Les ré-occupant.es refusent de leur ouvrir, ils essaient de forcer la porte sans y parvenir. Après des cris, des menaces, du soutien des voisin.es (l’escalier extérieur donne sur le jardin d’une énorme résidence avec beaucoup de vis-à-vis), les flics sont rappelés par le propriétaire dépassé par la situation. La même équipe de police est repassée et a pris les noms à l’oral par la fenêtre de deux personnes qui étaient à l’intérieur. Ensuite ils ont attendu l’arrivée de vigiles qui ont été postés à l’intérieur du bâtiment, avec ordre de ne laisser rentrer personne. Les occupant.es sont empêché.es de rentrer et sortir librement alors qu’iels habitent sur place. Iels sont donc contraint.es de se faire ravitailler par les fenêtres à l’aide d’une corde par des ami.es. Le lendemain, des techniciens viennent installer un nouveau sytème d’alarme dans le bat’.
Le 13 mars, l’huissier repasse pour indiquer qu’il a démarré une procédure d’expulsion devant le juge des contentieux et de la protection, en référé d’heure à heure (procédure accélérée). La procédure accélérée a été justifiée par l’imminence du début des travaux et le « danger pour les habitant.es et le bâtiment ».
Le lendemain, le 14 mars, la préfecture de police prend un arrêté de 38-DALO 7 jours (un arrêté d’expulsion qui peut être pris lorsque le lieu occupé est un bâtiment à usage d’habitation). Les habitant.es font un recours contre cet arrêté au tribunal administratif.
Pour plus d’infos sur le 38-DALO:
Récit du squat des Roseaux face à l’application de la loi Kasbarian-Bergé
| 24 juin 2025 | Après l’attaque au tractopelle, notre proprio a décidé de nous attaquer via la modification, par la nouvelle loi Kasbarian-Bergé, de l’article 38 de la loi DALO. Voici le récit de notre défense.
Mais revenons pour l’instant au juge des contentieux et de la protection: l’audience s’est tenue le 20 mars. Un report est accordé au 24 avril. Le juge a estimé que la séquestration était très grave et a indiqué informer le procureur pour qu’une enquête ait lieu.
Dès le lendemain, les vigiles reçoivent un changement de consignes, autorisant les habitant.es à circuler librement au sein du bâtiment et en-dehors. Dans les faits, la porte d’entrée reste ouverte tout le temps, les vigiles sont au 3e étage, dehors ou dans leurs voitures.
Plus tard, les habitant.es ont ré-occupé le 1er étage. Les vigiles (ne vigilant pas beaucoup) passent deux fois sur le palier avant de s’en rendre compte. Ils préviennent leur responsable qui prévient les keufs. Une patrouille passe et dit : « déso on peut rien faire ».
Le 31 mars, l’audience pour le recours au tribunal administratif contre l’arrêté 38-DALO a lieu. Le délibéré est rendu le 3 avril, la juge a rejeté le recours car, à ses yeux, les occupant.es n’auraient pas assez justifié leur situation précaire (la juge a soulevé qu’iels n’avaient pas de refus d’hébergement du SIAO du 115), ce qui ne permet pas de justifier de l’urgence de leur situation.
Dès le lendemain, en début d’après-midi, l’architecte, des policier.es et un serrurier se pointent devant le bat’. Après s’ensuit un looooong moment où le serrurier essaye d’ouvrir la porte anti-squat avec 15 flics dans les escaliers qui l’observent et les occupant.es à la fenêtre. Pas très malin, le serrurier essaye même d’ouvrir la porte (antisquat) à la radio… Il finit par meuler et percer la porte.
Et là, au bout de 20 minutes de meulage de porte, le vigile sort du 3e étage avec la tête de quelqu’un qui sort de sa sieste. Il s’attendait pas à voir le serrurier et les 15 flics dans les escaliers du bâtiment qu’il est censé vigiler.
Du coup les flics rentrent dans les apparts. Ils prennent que le nom à l’oral d’une des personnes parce que la commissaire dit qu’elle a déjà pris les autres noms la dernière fois.
En conclusion : un mois et quelques d’occupation, trois semaines de gardiennage par des vigiles dont une semaine de séquestration, deux procédures d’expulsion différentes, un bât’ de perdu… d’accord, mais zéro arrestation, un tas de motiv’ et beaucoup d’aventures marrantes à raconter.
Squat partout, surtout dans les logements des keufs.
Nique Kasbarian, nique Hénéo, nique les huissiers et les proprios !
[Publié le 18 août 2025 sur Paris-Luttes.info.]