Rouen: Communiqué du squat du 30

Mars 2011

Communiqué n°5 du 30 rue du lieu de santé / L’habite asociale

 

Jusque là, la vie du 30 rencontrait un obstacle majeur qui l’empêchait de se déployer en toute insouciance et, à vrai dire, en toute offensivité : combien de temps nous reste-il ? Combien de jours, de semaines ou de mois pour élaborer toute une existence tournée contre l’ordre dominant ? Non pas à sa marge mais en son sein et au grand jour en lui arrachant un lieu et, par la même occasion, du temps. Avouons le, la justice nous a donné six mois pendant lesquels un véritable complot existentiel pourra s’installer dans cet immeuble qui a autrefois hébergé la résistance algérienne du FLN. Non pas parce que la justice est juste ; cela ne veut rien dire, mais parce que dans la guerre qu’elle nous a livrée, nous avons su faire confiance au bon stratège. Nous avons choisi un avocat qui, ayant bien compris que la justice n’est qu’une affaire de rapports de force, a su trouver les bonnes répliques pour que la comédie judiciaire, pour une fois, nous amuse réellement. Nous, qui sommes convaincus que la justice est bien plus un terrain d’affrontements qu’un espace de neutralité régi par une idée objective, ne nous étonnons pas que ce verdict très favorable au vu des exigences du plaignant (expulsion sous 8 jours et 1000 euros d’amende) tombe alors que la magistrature se mobilise face à une réforme et semble chercher plusieurs moyens de pression. Six mois d’impunité pour une vie débarrassée des contraintes qui nous isolent et nous réduisent à la survie : travailler pour payer son loyer, son assurance, son sandwich triangle entre 2h de bureau, pour voir un bon film sur grand écran, etc. Bref, 6 mois pendant lesquels nous n’aurons pas à montrer patte blanche et à mener la vie qu’on voudrait nous faire subir.

 

Débarrassés de cette incertitude quant à notre sursis, quelques camarades sont sur le point de nous rejoindre, ce qui nécessite toute une réorganisation de l’espace, de nouvelles chambres, une cuisine plus fonctionnelle, etc. Ces chantiers, débutés le 7 mars, nécessitent des bras et de l’énergie afin qu’une vie plus dense puisse s’instaurer le plus vite possible. A ce propos, outre les coups de main, nous cherchons à récupérer des radiateurs électriques, des chutes de linoleum ou de moquette, du linge de maison, un cumulus, et des matelas. Toute autre proposition sera toutefois étudiée sérieusement.

 

En retour, des savoirs pratiques et matériels sont mis à la disposition de tous. Un atelier de réparation de vélos, une utilisation de nos outils, un dépannage informatique, tout un tas de brochures, ou même un café sont à votre disposition à tout moment. Nous continuons également les projections du jeudi. Ce jeudi 10 mars nous passerons tout d’abord « L’île aux fleurs » puis « L’avocat de la terreur », documentaire sur un autre avocat aussi lucide et clairvoyant que le nôtre : Jacques Vergès. Le dimanche 20 mars, en fin d’après-midi, nous organiserons, avant le concert du groupe allemand Don Vito, la projection d’un court métrage, « Hopital brut ». Ce lieu étant maintenant en mesure d’accueillir plus de vies, nous gardons l’espoir qu’il progresse dans sa faculté à produire des rencontres politiques, notamment par le biais des réunions ouvertes du vendredi soir, qui jusque là n’ont pas connu l’effectivité que nous espérions : un moment, et un repas, autour duquel nous pouvons nous rencontrer, nous expliciter nos luttes, nos projets, nos envies, des critiques ou tout autre prétexte qui permettrait de venir partager avec nous. Par ailleurs il semblerait que l’idée d’une cantine à prix libre commence à retenir l’attention de plusieurs camarades.

 

Bref, venez. Ce soir là ou n’importe quand. Nous savons très bien que nous ne sommes pas les seuls à chercher des points de résistance dans le déroulement même de nos vies. Que ceux qui hésiteraient à venir à cause de la garde des enfants oublient cette contrainte : nous sommes en train d’aménager une pièce pour les accueillir avec des jeux et nous sommes tout à fait disposés à nous en occuper.

 

Bien à vous,

les habitants du 30