Cette brochure mêle écrits et témoignages oraux sur la lutte pour la Libération de la Terre Mère dans le Nord du Cauca. Une lutte menée par les peuples indigènes de cette région, en particulier le peuple Nasa, et soutenue par diverses composantes du mouvement social colombien.
Sommaire :
– Brève histoire du peuple Nasa
– La libération de la Terre Mère (juin 2015)
– Les Mingas de la libération
– Une libération intégrale
– La « caña » dans le Valle del Cauca, ça représente quoi ?
– Autonomie et participation
– Luttes communes avec les Afro-descendant.e.s et paysan.ne.s
– Solidarités
À lire et/ou télécharger sur Infokiosques.net.
Ci-dessous, l’intro de la brochure par le collectif Bejuco:
Cette brochure mêle écrits et témoignages oraux sur la lutte pour la Libération de la Terre Mère dans le Nord du Cauca. Lutte menée par les peuples Indigènes de cette région, en particulier le peuple Nasa, et soutenue par diverses composantes du mouvement social colombien.
Nous avons toutes et tous, rédactrices et rédacteurs de cette brochure, accompagné un petit bout de cette longue marche vers la récupération et la libération de territoires ancestraux, aujourd’hui occupés par l’agro-industrie. La participation à cette lutte lors de nos passages respectifs en Colombie nous a amenéEs à organiser une solidarité active depuis d’autres espaces et territoires, à tisser des liens et des lianes, des bejucos, pour un soutien mutuel et une libération intégrale de ce que les communautés Nasa appellent la Terre Mère – Uma Kiwe.
La libération de la Terre Mère est une lutte basée sur l’action directe recouvrant plusieurs dimensions. C’est avant tout un combat pour la récupération de terres historiquement spoliées aux peuples originaires lors de la colonisation. Ces terres continuent d’être concentrées et exploitées par les propriétaires terriens et les transnationales, en particulier celles de la culture de la canne à sucre (de plus en plus utilisée pour la fabrication du « bio-éthanol »).
Il s’agit d’une lutte contre le « système capitaliste [qui] tient en esclavage la terre et détruit l’équilibre de la vie, provoque une crise environnementale et humanitaire et génère le réchauffement climatique global ».
Combattre frontalement les capitalistes qui occupent et malmènent les terres est aussi une manière de (re)construire une certaine autonomie dans l’organisation et le mode de vie des communautés indigènes. L’autonomie et l’action par la base sont de mise dans le quotidien de cette lutte.
La libération de la terre se veut aussi être celle des esprits, une certaine forme de décolonisation qui replace la conception Indigène de la Terre Mère au centre : celle dont nous faisons partie et qui nous donne la vie, que nous devons défendre contre l’exploitation et la destruction (qui sont aussi les nôtres).
Autant d’éléments qui nous ont amenéEs à soutenir cette lutte, à essayer de relayer des informations la concernant et à échanger et débattre sur nos luttes d’ici et de là-bas.
Si cette brochure parle spécifiquement de la lutte pour la libération de la Terre Mère, il faut toutefois prendre en compte que la zone dont nous parlons est criblée d’attaques de toutes parts, aux intérêts divers et variés. Au niveau économique, le Nord du Cauca, comme d’autres régions de la Colombie, est un espace stratégique pour l’agro-industrie, l’exploitation minière à grande échelle (en particulier les mines d’or) ou le narco-trafic (cocaïne, cannabis et opium). Afin de protéger ses intérêts économiques sus-mentionnés et sous couvert de politique contre-insurrectionnelle visant les FARC-EP, le gouvernement a mené une politique de militarisation accrue ces dernières années (qui découle du Plan Colombie de 2001), perpétuant un climat de guerre et de répression.
Les peuples indigènes ont donc eu à se battre contre ces « projets de morts » liés à l’exploitation des ressources, mais aussi à faire face aux assassinats, violences et attaques de la part de l’État et son armée et des paramilitaires (milices d’extrême droite anti-insurgés au service des multinationales et de l’État) ainsi que des FARC qui souhaitent contrôler la région. Si les relations entre les différents acteurs sont parfois complexes, les organisations indigènes ont toujours opposé leur combativité face à cette situation de guerre et d’exploitation. Ce qui n’a pas empêché d’autres formes de domination de s’immiscer au sein des communautés, comme la cooptation par le biais de transferts d’argent, de l’action des partis politiques ou de politiques supposément sociales qui permettent d’acheter la paix sociale dans les communautés.
Mais la Libération de la Terre Mère c’est justement rompre avec la soumission, ne plus négocier l’autonomie, mais bien la prendre sans concessions pour libérer la terre, la cultiver et en vivre toutes et tous.
Octobre 2016 – collectif Bejuco – bejuco[at]riseup.net