Après trois semaines de silence et de refus de communiquer tant avec les associations qu’avec les journalistes, le préfet du Pas-de-Calais invitait aujourd’hui les associations à une réunion et les médias à une conférence de presse. On s’attendait à une annonce allant soit dans le sens du pire (l’expulsion du lieu de distribution des repas, comme il avait annoncé le 21 mai la destruction de trois campements), soit dans le sens d’une amélioration (la proposition d’un lieu où pourraient s’installer les personnes qui occupent le lieu de distribution des repas, et qui pourrait dans l’urgence être équipé comme pourrait l’être un camp de réfugié – accès à l’eau, toilettes, douches, repas ou possibilité de cuisiner, ramassage des déchets – on n’espérait pas de l’État qu’il aille au-delà du minimum vital).
Au lieu de ça on a eu le vide, assorti d’un vague chiffon agité pour faire diversion.
Le préfet a répété que les exilés devaient quitter le lieu de distribution des repas. À la question « pour aller ou ? » il ne donne pas de réponse. Après avoir invité les exilés à squatter, il leur propose de disparaitre.
Au passage, il annonce que l’accueil des femmes exilées qui avait été mis en place jusqu’au 30 juin serait prolongé jusqu’en octobre dans un autre lieu – seule bonne nouvelle de la journée. Le squat ouvert par No Border avenue Victor Hugo avait été repris par une association d’insertion, Solid’R, plutôt qu’expulsé. Il accueille aujourd’hui plus de 60 femmes et enfants dans une maison qui serait normalement habitée par un couple avec enfants. Un déménagement s’impose donc. Mais cet accueil reste précaire, il n’y a pas de visibilité au-delà du mois d’octobre.
Par contre, interrogé sur les trois squats qui accueillent des exilés rue de Vic, rue Auber et rue Massena (presque une centaine d’habitants en tout), pour lesquels un jugement d’expulsion a été rendu, le préfet déclare qu’ils peuvent être évacués à tout moment.
Interpelé sur les violences policières (voir ici et là), à propos desquelles un document lui est remis, le préfet répond qu’il s’agit de « fantasmes ».
Vide et absence de dialogue, donc.
Et un chiffon pour faire diversion : les personnes qui choisiront de demander l’asile en France se verront faciliter l’accès à la procédure et à un hébergement.
Début d’après-midi au lieu de distribution des repas, les informations sur la réunion du matin circulent de groupe en groupe, une réunion plénière s’esquisse mais se dissout dans les discussions en groupe. Invités par les exilés, les médias arrivent vers 15h, les interview se croisent.
Vers 17h arrivent le sous-préfet et le directeur départemental de la cohésion sociale, qui réexpliquent aux exilés les décisions de l’État, et présentent comme « la main tendue de la France » la possibilité de demander l’asile, alors qu’il s’agit du simple respect de la loi et des conventions internationales. Ils détaillent : enregistrement immédiat de la demande (il faut actuellement passer deux mois à la rue à Calais, six mois à Paris, pour obtenir un rendez-vous à la préfecture pour déposer sa demande d’asile, en violation de la législation européenne); hébergement (ce qui est le strict respect de la législation française européenne); traitement de la demande en trois mois, ce qui est mieux que les délais actuels, à condition que la réduction de la durée ne signifie pas traitement par dessus la jambe. Discussion avec des exilés, pas de réponse à leurs objections.
Vers 19h arrive l’invité surprise de la journée, le directeur général de l’OFPRA (Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides), qui décrit à nouveau le dispositif d’accueil des demandeurs d’asile qui doit être mis en place.
Question : quel accompagnement pour ces demandeurs d’asile qui vont être hébergés aux quatre coins de la France, généralement dans des foyers d’hébergement d’urgence peu préparés pour ça, qu’il s’agisse de la rédaction en français de leur récit de vie et de la préparation de leur entretien – décisif – avec l’OFPRA, ou des démarches administratives pour accéder à leurs droits en tant que demandeurs d’asile ? Pas de réponse.
Question : qu’en est-il des demandeurs d’asile qui pourraient être renvoyés vers un autre pays européen en vertu du règlement Dublin III, une part importe des personnes présentes dont les empreintes digitales ont été prises à leur entrée dans l’Union européenne ? Pas de réponse.
Fin de la comédie. Le directeur général de l’OFPRA part en laissant des questions vitales sans réponse. Le tout laissant une impression de bricolage, comme le prétendu traitement de la gale et l’hébergement de mineurs pendant cinq jours dans la campagne béthunoise.
Jeu de bonneteau au lieu de distribution des repas : sous quel gobelet se trouve l’asile ?
Tel un dieu descendu des cintres dans un acte d’opéra, le directeur général de l’OFPRA annonce l’asile à ceux qui pour la plupart ne pourront pas en bénéficier tant sont pipées les procédures européennes et françaises.
[Publié le 18 juin 2014 sur le blog Passeurs d’hospitalités]
MESSAGE DES GRÉVISTES DE LA FAIM AUX AUTORITÉS
Mercredi 18 juin, le préfet du Pas-de-Calais invite les associations, puis la presse, à entendre les décisions de l’État concernant notamment la situation à Calais après les destructions de campements du 28 mai, l’occupation par les exilés du lieu de distribution des repas et la grève de la faim d’une partie d’entre eux.
Les exilés en grève de la faim adressent aux autorités françaises et britanniques le message suivant :
« Demande des grévistes de la faim du lieu de distribution alimentaire de Calais aux gouvernements Français et Anglais
Tout d’abord, nous voulons dire que nous respectons toutes les associations et tous les collectifs qui nous ont aidé au cours de notre parcours. Nous nous adressons une fois de plus au gouvernement français et anglais comme nous l’avons déjà fait, et le répétons à nouveau.
Nous, les personnes en grève de la faim, nous voulons et nous demandons l’accès à un statut légal, à des papiers, qu’ils nous soient donnés par le gouvernement Français ou Anglais.
Nous espérons que ces gouvernements vont prendre en considération notre problème et le solutionner. Si le gouvernement Français ou Anglais ne prend pas en considération notre situation, nous, les grévistes de la faim, nous ne stopperons pas notre grève et certains d’entre nous pourraient s’immoler par le feu dans le centre de Calais.
Nous faisons la grève de la faim pour trouver une solution au fondement de notre problème, c’est pourquoi nous voulons que les gouvernements Français et Anglais nous donnent une réponse positive.
Vous pouvez nous joindre au : 07 53 93 21 53 ( la personne qui répondra au téléphone parle anglais)
[Publié le 18 juin 2014 sur le blog Passeurs d’hospitalités]