Belo Horizonte (Brésil): Les 8000 familles de l’Isidoro résistent devant la menace d’expulsion

Depuis le 8 août, une sérieuse menace d’expulsion pèse sur les 8000 familles qui squattent près de 200 hectares de terrain dans la région de l’Isidoro. À l’origine de la procédure : le groupe immobilier Santa Margarida – dont l’actuel gouverneur de l’État du Minas Gerais est un des associés – qui souhaite réaliser sur place une vaste opération immobilière. Dès l’annonce de la procédure d’expulsion, les occupant-e-s ont affirmé qu’ils résisteraient jusqu’au bout et ont commencé à s’organiser pour empêcher l’opération policière.

Un vaste mouvement de solidarité s’est articulé autour des occupations menacées et plusieurs groupes de soutien s’y relaient jour et nuit. Des barricades ont été montées sur toutes les voies d’accès menant aux terrains. À côté des principales entrées, des groupes font le guet en permanence avec talkie-walkie, jumelles et pétards à portée de main tandis que les hélicoptères de la Police Militaire font des rondes incessantes au-dessus des terrains pour intimider les familles.

Le dimanche 10 août, en début d’après midi, une vingtaine de policiers font irruption pour démonter une des barricades montée sur un carrefour près de l’entrée d’un des terrains. Des feux d’artifice sont aussitôt lancés par pour avertir tout le monde de l’intervention policière tandis que des dizaines d’occupant-e-s les assaillent de jets de pierre. Un des gradés sort son arme et tire quelques coups de feu en l’air puis la pointe en direction des occupant-e-s. La barricade est alors brièvement démontée par les policiers. Celle-ci est reconstruite aussitôt après leur départ.

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Le lundi 11, deux rassemblements ont lieu, incluant des occupant-e-s des terrains menacés et des manifestant-e-s solidaires, l’un devant le Palacio da Liberdade – ancien palais du gouverneur du Minas Gerais – et l’autre devant le Tribunal de Justice.

Le mardi 12 au matin, les hélicoptères de la Police Militaire survolant les terrains squattés lâchent – depuis les airs – des tracts annonçant l’imminence de l’opération d’expulsion : «L’opération d’expulsion va bientôt avoir lieu. Nous conseillons aux femmes enceintes, personnes âgées et enfants de quitter les lieux dans l’intérêt de leur intégrité physique et psychologique. La Police Militaire sera présente afin de garantir le pouvoir de police administrative des huissiers de justice en possession des documents nécessaires à l’expulsion. Elle agira selon les principes fondamentaux des droits de l’homme…» (quelques tracts de propagande politique sont également jetés au passage…). La tension monte de plusieurs crans dans la journée. En fin d’après-midi, un autre hélicoptère qui survole de très près les terrains (probablement pour préparer stratégiquement l’opération d’expulsion) est accueilli par des tirs de feux d’artifice et jets de pétards. Des occupant-e-s mettent alors le feu à quelques barricades en signe de résistance. Le soir-même, d’importants effectifs de police commencent à encercler le terrain. Tout indique que l’opération d’expulsion aura lieu dans la nuit. Dans la soirée une juge spécialisée dans le droit des enfants et mineurs fait annuler l’opération à cause des nombreux jeunes et très jeunes enfants vivant sur les terrains.

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Le mercredi 13, dans la journée, différentes manifestations bloquent simultanément plusieurs voies importantes de Belo Horizonte en signe de solidarité avec les occupant-e-s. L’avenue Ivaí, au nord-ouest de la ville, est bloquée par des barricades enflammées montées par les squatters de la communauté Guarani-Kaiowa tandis que l’avenue Antonio Carlos, principale voie d’accès au centre, est bloquée par un autre groupe de manifestant-e-s. À Contagem – banlieue ouest de la ville – c’est l’avenue Severina Balesteros qui est occupée pendant près de deux heures par les squatters du terrain William Rosa. Le jour-même, un groupe envahit l’audience publique qui a lieu au sujet de la procédure d’expulsion à l’Assemblée législative, criant des slogans en solidarité avec les occupant-e-s et brandissant des affiches «Isidoro resiste !», «La ville va s’arrêter».

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Les trois terrains de la région de l’Isidoro – rebaptisés Rosa Leão, Esperança et Vitoria – ont été occupés il y a près d’un an, en pleine effervescence des mouvements sociaux de juin 2013 – époque à laquelle des dizaines d’autres terrains avaient été occupés spontanément dans plusieurs endroits du pays. Selon l’un des avocats militants qui défend les occupant-e-s : «Cette tentative d’expulsion, au-delà des intérêts financiers en jeu, est aussi une forme de vengeance symbolique, de la part de l’État, à l’égard des mouvements sociaux et révoltes populaires ayant commencé dans le pays depuis juin 2013». Le collectif de soutien ainsi que le groupe Brigadas Populares ont récemment lancé un appel international à la solidarité (disponible en anglais ici).

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[Sources : O Tempo, Hoje em Dia, Estado de Minas.]