7 ans après, 3 policiers et leurs flashballs comparaissent devant le TGI de Bobigny.
7 ans après, combien de blessés, de mutilés, de tués par la police ?
La police nous a tiré dessus au flashball le soir du 8 juillet 2009 à Montreuil, alors que nous étions nombreux à manifester suite à l’expulsion de «La Clinique», un lieu d’organisation ouvert sur la ville. Parmi les six personnes blessées, cinq ont été touchées au dessus de l’épaule, précisément là où la police n’est pas autorisée à viser. L’un d’entre nous a perdu un oeil. Fait peu ordinaire, 7 ans plus tard, trois policiers vont finalement être jugés au Tribunal de Bobigny, du 21 au 25 novembre prochain.
Le 13 juillet 2009, quelques jours après les faits, nous étions quelques milliers à manifester à Montreuil avec pour banderole de tête :
Notre défense collective ne se construira pas en un jour.
Contre toutes les polices. Organisons-nous!
Depuis, nous nous sommes organisés en collectif et avons rencontré de nombreuses personnes frappées par la violence policière, des mutilées par flashball et LBD, des proches de personnes tuées par la police, et ceci dans toute la France. Nous avons cherché à rendre visible nos histoires, à les relier entre-elles, à faire front. Faire front, c’est-à-dire se solidariser avec d’autres. Élaborer et échanger des outils juridiques. Partager des contacts d’avocats et de journalistes. Prévenir des formes que prendra l’impunité policière : les communiqués fallacieux, les expertises insidieuses, les procès verbaux mensongers, les articles trompeurs, les pressions policières, etc. Et surtout, continuer à prendre la rue, organiser des manifestions, des rassemblements, des concerts de soutien. Sortir de l’isolement auquel la justice comme la police nous cantonnent.
Dans cette perspective, en novembre 2014, pendant la mobilisation qui fit suite à la mort de Rémi Fraisse, nous avons participé à la création d’une Assemblée des blessés, des familles, et des collectifs contre les violences policières. Elle rassemble une quinzaine de personnes mutilées en France suite à des tirs de flashball et de LBD, ainsi que des familles et des collectifs.
Depuis sept ans nous vivons au rythme des morts et des mutilés. Entre 1995 et juillet 2009, on dénombrait une quinzaine de personnes grièvement blessées par des tirs de flashball et de LBD 40, essentiellement dans les quartiers populaires. Aujourd’hui, ce nombre a pratiquement triplé. On recense en France plus de 40 blessés graves dont une majorité d’éborgnés. Par ailleurs, l’arrivée des armes dites «à létalité réduite» ne s’est pas traduit par une diminution du nombre de morts. La police tue toujours, en moyenne, une personne par mois.
Le flash-ball ne remplace pas «l’arme de service». Avec cette arme, comme avec les grenades de désencerclement, les forces de police se réhabituent à tirer dans le tas, et mettent en oeuvre un certain type de gestion des foules : mutiler quelques-uns pour faire peur à tous. Ce printemps, au cours de la lutte contre la loi travail, tout le monde a en effet pu assister, dans la rue ou sur des vidéos, à l’ampleur de la violence de la police qui n’a eu de cesse de nasser, gazer, tabasser, arrêter, blesser, mutiler, tirer dans le tas. Grenades, LBD 40, 49-3, état d’urgence, répression, sont les modalités du dialogue social actuel.
Les policiers responsables de mutilations ou de morts sont rarement inquiétés. Dans la quasi totalité des affaires impliquant flash ball et LBD 40, les policiers ont bénéficié de classements sans suite, de non-lieux ou de relaxes : on compte seulement trois condamnations sur une quarantaine d’affaires. Une impunité instituée qui est également la règle dans les affaires de meurtres policiers. Dernier exemple en date, cet été, Adama Traoré, jeune homme de 24 ans, est mort entre les mains des gendarmes à Beaumont sur Oise. Sans surprise, le procureur a tenté d’étouffer l’affaire en omettant de communiquer des éléments de l’autopsie. Plusieurs nuits d’émeutes, des journées de mobilisation, une famille déterminée et un avocat combatif ont réussi à mettre en échec cette pratique systématique.
Lors du procès des trois flics qui nous ont tiré dessus, et mutilé l’un d’entre nous, nous inviterons d’autres blessés et proches de victimes de la police sur la scène publique. Car s’il s’agit de viser la condamnation des tireurs, ce procès sera aussi une occasion de faire entendre chaque histoire, de combattre le déni des institutions, de mettre en cause la chaîne de commandement et de mettre en lumière la fonction de la police et des ses armes.
Le procès aura lieu du 21 au 25 novembre prochain à Bobigny.
Soyons nombreux.
[Publié le 10 octobre 2016 sur le site du Collectif 8 juillet.]