Lyon: contre le «Bastion social» des fachos du GUD, non à l’instrumentalisation de la pauvreté à des fins racistes

Nous reproduisons ci-dessous divers textes critiquant le squat ouvert fin mai à Lyon par le GUD, organisation française d’extrême droite:

Comme les néofascistes italiens avant eux, le GUD ouvre un squat à Lyon pour les «Français de souche»

Jean-Yves Camus (L’OEil sur le Front) | 30 mai 2017

Le lieu est inspiré du Casapound romain : des militants du GUD occupent un immeuble vide de Lyon pour le réserver à des personnes en situation de précarité, sur la base du principe de préférence nationale. Une action qui témoigne de l’existence d’une droite radicale mouvementiste.

C’est dans la ville dirigée par le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb, que l’extrême droite radicale a choisi pour démarrer, le 27 mai, une expérience inédite en France et conçue sur le modèle de la Casapound romaine : un squat désormais baptisé «Bastion social», occupé par des militants du GUD. Cet immeuble du 2e arrondissement, désormais vide, est destiné par les gudards à héberger des personnes en situation de précarité, sur la base du principe de préférence nationale, formulé ainsi : «les nôtres avant les autres». Selon le responsable du mouvement Steven Bissuel, cette action vise à populariser l’idée d’un «grand plan de construction et de réhabilitation de logements», ainsi que de «réquisition et rénovation totale des bâtiments publics abandonnés afin que les Français les plus démunis puissent avoir un logement décent». Le groupe y ajoute «la facilitation de l’accès à la propriété par la mise en place de prêts aidés et de micro-crédits».

Les spécialistes reconnaitront dans ces formulations et dans l’acte lui-même, la «patte» des «fascistes du troisième millénaire» italiens et du lieu devenu mythique qu’ils animent à Rome depuis 2003 : Casapound, du nom du poète américain Ezra Pound, dont l’engagement pro-mussolinien reposait entre autres sur la dénonciation de l’usure et du capitalisme financier. Les contacts entre le noyau lyonnais du GUD et Casapound sont réguliers, l’un des responsables français du lieu alternatif romain, Sébastien «de Boëldieu», ayant tenu une conférence le 3 décembre 2016 au local du GUD, le «Pavillon noir». Une autre expérience similaire existe désormais à Madrid, sous le nom de Hogar Social, dans le quartier de Tetùan. Il se réclame de Ramiro Ledesma Ramos, le fondateur du national-syndicalisme, une variante de gauche du Phalangisme, mise à l’index sous le franquisme pour son contenu «nationaliste-révolutionnaire».

Droite radicale mouvementiste

Quel que soit son avenir (financier : le GUD appelle au financement participatif pour poursuivre son action ; et administratif, un squat étant par définition illégal), l’action du GUD est inédite en France et témoigne de l’existence d’une droite radicale mouvementiste, c’est-à-dire privilégiant l’activisme et l’intervention sociale sur la politique électorale. L’idée centrale, couramment admise en Italie chez les néo-fascistes se réclamant du programme de Vérone, celui du tournant social de 1943, consiste à mettre en place des actions qui font pendant à ceux de la gauche alternative en «sortant» vers le monde extérieur, en se donnant une visibilité médiatique et auprès de la population, au lieu de rester enfermé dans le fonctionnement groupusculaire et l’entre-soi militant.

Le Bastion social lyonnais a encore beaucoup de chemin à parcourir pour devenir, comme Casapound, un lieu de vie, un mouvement politique, un espace de débats (y compris avec des adversaires de la gauche radicale) et de concerts. Notamment parce que l’attitude des autorités municipales précédentes, à Rome, avait permis de légaliser le «squat», ce qui ne sera pas évident à Lyon. Quel que soit son avenir, l’initiative des radicaux montre aussi que, même dans les villes qu’il administre, le FN a du mal à s’inscrire dans une dynamique d’initiatives innovantes. D’abord parce que, dans un domaine comme le logement social et l’aide aux plus démunis, il a choisi d’agir dans le domaine de la légalité, qui interdit la préférence nationale. Ensuite parce qu’il se comporte au fond comme un parti traditionnel : les premiers locaux militants ouverts sur les quartiers ont été lancés par le Bloc identitaire (d’abord à Nice, puis à Lyon) ou, à Lille par des militants du défunt mouvement Troisième voie. Quant à l’expérience Casapound, si elle est vue d’un très bon œil par certains amis proches de Marine Le Pen appartenant à une génération antérieure de «gudards» elle est, pour le parti, inassumable ouvertement en raison de ses références fascistes. Jusqu’à son autodissolution en 2016 c’est donc le Mouvement d’action sociale (MAS) qui en était le plus proche. La web-radio Méridien zéro continue dans le même lignée.

A Lyon, visite dans le squat très sélectif du GUD

Daphné Gastaldi (L’OEil sur le Front) | 30 mai 2017

Le groupuscule d’extrême droite occupe un local du centre-ville qu’il assume de réserver aux «Français de souche». Une procédure d’expulsion est envisagée.

Jalousement gardée, la porte du squat s’entrouvre pour laisser passer une jeune femme aux cheveux peroxydés et mini-short. Depuis samedi [27 mai 2017], quelques militants du Groupe Union Défense (GUD), tatouages et croix celtiques gravés sur les bras, occupent un vieux bâtiment municipal vacant situé dans un quartier huppé du centre-ville de Lyon. Du fond du couloir parvient le bruit d’une disqueuse. «On a l’eau et l’électricité depuis ce matin», se satisfait Steven Bissuel, 23 ans, les ongles noircis par les travaux.

A la tête de ce groupuscule d’extrême droite radicale recréé à Lyon en 2011, filiale du mouvement étudiant parisien d’Assas, l’entrepreneur lyonnais explique vouloir rénover le lieu inoccupé et «redonner ce local au peuple». En faisant le tri pour ne garder que des «Français de souche». «Des Français ou des Européens de culture et de langue française, avec de la famille issue de notre pays par exemple», précise-t-il sans complexe. Pour payer les travaux, cette poignée d’ultras, surnommés les «rats noirs», ont organisé une cagnotte en ligne, au nom de leur nouveau mouvement «Bastion social».

Chiffon rouge

Leur but serait d’aider des «compatriotes» vivant sous le seuil de pauvreté, qu’ils estiment défavorisés par rapport au traitement des «clandestins extra-européens». Un argument de propagande utilisé par le Front national également. Pour rétablir les faits, rappelons que les migrants en situation irrégulière ou en cours de régularisation n’ont pas accès aux logements sociaux en France. Cette «préférence nationale» agitée comme un chiffon rouge est un pilier de leur idéologie. Sur les réseaux sociaux, des groupuscules tendance nationaliste comme Autour du Lac (Annecy) ou Edelweiss Pays de Savoie ont répondu à l’appel pour cette occupation.

Adeptes d’actions «percutantes», les Gudards lyonnais n’en sont pas à leur premier coup de communication. «Il faut que les Français sortent de la dormition, cet état léthargique, pour reprendre les mots de Dominique Venner», lance mécaniquement Steven Bissuel, en citant l’essayiste controversé d’extrême droite qui s’est suicidé dans la cathédrale Notre-Dame de Paris en mai 2013. Le numéro 1 des «rats noirs» à Lyon dit s’être inspiré, pour son opération, d’actions similaires menées par les néofascistes de Casa Pound en Italie ou Hogar social en Espagne.

Action française, Front national et villiéristes

Une procédure d’expulsion est envisagée  dans le IIe arrondissement de Lyon. Les gudards promettent de ne pas plier face à la «police politique» et d’ouvrir un nouveau squat s’ils sont expulsés. «S’ils viennent, on résistera », conclut Steven Bissuel, avant de retourner au chantier.

Dernièrement, ces militants se sont illustrés en menant une action violente devant un local d’En marche, avec des fumigènes. Pendant l’entre-deux-tours, une trentaine de jeunes gudards ont joué les agents de sécurité lors d’un rassemblement anti-Macron à Lyon, auquel se sont conviés pêle-mêle des membres de l’Action française, du Front national ou des villiéristes.

Sans parler des intimidations à l’encontre d’un journaliste de Rue89Lyon, spécialiste de ces mouvements identitaires régionaux. Depuis plusieurs années, l’extrême droite radicale est bien ancrée dans le Vieux Lyon, avec de nombreux points de chute du GUD (salon de tatouage, local à Saint-Just, boutique de vêtements), de Rebeyne!-Génération identitaire (local et salle de boxe La Traboule) ou encore de l’Œuvre française. Une zone touristique, symbole des traditions lyonnaises, qui n’a pas été choisie au hasard par les extrémistes.

Appel à rassemblement antifasciste contre l’initiative raciste du GUD qui compte instrumentaliser le mal-logement au profit d’une logique d’exclusion

Groupe Antifasciste Lyon et Environs | 29 mai 2017

Depuis plusieurs années la parole fasciste se libère partout en France et en Europe. Dans un contexte de crise et d’instabilité permanente, l’État ainsi que toutes les forces politiques se dirigent vers des positions toujours de plus en plus fascisantes. Ce terreau fertile permet alors un déferlement de discours de haine anti-migrant.e.s, raciste et islamophobe.

Alors l’extrême-droite prend ses aises, s’installe et étend son emprise jusqu’au centre des villes, se taille des royaumes dans les campagnes.
A Lyon, elle se dote d’un vrai réseau de magasins, de salons de tatouage, de bars. Elle ne se cache pas de vouloir créer un véritable quartier nationaliste à St-Jean. Là-bas, les groupes identitaires ne cessent de multiplier les provocations ainsi que les agressions.

Le GUD-Lyon à récemment ouvert un squat (au 18, rue du Port du Temple, IIe arrondissement) pour héberger les « Français » (comprendre les SDF blancs). La où prolifère la misère, l’extrême droite en profite pour étendre son champs d’action. Ceci fait écho à la distribution de « soupe au cochons » réservée là aussi aux « Français ».
Les laisser s’installer reviendrait à cautionner ses discriminations ! Nous ne pouvons laisser ce groupe instrumentaliser la détresse sociale et la misère au profit du racisme.

Nous sommes pour le droit effectif à l’hébergement pour tous et toutes sans distinctions !

C’est d’ailleurs là des pratiques courantes dans les différents squats de Lyon, qui eux ne cherchent pas le coup de comm’.

Nous invitons toutes les forces progressistes à nous rejoindre ce vendredi 2 Juin à 18h30 place des Jacobins pour affirmer que tout le monde a le droit à un hébergement sans distinction de race, de genre, d’origine ou d’orientation sexuelle ! Et affirmer que nous voulons nous débarrasser des fascistes sur Lyon.

Patriote, ta terre est au cimetière

Tract anonyme diffusé lors de la manifestation antifasciste du 2 juin 2017

« Mon pays vaut-il la peine d’être sauvé ? A quoi bon ? »… Je me pose la même question. Je me la suis toujours posée. C’est parce que je me la pose que je suis français. Lorsque je ne me la poserai plus, je serai mort. J’aurai bien mérité ce repos »
Nous autres Français, Georges Bernanos

« Ils en viennent à se massacrer entre eux : les tribus se battent les unes contre les autres faute de pouvoir affronter l’ennemi véritable […] le frère, levant le couteau contre son frère, croit détruire, une fois pour toutes, l’image détestée de leur avilissement commun. »
Les damnés de la Terre, Frantz Fanon, préface de Jean-Paul Sartre

« Le GUD a ouvert un squat ! » La photo détonne dans Le Progrès du 28 mai : Steven Bissuel, bras croisés, exhibe son nouveau t-shirt devant le squat fraîchement ouvert. Le tout brandé sous le sigle « Bastion social », opération marketing aussi rodée que pour un pop up store des pentes. Il se lance dans le social pour sauver ses compatriotes de la misère. Voilà un comique qui colle à son époque. Il y a eu Coluche et les Restos du coeur. A Lyon, on aura le squat version centre de tri, le GUD et sa soupe xénophobe en pleine page dans les journaux.

On se marre un peu en imaginant les nazillons surfer sur un forum anar’ et consulter Le squat de A à Z, tout en ayant la sensation que là ils marchent sur nos plates-bandes. Une décennie que s’ouvrent des squats avec Roms, Albanais et précaires de tous horizons et l’extrême droite vient faire son beurre médiatique avec des pratiques qu’on a fait nôtres. La diffusion des pratiques comme modus operandi révolutionnaire n’est en soi garante d’aucune éthique. Si le GUD s’encanaille un peu en violant le droit de propriété, ils n’iront pas jusqu’à pirater l’élec’.

Le squat s’annonce comme un lieu d’accueil pour les Français dans le besoin qui seraient délaissés par l’Etat au profit des « clandestins extra-européens » qui accaparent tous les logements sociaux (les milliers d’exilés sur les trottoirs de Paris et Calais n’ont pas dû avoir le tuyau). Alors pour Steven il s’agit de faire de la solidarité sélective. Et là, c’est la question à mille balles : comment vont-ils faire le tri ? D’habitude, au GUD, l’examen se fait au faciès. Comme cette fois où ils ont passé à tabac un type qui était au bras… d’une Asiatique. Les yeux bridés, pas de subtilité, le GUD exulte quand il cogne. Plutôt ratonnades que luttes sociales. De mémoire, on ne les a pas vus se prendre pour l’abbé Pierre cet hiver quand Collomb ne concédait qu’une bouche de métro aux SDF pour les nuits à -10°.

Qu’à cela ne tienne, Steven a prévu de faire son marché à l’entrée du foyer pour : « Des Français ou des Européens de culture et de langue française, avec de la famille issue de notre pays par exemple« . Examen de français pour tous les futurs pensionnaires, donc ? Et de préciser le torse bombé d’importance qu’il s’agit de « redonner ce local au peuple » ! Le peuple, le peuple… Le peuple FRRRANCAIS, Madame ! Et comment vont-ils le distinguer le peuple ? Leur projet nationaliste pourrait vite se résumer à un vulgaire contrôle d’identité car le fond de leur pensée n’est pas loin. Garder les « Français de souche« . Voilà leur vieille lubie. Compulser les arbres généalogiques, se regarder le livret de famille. Putain, mon grand-père est italien. J’en suis ?

Encore faudrait-il que des SDF frappent véritablement à leur porte, ce qui au fond n’est pas la question. L’élan de solidarité des Gudards n’est qu’une fiction utile à véhiculer leur idéologie raciste et leur stratégie politique au plus proche des gens. Le groupe aspire à mobiliser la société civile à coups de citation de Dominique Venner [1] et de récupération politique déguisée en initiative citoyenne. Le tout soutenu par une communication maîtrisée ; hyper présence sur les réseaux sociaux, photo de plantes au milieu des travaux (ne manque qu’un filtre Instagram), esthétique léchée sur des t-shirts dignes d’un groupe à la mode et slogans qui prêtent à confusion sur leur origine. La véritable ambition du GUD n’est pas tant de faire dans le social que de s’assurer un point d’énonciation supplémentaire dans la ville et toucher un public plus large. A l’instar des fascites italiens de CasaPound qui arrivent à rencontrer pas mal de gens grâce à leurs « centres sociaux« , le GUD se dote d’un lieu ouvert et plus rejoignable que ceux du Vieux Lyon de par son identité floue de « foyer d’accueil« . Avec cette occupation, il s’offre une large fenêtre médiatique pour propager leur analyse bancale ; le vieux mythe de l’invasion, mâtiné d’une critique du néolibéralisme. Or, « crise migratoire » ou pas, les gouvernements n’ont jamais fait grand-chose en faveur des pauvres, qu’ils soient français ou étrangers. La raison de ce désintérêt est la volonté politique de laisser un ordre se perpétuer et naître des rivalités. Il est confortable de croire que c’est le voisin qui vous ôte le pain de la bouche.

Sous le filtre d’une prétendue neutralité journalistique, la complaisance qui émane du traitement médiatique de cette action laisse pantois. Aucune mention de l’appartenance à l’extrême droite violente du GUD dans l’article du Progrès. Mais peut-on se plaindre encore longtemps que les journalistes soient trop à droite ? Collomb quant à lui, lors du dernier conseil municipal, balaye la question du GUD à Lyon pour en revenir à la RAF et aux Brigades Rouges. La gauche radicale est un plus grand péril que les néo-fascistes pour le nouveau ministre de l’Intérieur. Prenons en acte, les partisans de l’extrême droite sont bien en place. Une position victimaire ne nous fera rien gagner. Le GUD lui, promet de résister à la « police politique », et on est curieux de voir. « Politique » ? Est-ce un appel du pied à leurs collègues CRS du même bord droitier ? Après l’alliance entre gudards matossés qui nous attiraient là où se planquaient quelques BACeux en embuscade aux abords de la manif #onvautmieuxqueça, va-t-on assister au divorce de la flicaille et des racetons ?

Si ces garants de l’État-Nation, policiers ou civils se mettent sur la gueule, tant mieux. Quant à nous, envisageons le chemin à parcourir. Un des enjeux se situe au niveau du discours afin de démonter leur langage rhétorique et esthétique, de ridiculiser la menace d’une France en péril. Il n’y a pas de nation ou de société française à sauver des méchants fascistes. Il y a d’abord ces mythes à déserter. Ces mythes qui voudraient qu’on se sente lié à ces bas du front sous prétexte d’un vivre ensemble culturel et historique. Ces mythes qui voudraient faire passer la machine capitaliste qu’est la France® et l’exploitation qu’elle administre pour un intérêt général quand tout le monde a compris que toujours les mêmes se gavent. Les brefs moments de communion nationale orchestrés après les attentats ne suffisent plus à endiguer la fragmentation toujours plus accentuée de ces vieilles unités. Si les fafs gagnent du terrain en surfant sur les désastres du libéralisme, nous les combattrons en ayant construit nos propres solidarités. Dans nos groupes, nos lycées, nos quartiers, nos lieux de vie quotidiens comme dans nos lieux de travail. Une expérience commune qui naîtra de la volonté de vivre et lutter dans cette ville. Une éthique généreuse qui n’ait rien à voir avec leur amour d’une soi-disant patrie qui ne repose que sur la haine du reste du monde.

Patriote Steven, solde la question du vieux Georges comme l’a fait ton cher Dominique Venner et va croupir dans ta terre de souchien.

Note:
[1] Dominique Venner est un essayiste d’extrême droite qui a eu le bon goût de se suicider devant l’hôtel de la cathédrale de Paris au moment des débats autour du mariage pour tous…