Nous partons d’un constat simple : la ville a besoin d’espaces où peuvent s’inventer et se réinventer nos vies, indépendamment des pouvoirs publics. De lieux d’entraides, de débrouille, où se tissent des liens et des solidarités dans la rencontre plutôt que derrière un guichet. Où il est possible de résister, partager nos joies et nos combats ; développer des initiatives sociales et culturelles pour toutes les personnes qui ne se reconnaissent pas dans les cadres habituels ou qui en sont simplement exclues. De lieux où les activités sont gratuites, où l’on peut partager des moments, des savoirs et des pratiques librement : prendre des cours de français ou de soutien scolaire, réparer un jean ou un vélo, voir une pièce de théâtre dans un lieu improbable, y entrer en curieuse et en sortir le ventre plein, l’esprit léger et le cœur réchauffé.
Ces espaces existent déjà à Grenoble et ils sont précieux. Ces six derniers mois, la politique d’austérité de la Ville a mis directement en péril des espaces communs dont nous avons pourtant cruellement besoin, en fermant des bibliothèques et des maisons des habitants. Comme si cela ne suffisait pas, la mairie lève le voile de l’illusion démocratique en ne respectant pas les acteurs politiques qui lui résistent, en réunissant ses conseils municipaux derrière une rangée de CRS, et en expulsant le syndicat Solidaires de ses locaux. Ce mépris démontre que la mairie se moque bien du sort des habitants des classes populaires, décidant l’avenir de leurs quartiers en niant leurs besoins et préoccupations.
À Saint-Bruno, au contraire, la mairie cherche justement à lisser les contours de la vie de quartier pour y attirer une population plus aisée, notamment via le projet de refonte du marché populaire : nouveaux stands bio, contrôles douaniers, flicage administratif des forains, occupation policière… Tout est mis en œuvre pour que l’âme de la place soit transformée en relique folklorique. Ces choix politiques conduisent progressivement à la hausse des loyers, ce qui repousse petit à petit les habitants historiques vers la périphérie de la ville. Dans ce contexte, nous avons urgemment besoin de maintenir et densifier les liens entre les habitants et les habitantes, afin qu’ils puissent continuer à subvenir à leurs besoins, et sur- tout à s’auto-organiser. Le quartier nous appartient, nous le défendons collectivement.
C’est dans cette optique que le Lieu Commun, centre social Tchoukar du 38 rue d’Alembert, s’est installé à Saint-Bruno il y a deux ans. Il est aujourd’hui menacé par les pouvoirs publics, propriétaires des lieux, qui souhaitent le raser pour construire à la place des logements sociaux. Nous sommes pour les logements sociaux et nous battons justement depuis des années pour que les projets A.Raymond et Greta en intègrent davantage et ne soient pas réservés aux classes supérieures. Pourquoi les faire ici alors qu’à quelques centaines de mètres dans le quartier d’Europole, des immeubles entiers de bureaux sont inhabités et pourraient être réaménagés par la ville ? Le logement social a bon dos quand il sert à expulser des initiatives qui échappent à la ville de Grenoble. Nous désirons poursuivre l’aventure du 38 afin que perdure ce que nous y avons déjà mis en place : un magasin gratuit, une laverie, une cantine sur la place, une salle de répét’, un atelier de réparation de vélos, un atelier couture, un cinéma de quartier, une salle de sport, un lieu d’activités qui rayonne au delà du quartier Saint Bruno. Ici et maintenant, nous construisons petit à petit un quartier populaire tel que nous l’imaginons.
Ne laissons pas la mairie tailler nos rêves en pièce !
Si vous voulez nous soutenir vous pouvez envoyer votre signature à 38ruedalembert@@@riseup.net.
[Publié le 12 janvier 2018 sur Indymedia Grenoble.]